L’école mauritanienne du primaire au lycée, la répétition

Dans une certaine mesure, il demeure difficile de départir l’enseignant du primaire de celui du secondaire. Tant les deux se confondent à bien des égards. Ils s’adonnent, en effet, quasiment aux mêmes activités : sélection et transmission des savoirs, faire classe, corriger, évaluer etc. Pour autant, l’enseignement primaire se distingue par sa dimension enfantine qui contraste fort avec l’adolescence (maturité) qui caractérise le public scolaire du secondaire. De même, les savoirs à transmettre, les objectifs poursuivis, la pédagogiedans ces deux ordres d’enseignement ne se confondent pas. 

Si d’une classe à une autre et d’un cycle d’enseignement à un autre, les savoirs à transmettre se transforment, se déploient et se complexifient, il reste que le travail de l’enseignant s’assouplit en même temps ; car l’élève est de plus en plus impliqué dans son apprentissage tandis que l’enseignant s’éclipse peu à peu. Dès lors, on comprend aisément qu’on préfère le collège au primaire, le lycée au collège, l’université au lycée. Il y a certes le prestige mais c’est surtout pour la souplesse du travail. Quand on choisit le secondaire et non le primaire on ne fait pas ce choix juste pour des raisons pécuniaires, dans la mesure où le secondaire paie mieux que le primaire, c’est également pour fuir la nature du travail du primaire, les exigences de son environnement, ses contraintes notamment le bruit qui le caractérise, les plaintes et les cris des enfants et toutes les acrobaties ludiques auxquelles il faut recourir pour mettre les enfants en train afin qu’ils parviennent à la compréhension des leçons. Au primaire, en plus de l’enseignement, l’enseignant veuille sur l’élève qui doit écrire correctement sur les lignes du cahier, soigner ses écrits, se tenir correctement sur le banc, bref, se conformer à la norme scolaire…

Au secondaire, les élèves ne sont plus des enfants et sont supposés avoir acquis les prérequis nécessaires notamment en termes d’organisation et de langue d’enseignement pour recevoir les enseignements du collège qui, lui, les préparent au lycée. Cela veut dire aussi quelque part que le travail de l’enseignant s’allège. Hélas ! Dans notre pays, les collégiens et lycéens suffisamment préparés à ces deux cycles du secondaire se comptent sur les bouts de doigts dans une classe. Inutile d’exposer ici les raisons qui nous ont conduit à cette déplorable situation que tout le monde connait.

Les enseignants du secondaire ont l’impression souvent que les élèves qu’on les envoie ne sont jamais allés à l’école. Jusqu’à la terminale, il faut revenir longuement sur les leçons de l’école fondamentale. Pis encore, il faut leur apprendre à bien écrire sur les lignes du cahier, les endroits de la copie où il ne faut rien écrire, à construire des paragraphes aérés… Et puisque l’enseignant est tenu de ne pas trop s’écarter du curriculum prescrit, il se trouve à faire deux choses à la fois. Cette situation est bien de nature à alourdir le travail de l’enseignant du secondaire et à lui ôter son sens.

Pour partir d’un exemple, en 6ème année fondamentale, l’objectif de l’enseignement du français est de « développer chez les élèves des compétences de communication afin qu’ils soient capables : de comprendre et produire des discours cohérents dans une situation de communication authentique, d’avoir accès à l’enseignement des disciplines scientifiques… ». Alors qu’« A l’issue du premier cycle secondaire, l’élève sera capable de communiquer de manière cohérente et correcte, à l’oral et à l’écrit, dans la plupart des situations de la vie scolaire et quotidienne ».

Pourtant, le professeur de français d’une terminale, de surcroit littéraire, fait face à des élèves qui ont encore du mal à déchiffrer les mots, à lire et à bien prononcer. Ne parlons pas de la compréhension écrite et orale. Soulignons que c’est souvent à l’intérieur du pays que ce problème se pose avec acuité. C’est toute une partie du programme, pour ne pas dire tout le programme, qui ne peut pas être enseignée. Un enseignant qui travaille sur un texte, par exemple, le moindre mot du texte doit être expliqué, les noms propres, pronoms, verbe, adverbe, avant de s’attarder sur le sens de chaque phrase simple et complexe… (Ne lui demandez pas dansquelle langue il le fait). Quid de l’enseignement du résumé, de la dissertation et du commentaire ? Là où le professeur doit dicter ses cours, il écrit tout au tableau, tout en veillant sur les nombreuses amputations que les élèves feront de son cours. Finalement, l’aspect fondamental que l’enseignant du secondaire fuyait le rattrape, le collège devient une répétition du fondamental et le lycée du collège. Pour l’enseignant du secondaire c’est, à la limite, du « sale boulot » pour parlercomme le sociologue américain E. Hughes. En effet, c’est le médecin qui fait le travail de l’aide-soignant.INSUPPORTABLE !                                   

Boubou Yatou Thiam Enseignant du secondaire et chercheur en sciences de l’éducation

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