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Mohamed Ould Abdel Aziz est détenu depuis le 17 août dans le cadre de l’enquête sur les détournements de biens publics pendant les dix ans de sa présidence.
L’ex-président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz vit des heures difficiles. L’ancien chef d’État est détenu au siège de la sûreté nationale à Nouakchott depuis le 17 août, dans le cadre d’une enquête sur les malversations financières et sur son enrichissement et celui de son entourage pendant ses onze années qu’il a passées aux commandes de la Mauritanie, de 2008 à 2019.
Cette enquête judiciaire a été ouverte à l’issue de six mois de travaux d’une commission d’enquête parlementaire (CEP). Celle-ci avait été chargée de faire la lumière sur les attributions de marchés publics, la vente de foncier public et la gestion de secteurs clés de l’économie, qu’il s’agisse de pétrole, d’énergie renouvelable, de ports, de pêche, etc., sous l’ère Aziz.
La CEP a remis ses conclusions à l’assemblée nationale le 27 juillet dernier. Les députés ont voté dans la foulée une loi instituant une haute cour de justice – qui doit être mise en place dans les mois à venir – compétente pour juger le chef de l’État et les ministres en cas de « haute trahison ».
D’anciens ministres placés sous contrôle judiciaire
Dès le lendemain de la transmission du rapport de la CEP à la justice le 5 août, le président Mohamed Ould Ghazouani, qui a succédé à Mohamed Aziz en août 2019, se séparait de son premier ministre et ex-ministre de l’habitat sous Aziz, Ismaïl Ould Bedda Ould cheikh Sidiya, puis de plusieurs ministres, tous cités dans le rapport de la commission, et dernièrement placés sous contrôle judiciaire.
Que l’ancien président ait détourné les biens du pays pour son profit personnel et celui de ses proches est éminemment plausible dans une Mauritanie classée au 137e rang mondial (sur 180) par Transparency international pour l’indice de perception de la corruption.
En 2013, avant la réélection du président, le collectif mauritanien « Obama » (Observatoire des biens et avoirs mal acquis) dénonçait le dispositif que celui-ci avait mis en place « pour transformer les ressources de l’État mauritanien en une gigantesque entreprise familiale tournant à plein régime au seul bénéfice de la personne présidentielle ». Le collectif détaillait l’enrichissement de l’ex-chef de l’État et d’une dizaine de ses proches.
La célérité de l’enquête interroge
Reste que la célérité de l’enquête interroge. Le président Ghazouani fut un long compagnon de route du général putschiste Aziz. Il lui avait prêté main-forte pour le coup d’État de 2005 qui avait destitué le président Taya, au pouvoir depuis 21 ans. Il était directement impliqué dans le renversement du président Abdallahi en 2008 lorsque Mohamed Aziz prit la tête du Haut Conseil d’État avant d’être élu président en 2009. Mohamed Ghazouani, toujours à ses côtés, devint chef d’État-major, ministre de la défense, puis le dauphin désigné pour succéder au président Aziz.
Dès les premiers mois de son élection, le président Ghazouani prit ses distances avec son mentor alors que d’aucuns pensaient qu’il ne serait que son exécutant. La création de la CEP en début d’année signa le divorce entre les vieux amis. Mais d’après une source, « la corruption est un alibi qui permet à la fois de séduire l’opinion et d’écarter l’ancien président ».Le président Aziz s’était, selon cette source, dernièrement rapproché du bataillon de la sécurité présidentielle (le Basep) suggérant que des enjeux sécuritaires motiveraient également l’actuelle détention de l’ancien président. « En donnant ordre d’ouvrir l’enquête, ajoute-t-il, le procureur général a mentionné les affaires de corruption et «d’autres dossiers» ».
Marie Verdier La-croix.com