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Depuis son arrivée au pouvoir, le chef de l’État privilégie des relations apaisées avec ses partenaires extérieurs. Analyse de sa méthode.
Dès qu’il s’est installé au palais présidentiel, Mohamed Ould Ghazouani a dévoilé l’un des traits les plus saillants de sa personnalité : il abhorre les conflits. Le chef de l’État a aussitôt dissipé les tensions avec ses opposants, mais aussi avec ses homologues. « Il estime indispensable d’avoir un bon voisinage », confirme un proche. S’il n’entend pas révolutionner la diplomatie mauritanienne, sa méthode tranche avec celle de son prédécesseur.
Le 21 mars, il a ainsi officiellement renoué les relations diplomatiques avec le Qatar, rompues depuis quatre ans. En juin 2017, en pleine crise du Golfe, Mohamed Ould Abdelaziz s’était aligné sur les positions des Émirats arabes unis et de l’Arabie saoudite qui avaient engagé un blocus contre le Qatar, accusant ce dernier de soutenir l’Iran et les mouvements terroristes.
Certes, ce ne fut pas une surprise au vu de son tempérament, mais cette initiative ne figurait pas dans ses promesses de campagne. « Le président a considéré que cette position était trop extrême », explique le ministre des Affaires étrangères Ismaïl Ould Cheikh Ahmed, qui s’est entretenu à ce sujet à Doha avec son homologue qatari Cheikh Mohammed ben Abderrahmane Al-Thani.
Riyad, partenaire historique
Selon nos informations, des contacts avaient été pris dès novembre 2020 avec les services de renseignement omanais. Le sultanat joue en effet traditionnellement un rôle de médiateur dans le Golfe tout comme le Koweït, un autre partenaire très important de la Mauritanie – Mohamed Ould Ghazouani s’était rendu à Koweït City le 4 octobre 2020, peu après le décès de l’émir Nawaf Al-Ahmad Al-Sabah.
Mais Mohamed Ould Ghazouani n’a pas pour autant tourné le dos à Riyad, partenaire historique de la Mauritanie, depuis que Moktar Ould Daddah a noué des liens avec le roi Fayçal ben Abdelaziz Al Saoud lors de sa visite officielle à Nouakchott, en novembre 1972. Le président s’est ainsi rendu en Arabie saoudite en février 2020. Le royaume contribue à hauteur de 80 % aux investissements du pays qui ne recourt donc jamais à la Banque africaine de développement (BAD) et au Fonds monétaire international (FMI).
Les principaux bailleurs de la Mauritanie sont le Fonds arabe pour le développement économique et social (Fades) et la Banque islamique de développement (dont Riyad est l’un des plus gros contributeurs), ainsi que le fonds souverain et le gouvernement saoudien. D’importants chantiers, comme l’extension de la centrale électrique de Nouakchott (passant ainsi de 120 à 180 mégawatts de production) et la création de la ligne électrique reliant Nouakchott à Kiffa, ont ainsi été financés par l’Arabie saoudite, par ailleurs actionnaire de la Société nationale industrielle et minière (Snim).
« La Mauritanie occupe une place à part pour les Saoudiens qui ont toujours été très généreux avec nous, au nom de la charité entre pays frères », analyse un collaborateur de la présidence. Ce dernier a également consolidé les relations avec les Émirats arabes unis, entretenant une relation amicale avec le prince héritier d’Abou Dhabi Mohammed ben Zayed Al Nahyanedepuis 2008. Il a d’ailleurs été à l’origine du rapprochement entre les deux pays. Le 2 février, les autorités émiraties ont annoncé l’octroi de 2 milliards de dollars (1,660 milliard d’euros environ) à la Mauritanie, dans la foulée de la visite du président Ghazouani à Abou Dhabi, du 1er au 4 février.
Aplanir les différends
S’il a renforcé les liens avec le Golfe, Mohamed Ould Ghazouani n’en a pas pour autant négligé la sous-région. Si Aziz, qui campait sur des positions très fermes, s’entendait mal avec ses voisins, notamment Macky Sall, le courant passe très bien avec son successeur.
L’ancien président n’avait pas non plus de relation fluide avec Rabat, étant proche du Polisario – bien que sa famille soit très liée au Maroc –, pas plus qu’il n’était dans les bonnes grâces d’Alger. Le nouveau président a cherché à aplanir les différends. Tout en continuant à recevoir des leaders sahraouis, il a maintenu le fameux jeu d’équilibriste entre le Maroc, qui projette de reprendre en main la ville de Lagouira à la frontière mauritanienne, et l’Algérie où il est bien introduit dans les milieux militaires.
Des tensions avec le Maroc
« Le président est très raisonnable, il a cessé de titiller Rabat, la Mauritanie étant le point de passage par voie routière de l’économie marocaine vers le sud du Sahara », explique un proche. Au lendemain de l’opération militaire lancée par le Maroc dans la zone tampon de Guerguerat, la Mauritanie avait en effet accepté de rouvrir l’axe reliant les deux pays.
Des tensions auraient ressurgi récemment. Le Maroc a finalement soutenu le Sud-Africain Patrice Motsepe et non le Mauritanien Ahmed Yahya lors de la campagne pour la présidence de la Confédération africaine de football (CAF). Et le ministre des Affaires étrangères mauritanien, en tournée régionale pour faire du lobbying en faveur de son candidat au poste de commissaire pour l’éducation de l’Union africaine, n’a pas été reçu par le roi – Ismail Ould Cheikh Ahmed indique que la rencontre a été simplement reportée.
En Europe, Mohamed Ould Ghazouani est aussi très apprécié de la France où il séjournait régulièrement lorsqu’il était chef d’état-major des armées. Fidèle à ses convictions, il a réaffirmé l’engagement de la Mauritanie dans le G5 Sahel en s’alignant davantage sur les positions de Paris. Lors du dernier sommet, les 15 et 16 février dernier, il a accepté de participer à des opérations conjointes avec l’armée malienne, ce à quoi son prédécesseur n’avait jamais consenti, au grand dam de l’Élysée.
Justine Spiegel – envoyée spéciale à Nouakchott // Jeune Afrique