La formation continue des enseignants : un gage d’école performante ?

Des syndicats d’enseignants qualifient l’évaluation sur table des enseignants du primaire envisagée par les autorités de stigmatisante. Cela s’explique sans doute par la classification en « enseignants compétents » et « proposés à la formation » qui va suivre cette évaluation. Il est vrai que la méthodologie choisie par le ministère de tutelle qui consiste à ramener des enseignants de tous âges et expériences confondus sur le banc pour leur faire passer un test de niveau peut paraitre stigmatisant et même infantilisant. Mais au-delà de cet aspect il me semble que c’est surtout le manque de pertinence de l’approche qu’il faut pointer du doigt.

Une approche peu pertinente

Si cette évaluation des compétences des enseignants en français, arabe, mathématiques et pédagogie était tout ce qu’il fallait pour espérer un système éducatif performant, on ne pourrait que l’accepter en dépit de son caractère stigmatisant.Le problème est qu’elle est loin d’être une approchepertinente. En ce sens qu’elle se focalise sur les connaissances théoriques de l’enseignant et non sur sa pratique enseignante ; sur son savoir et non sur son savoir-faire et être dans la classe. Or, la théorie n’est pas la pratique. En d’autres mots, réussir le test ne signifie pas qu’on est un enseignant performant ou qu’on accomplit pédagogiquement le travail de manière professionnelle en classe. Idem pour ceux qu’on va former. Il sera difficile d’avancer que la formation continue constituera une motivation pour enseigner en professionnel et en toute responsabilité. Parce que c’est de cela qu’il s’agit avant tout. De la motivation, du professionnalisme et de la responsabilité.

Je doute fort que l’élévation du niveau des enseignants et la connaissance par cœur des démarches pédagogiques soientdes gages d’école performante. C’est pourquoi la voie privilégiée par le ministère me parait inefficace. A mon avis, ilaurait mieux fait en pénétrant la « boite noire » qu’est la classe pour procéder à des séries d’observations des pratiques et du niveau des enseignants. A la suite desquelles des enseignants seront convoqués pour suivre une formation continue. Mais pas que cela. L’avantage de l’observation ce qu’elle permettrad’identifier différentes pratiques enseignantes effectives d’un nombre représentatif d’enseignants dont on pourrait vérifier l’efficacité par rapport aux résultats des élèves en vue de promouvoir les plus efficaces. Toutefois, il serait naïf d’admettre que cela même serait suffisant pour qu’on arrive à une école efficace compte tenu du statu quo.

La solution serait que les écoles rendent des comptes

La réforme de l’école mauritanienne, si on entend bien sûr par réforme de notre école aujourd’hui l’ériger au rang des dignes écoles du monde ; c’est-à-dire efficientes, efficaces, équitable, intégratrices et préparant à la vie active, se fera avec la mise en place d’une politique de la carotte, du bâton et de la concurrence. Je vais dire d’instaurer un mécanisme de régulation des écoles par les résultats. En d’autres termes, rendre les écoles responsables de leurs performances. Ainsi,écoles, élèves et enseignants seront tous évalués en même temps à travers les résultats des élèves via un test externe standardisé.

Voilà qui nous permettra de vérifier le niveau réel d’acquisition des programmes par les élèves. Les établissements et les enseignants dont les élèves enregistrent des meilleurs scores sont à récompenser tandis que les établissements et les enseignants dont les scores des élèves seraient en deçà de la moyenne sont à sanctionner. Mais le plus importants ici est qu’une telle politique, du fait de rendre public les résultats, mettrait en concurrence les écoles et les enseignants qui ne ménageront plus leurs efforts pour la réussite de leurs élèves. Aussi, les enseignants gagneront également à mieux accueillir les élèves dans les cycles suivants. Car l’évaluation aura permis d’avoir une idée de leurs niveaux et mis en évidence leurs difficultés à corriger rapidement.

Quelques préalables

Bien entendu, tout cela ne se fera qu’après avoir mis toutes les écoles dans les mêmes conditions d’enseignement de qualité. A ce propos, le choix donné aux enseignants contractuels qui peuvent passer ou s’abstenir de passer l’évaluation est problématique. Pour quelle raison des enseignants qui dispensent les mêmes enseignements ne seraient pas convoqués pour une évaluation dont on dit qu’il « vise à élaborer un plan de formation continue au profit des enseignants pour leur permettre de s’acquitter au mieux de leur mission » ? Est-ce que le ministère envisage d’en finir avec la contractualisation dans le secteur ? Ce qui sera une bonne nouvelle car ce phénomène aussi a son effet négatif sur le rendement scolaire. Sinon, cela veut dire qu’il ne faut pas s’attendre à ce que la réforme chère à l’Etat instaure une école équitable. Puisque tous les élèves n’auront pas droit à des enseignants qualifiés et de qualité.

Tout cela doit se faire après avoir mûrement réfléchi au système d’enseignement qui correspond le mieux à la réalité mauritanienne. Après avoir discuté et dépassé la guéguerre autour de l’arabe et du français. Cette guéguerre est en grande partie responsables de l’échec de notre école. Au 21ème siècle, les petits mauritaniens doivent être encouragés à apprendre toutes les langues du monde. Faisons en sorte que cela soit un devoir pour l’école et l’ensemble du corps enseignants d’agir de telle sorte qu’aucun mauritanien ne sorte de l’école primaire sans en finir avec le b.a.ba de deux langues arabes et français. Nos enfants doivent être bons dans les deux langues aussi bien à l’oral qu’à l’écrit à l’entrée en 1er année du secondaire pour mieux s’y épanouir.

Aller vers une réforme de l’enseignement exige également de rompre avec le népotisme qui nous a conduit aujourd’hui à parler de manière paradoxale d’enseignants sans niveau ou incompétents. Cela demande de mieux expliciter ce que doit être l’objectif de nos écoles normalesd’enseignement : Formation professionnelle ? Elévation de niveau ou remise à niveau ?

Boubou Yatou Thiam Enseignant du secondaire et chercheur en sciences de l’éducation

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