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Le voyage de Chinguetti pour le festival des villes anciennes, du 10 au 16 novembre 2019, n’a été pour certains qu’une simple promenade de badauds, en particulier les poètes. Pas de badges, pas de cartes d’invitation et même pas de listes justifiant leur présence dans cette ville historique. Les événements les plus importants du festival tels que l’ouverture solennelle des festivités et la soirée artistique et poétique qui s’en est suivie, se sont déroulés en leur insu. Pourtant ils étaient tous là, massés devant les entrées, criant leur désarroi, mais l’accès leur était impossible. La présence du président de la république et de quelques ministres et ambassadeurs sur les lieux, avait mobilisé une très forte sécurité, une sécurité composée de tous les corps.
Ceux qui semblaient pouvoir relayer nos doléances auprès des décideurs, ceux qui faisaient semblants de pouvoir, de connaître ou d’être des interlocuteurs incontournables, avaient tous disparu de notre vu. On était presque livré à nous-mêmes comme des esclaves enchainés que l’on débarque des bateaux négriers sur les côtes américaines et qui ne peuvent ni s’orienter, ni refaire le trajet du voyage.
Au deuxième jour, après le départ du président de la république et de quelques autorités, la situation a commencé à se décanter. La sécurité devint plus souple et le téléphone sourd des relayeurs retrouva son activité initiale mais le sort des poètes reste confus.
Sur les scènes des soirées artistiques et poétiques aussi, il faut être un vrai acrobate ou être protégé d’un gros calibre pour pouvoir accéder au podium. La troupe artistique et le poète wolofs en savent quelque chose. Les interventions ont tellement agi sur la chronologie des programmes qu’on a l’impression d’être dans une manifestation régionale et non nationale.
Au jour de la clôture du festival aussi, les poètes semblaient être plus irrités et plus découragés que pendant l’ouverture en apprenant que même le cachet du vainqueur à la course d’ânes équivalait à celui de trois poète réunis. Et en dépit de tout cela, ils sont rentrés à Nouakchott, bredouilles, les mains vides, sans aucun cachet pour leur permettre d’acheter au moins de petits cadeaux à leurs proches.
La seule chose qui peut intéresser le poète-écrivain ou l’historien-chercheur dans ce voyage est d’effectuer un pèlerinage à cette ville historique, d’être devant les vestiges de la refondation du site, de prier dans la mosquée ancienne, de visiter sa bibliothèque et son espace universitaire et de se recueillir enfin devant la tombe de l’illustre Namory Camara, premier imam et constructeur de la mosquée de Chinguetti.
Bien entendu, d’après nos diverses sources d’informations, la ville de Chinguetti a été reconstruite trois fois. Le premier site fondé en 777 après Jésus Christ sous le nom d’Aber, n’existe plus. Il a disparu, englouti par les sables.
Le deuxième site est celui que nous visitons actuellement. C’est une refondation située à quelques cinq ou six kilomètres au sud-ouest du premier dont la création remonterait en 1264 après Jésus-Christ. Il abrite la plus vieille mosquée, les bibliothèques les plus importantes de la région, conservatrices de manuscrits très anciens, écrits à même sur les peaux de gazelles et une université de renommée légendaire. C’est ce trésor archéologique, historique et culturel qui a inspiré l’Unesco à le reconnaître et à le classer comme patrimoine mondial en 1996 avec d’autres villes comme Tichitt, Ouadane et Oualata.
En se promenant dans les ruelles du vieux site en ruines, on n’a pas besoin d’être expert pour constater que les constructions sont toutes de style architectural que l’on retrouve encore dans les villes soninkés. Ce qui porte à admettre que les différentes créations de Chinguetti portent irréfutablement la signature du génie soninké.
Le troisième site est créé en 1917 par le colon français Gaston Ripert au nord du deuxième dont il n’est séparé que par une sorte d’oued asséchée d’environ cinq cents mètres de large.
Par ailleurs, sur l’axe Atar-Chinguetti, le poète peut être fasciné également par le travail génial de Mohamédou Ould Ebnou, un chef-d’œuvre routier serpentant comme un reptile dans les entrailles d’un univers montagneux.
Gelongal Fuuta dit
N’diaye Saïdou Amadou