La pandémie de la COVID-19 en Mauritanie et les mesures gouvernementales ?
Entre Souveraineté sanitaire, sécurité sanitaire et conscience sanitaire


La pandémie de la COVID-19 est un phénomène mondial, de grande amplitude, qui, au 9 août 2021, a déjà contaminé plus de 200 millions d’individus et fait plus de 4 millions de victimes sur l’ensemble des pays du globe. De par son rythmede propagation soutenu, sa grande dangerosité et la facilité avec laquelle il se transmet d’un individu à l’autre, ce virus a déjà mis à mal les systèmes de santé les plus performants des pays développés d’Asie Orientale, d’Europe et d’Amérique du Nord qui ont, tour à tour, été les principaux foyers de diffusion. En plus de ces conséquences sanitaires désastreuses, la COVID-19 a également fortement impacté l’ensemble des échanges commerciaux et financiers internationaux et provoqué une forte contraction de l’activité économique au niveau mondial qui, selon les prévisions du FMI, connaitra une récession historique de l’ordre de -3 % en 2020.

Mesures gouvernementales

Le mercredi 4 août 2021 lors du conseil des ministres, le Président de la République de Mauritanie, Mohamed Ould Ghazouani a instruit le Gouvernement de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue d’accélérer le rythme de vaccination contre la COVID-19 et de renforcer les gestes barrières notamment le port des masques dans le transport public et les marchés. Cette décision est légitime et salutaire car notre pays a enregistré en une semaine plus de 2000 cas positifs et entre 90 et 100 cas graves. A cet effet, on peut ajouter que le gouvernement a consenti à de grands efforts pour la mise à disposition des vaccins, appelant les citoyens à se faire vacciner le plus tôt possible afin de se prémunir contre les complications du virus.

Dans le contexte d’une troisième vague marquée par l’apparition du variant delta qui secoue le monde entier, notre pays est resté debout pour contenir la crise du coronavirus en mode gestion solidaire, réfléchie, sereine et efficace. 

Aussi en décidant récemment de prendre à bras le corps la fourniture de l’oxygène dans les structures de soins, le Président de la République confirme sa volonté de faire de la lutte contre cette pandémie un chantier présidentiel de tout premier ordre. 

Le Président Mohamed Ould Ghazouani demeure en effet constant et déterminé dans la voie de la matérialisation du plan d’action prioritaire ajustée et accélérée qui place la souveraineté sanitaire au rang de sur-priorité dans notre stratégie nationale de résilience et de riposte face à la covid 19 et de relance de notre économie. C’est là une décision capitale qui soulage les personnels de santé, les patients et leurs familles de la pression insoutenable d’une disponibilité à peine garantie de ce produit essentiel dans la prise en charge des cas sévères de malades du covid 19 en situation de détresse respiratoire. En levant cette contrainte majeure qui éloigne du quotidien des personnels soignants le spectacle insupportable de ces patients en peine respiratoire, un défi important vient d’être relevé par notre Président de la République et son gouvernement : celui de réaliser la souveraineté sanitaire de la Mauritanie qui, rappelons-le, comporte à la fois des enjeux de solidarité, de dignité et de sécurité pour notre peuple et notre nation.

Il convient de toujours garder à l’esprit que le propre des questions de santé publique, c’est précisément de renvoyer, dans certaines circonstances, à des enjeux de sécurité nationale en ce qu’elles exposent à des risques de périls, les ressources plus précieuses de la nation, à savoir les femmes, les enfants et les hommes qui la composent.

C’est de ce point de vue qu’il est capital de sauvegarder le vaste et bel élan de mobilisation nationale et de solidarité que notre pays a réussi à mettre en place pour lutter contre cette pandémie. Cette mobilisation est un acquis extrêmement important qu’il va falloir continuer de gérer avec sérieux, lucidité et responsabilité. C’est dans ce cadre qu’il faut encourager le Président de la République pour les pertinentes mesures prises par le gouvernement, pour endiguer la propension de la pandémie. Qu’il soit la riposte communautaire, le fonds Force Covid-19, la campagne de vaccination, la gratuité de l’oxygène, l’augmentation de la capacité litière, la transparence dans la gestion de la Covid… l’Etat mauritanien a fait face à la pandémie avec, à la clé, des résultats probants.

Cependant la pression reste forte sur les structures sanitaires car la variante delta, par sa plus grande contagiosité par rapport aux deux premières qu’on a connues, occasionne une forte poussée des cas communautaires, sans que cela impacte pour autant de façon significative sur le taux de mortalité lié au coronavirus qui reste dans les limites des 1 % correspondant au taux moyen de létalité des grippes saisonnières courantes dans notre pays. 

Il est toutefois indispensable pour renverser cette tendance que les structures de soins soient mises dans les conditions optimales de prise en charge des demandes et des besoins autant pour la vaccination des citoyens que le traitement des malades. En même temps, tous les services concernés de l’état doivent continuer d’accorder une attention toute particulière aux relations professionnelles dans le secteur, notamment sur les sujets majeurs de protection et de motivation de toutes les catégories de personnels parmi lesquelles celles qui accompagnent quotidiennement les malades dans les centres de traitement des épidémies. 

Si nous nous accordons pour convenir que toute nation attachée à sa souveraineté doit être maître de son « économie de vie », l’expérience actuelle de la crise du coronavirus nous interpelle sur la réalité objective du monde qui est le nôtre.

Cette crise révèle de manière, on ne peut plus claire, notre communauté de destin avec le reste du monde ; il n’en reste pas moins toutefois que le réflexe du repli sur soi aura été la règle dans presque tous les pays. Ceci se vérifie largement dans les options de nationalisme sanitaire et vaccinal qui ont prévalu dans les pays riches ou émergents dont les laboratoires ont mis au point les premiers vaccins aujourd’hui disponibles sur le marché. 

L’on se souvient que le Président Mohamed Ould Ghazouani avait sonné l’alerte depuis longtemps en mettant l’accent sur la prévalence de la justice dans les modalités d’accès aux vaccins. Mais il faut se rendre à l’évidence que l’appel n’a pas été entendu par les pays en cause, les pays riches qui s’approprient les doses de vaccins et les fabricants de vaccins ont donné la priorité à l’approbation réglementaire dans les pays riches où les bénéfices sont les plus élevés, plutôt que de soumettre des dossiers complets à l’OMS. Les égoïsmes nationaux et internationaux sont presque partout la règle.

Il convient de souligner à cet égard que sur les 4 milliards de doses de vaccins injectées à travers le monde, le continent africain peine encore à franchir le cap des 100 millions ; 1,5 %de la population africaine ont pour l’instant accès au vaccin anti-covid au moment où plusieurs pays à travers les autres continents ont atteint des taux de vaccinations de 60 à 70 % de leur population, ce qui les rapproche à grands pas de l’objectif de l’immunité collective.

Les apports du mécanisme international covax de l’organisation mondiale de la santé (OMS), sans être négligeables, n’en sont pas moins résiduels. L’Afrique n’a aujourd’hui d’autre choix que de prendre ses responsabilités en main pour faire face à cette demande essentielle en vaccins qui constitue la seule réponse pertinente et durable face au virus du corona.

Le Président Mohamed Ould Ghazouani s’est distingué parmi ses pairs du continent africain par ses appels constants à des stratégies collectives de riposte face à la crise sans précédent du coronavirus. Il est important que le Président reprenne et renforce encore cette initiative sur la question de la mutualisation des efforts de recherche à l’échelle de notre sous-région et du continent africain à travers les universités et les instituts de recherche et avec la coordination notamment de l’organisation ouest africaine de la santé (OAS) et les centres africains de contrôle et de prévention des maladies (CDC/Africa) de l’Union africaine.

Les africains sont pourtant à l’aise sur ces sujets car la crise du coronavirus a permis de mettre en évidence les énormes capacités d’innovations et d’invention de têtes chercheusesafricaines qui rivalisent de créativité avec la start-up du monde entier. Parmi le millier d’innovations technologiques mis au point dans le cadre de la lutte contre la covid et recensées par l’OMS, 120 parmi celles-ci, représentant 12,8 % des projets sélectionnés, ont été inventés et produits par des jeunes Africains qui se sont révélés particulièrement doués sur le volet digital. C’est là l’occasion d’inviter les états africains, lesinvestisseurs et industriels du continent à travailler sérieusement sur des projets de promotion industrielle de ces innovations technologiques. 

La sagesse nous apprend en effet que « Seul, on va vite. Mais ensemble, on va loin. »

Le réalisme recommande cependant de mettre l’accent pour l’instant sur nos stratégies nationales de riposte. 

Sous ce rapport, le moment est peut-être venu de lancer un appel au secteur privé national et africain pour que le chantier de l’industrie du médicament soit investi avec force quand on sait que ce secteur de l’industrie africaine est loin de couvrir 1/5 de la demande et des besoins en produits et consommables médicaux. 

C’est là aussi une condition essentielle de notre souveraineté sanitaire. Or sur ce plan, notre retard est manifeste. Ceci est d’autant plus regrettable que nous disposons largement de tout le potentiel technique, scientifique et en ressources naturelles et matières premières pour être autosuffisant en médicaments génériques, en consommables et équipements de base, etexploiter de manière optimale nos plantes médicinales qui ont fait depuis des millénaires la preuve de leurs vertus préventives et curatives. 

C’est le moment, sous ce rapport, de réinscrire sur l’agenda de notre parlement le texte de loi sur la médecine traditionnelle dont l’adoption définitive va ouvrir de nouvelles perspectives dans nos offres de soins aux côtés du service public et d’une médecine libérale en plein essor.

Les progrès notés enfin dans l’éveil de la conscience sanitaire des citoyens face à la covid trouveraient également un intérêt à être mis à contribution pour la promotion de la santé et du capital santé dont la sauvegarde devra désormais être inscrite dans le quotidien des citoyens, des familles et des communautés. 

Sous l’impulsion des pouvoirs publics et des personnels de santé, notre pays a enregistré une mobilisation citoyenne exceptionnelle depuis le déclenchement de la crise du coronavirus. Avec le soutien des autorités religieuses et coutumières, de la société et des médias, de fortes dynamiques de prise en charge communautaires de l’épidémie ont été déployées à l’échelle des territoires.

Le gouvernement mauritanien a mis en œuvre des programmes hardis de solidarité en faveur de tous les groupes impactés par l’épidémie, qu’il s’agisse de groupes sociaux vulnérables en milieu rural, péri-urbain ou urbain, des employés et des entreprises de tous les secteurs industriels oude services dont les activités ont été ralenties ou suspendues.Ces importants efforts de solidarité nationale déployés sous la houlette de l’état ont été par ailleurs relayés à l’échelles des communautés à travers des réseaux de solidarité horizontale de grande portée sociale. Cet élan devra être poursuivi et amplifié dans le cadre notamment de la campagne nationale de vaccination et de respect des gestes barrières dont les résultats sont certes probants, mais gagnent à être consolidés. Nos guides religieux et leaders communautaires y ont encore un grand rôle à jouer.  

Si l’état s’acharne en effet à garantir aux citoyens un service de santé de qualité en se soumettant à des efforts budgétaires exceptionnels, il doit être attendu de chacun et de tous, un engagement individuel et collectif tout aussi déterminé dans la prise en charge de notre capital santé qui est la ressource première conditionnant toute activité humaine. 

Souveraineté sanitaire, sécurité sanitaire et conscience sanitaire sont en effet les trois défis que nous avons le devoir de relever ensemble dans la solidarité et la co-responsabilité.

En Mauritanie, malgré les faiblesses qui ont marqué son système sanitaire lors de la dernière décennie, il s’avère aujourd’hui que la souveraineté de la santé est une condition sine qua none à la promotion et la prospérité de l’élément humain et se hisse en priorité absolue, aux côtés de l’éducation, l’emploi et la culture. Cette pandémie doit servir de leçon en vue de pérenniser la santé pour tous et toutes, en termes de structures sanitaires fiables, de ressources humaines édifiantes, de suffisance médicamenteuse à la portée des couches sociales démunies et des moyens budgétaires de nature à assouvir les attentes et dispositions nécessaires.

Notre monde est à la croisée des chemins. Au moment où les nations se projettent sur les grandes recompositions en gestation, l’Afrique aurait tort de rester en marge des débats sur les réponses aux défis de notre époque au rang desquels les questions de santé publique vont occuper de l’avis de tous les experts une place de plus en plus importante parmi les grands sujets du siècle naissant.

Dr SAO Ousmane

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