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Texte et contexte :
Lors de son arrivée au pouvoir en août 2019, le Président Mohamed O. Cheikh Ghazouani s’était déclaré ouvert à une concertation permanente avec tout le paysage politique et à tenir des rencontres avec les dirigeants des partis et la société civile. Le Président de la République a ensuite reçu en audience les présidents des formations membres de la Coordination des Partis représentés au Parlement pour leur exprimer son soutien à l’initiative de la Coordination, objet de la feuille de route élaborée par celle-ci. L’objectif est d’organiser une concertation inclusive, visant à aboutir à un large consensus autour des questions nationales fondamentales et ouvrir de nouveaux horizons politiques, menant au développement, à la justice sociale et à la stabilité, dans le climat d’ouverture et de sérénité qui prévaut actuellement sur la scène politique nationale.
Dans la perspective de la concertation nationale approuvée par le Président mauritanien, nous avons pu observer deux tendances qui semblent s’affronter sur la sémantique concertation/dialogue.
1- La première tendance est sous la houlette du pouvoir représenté par la coordination des parlementaires et dequelques partis de l’opposition démocratique ainsi que l’UPR (parti au pouvoir). Cette coalition politique met en avant une feuille de route pour une concertation nationale en plusieurs étapes dont l’objectif est d’arriver à un consensus sur les questions d’intérêt national.2- La deuxième tendance constituée de partis et de mouvements comme l’AJD-MR, les FPC, TPMN, la CVE et le premier parti de l’opposition TAWASSOUL qui appelle à un dialogue national pour résoudre les problèmes du pays
Afin de comprendre et d’analyser les réalités actuelles, il est toujours intéressant de faire un retour sur l’esprit des différents positionnements politiques et des dispositifs. Nous allons essayer de définir les mots suivants essentiels pour continuer cette tentative de réflexion
Le terme Concertation est un processus de construction collective de visions, d’objectifs, de projets communs, en vue d’agir ou de décider ensemble. Il se réfère à un mode d’interpénétration des arguments convergents et convaincantset vise à construire de nouvelles coordinations autour d’un ou plusieurs objets problématiques.
Le mot « dialogue » désigne un type de communication entre plusieurs personnes ou groupes de personnes. Tirant son origine du mot latin dialŏgus qui, à son tour, dérive d’un concept grec, un dialogue est une conversation entre deux ou plusieurs personnes qui manifestent leurs idées ou affections de façon alternative. En ce sens, un dialogue est aussi une discussion ou des échanges pour arriver à une entente.
Le dialogue se distingue nettement de la discussion qui donne lieu à un échange d’opinions souvent désordonné, peu ou pas argumenté, qui s’ajoutent les uns aux autres sans qu’un résultat commun ne soit obtenu. La raison en est qu’au cours d’une discussion, on ne cherche pas à résoudre un problème. La discussion superpose les points de vue sans les opposer ou ni les conjuguer. La discussion satisfait peut-être au désir de maintenir ou de créer du lien social, alors que la concertation est une façon d’associer toutes les personnes concernées. La concertation est l’action de débattre, dans le cadre d’un dialogue engagé entre tous les acteurs concernés qui échangent leurs arguments, afin de prendre en compte les divers points de vue exprimé.
Concertation ou dialogue quelles différences ? avec qui et pour quoi faire ?
Concertation ou dialogue : ces termes renvoient tous aux processus de prise de décision collective, mais chacun désigne une situation, des objectifs et des processus différents. On rencontre ces différentes situations de prise de décision dans des contextes sociaux ou politiques variés : à l’intérieur des organisations sociales, entreprises, syndicats, partis politiques ou associations, dans le contexte des relations entre organisations sociales ou partenaires sociaux que ce soit à l’échelon national, régional ou local, ou encore lorsqu’il s’agit de l’élaboration de décisions politiques, par exemple gouvernementales, ou bien dans le domaine de l’aménagement du territoire.
Ce qui est assez frappant, c’est que l’on assiste souvent à l’emploi d’un terme pour un autre, comme s’il y avait un certain flou dans la définition de ces termes et comme si les acteurs n’étaient pas toujours au clair concernant les processus impliqués par ces différentes situations. La confusion est fréquente dans le domaine de la vie politique : un ministre se félicite de la concertation mise en place à propos de l’élaboration de telle décision politique, alors que ses interlocuteurs, eux, sont fort mécontents car ils estiment qu’il s’est agi d’une simple consultation. Ou bien, lors de la préparation d’une réforme d’importance, le premier ministre parle de concertation, alors que les partenaires sociaux, eux, disent qu’ils ont négocié pied à pied.
Comme toutes communications, le dialogue comprend au minimum un émetteur et un récepteur. Cependant, le dialogue se distingue dans le processus qui unit ces deux protagonistes. Alors que la donnée émise est le message, le but du message est l’objectif de la communication. Dans un dialogue véritable, le but n’est donc pas le sujet de l’énoncé, il ne s’agit pas d’avoir raison du récepteur ni de lui imposer un point de vue cognitif, une perspective ou référence. Ainsi, par un code constituant un langage qui peut être verbal ou non verbal, une parole est contenue dans le message et transmise dans la communication, afin d’être décodée et reçue par le destinataire, puis de lui signifier quelque chose qui a du sens dans sa propre existence. Le dialogue appelle donc à ce que les acteurs de la communication soient transformés dans leur être, en toute liberté ; l’écoute active, l’humilité sincère et le respect mutuel y sont donc nécessaires.
Même si les luttes pour le pouvoir peuvent être féroces, les discussions politiques sur les réformes et le développement peut également aboutir à un dialogue fructueux et à un accord entre les partis.
En effet, un véritable dialogue permet aux partis politiques de former des majorités parlementaires ou de prendre en compte les positions exprimées par une importante minorité.
Avec l’ouverture de ce dialogue, la classe politique et autres peuvent matérialiser en acte les différents points de vue et aplanir les divergences ayant trait au système démocratique et à l’organisation des partis politiques et ONG. Lorsqu’on fait le choix de l’engagement politique cela doit être pour des raisons nobles, améliorer la vie quotidienne du plus grand nombre et protéger les plus faibles des difficultés de l’existence, développer son pays grâce au progrès et à la modernité, le doter d’installations sanitaires, d’enseignement, de transports, lutter contre le chômage, etc….
Dans ce sens les partis et organisations politiques, en tant qu’espaces principaux de cristallisation des attentes des citoyens, en tant que médiateurs entre les citoyens et l’État et en tant que principaux acteurs du jeu démocratique, doiventaccepter l’appel à la concertation du Président de la République et de prendre part à la coopération. La coopération politique entre les partis est tout aussi indispensable à la santé d’une démocratie que les objectifs politiques poursuivis par chacun d’entre eux.
L’objectif de la concertation est de recueillir, préalablement à une décision collective, les avis, opinions, attitudes d’un certain nombre d’acteurs. C’est donc une procédure que l’on met en place en amont de l’adoption d’un projet dont une rédaction provisoire existe déjà ou est en cours d’élaboration. C’est le cas lorsqu’une assemblée législative élabore un projet de loi ou qu’une commission chargée par exemple de remettre un rapport au gouvernement ou au parlement, consulte des experts, des élus, des citoyens aux compétences et appartenances variées, ou lorsqu’un projet d’aménagement est soumis à une enquête publique. C’est aussi le cas lorsqu’un gouvernement veut par referendum obtenir l’avis d’une nation ou d’une collectivité territoriale sur un texte définitivement élaboré.
Le peuple mauritanien est passionné en tout ce qu’il fait et c’est pourquoi, seule la défense de la sécurité publique, la préoccupation liée à l’intérêt national, la concession, la concertation, la garantie de l’expression plurielle, des convictions politiques, religieuses, syndicales dans le respect des institutions, de la Constitution, des lois et règlements pourraient garantir un environnement apaisé pour les populations, les investisseurs et l’économie nationale. Les organisations non gouvernementales, les autres composantes de la société civile, en restant à équidistance des forces au pouvoir et de celles de l’opposition, joueraient un rôle salvateur, de réconciliateur, de facilitateur, au besoin même, rien ne les empêcherait de faire appel aux régulateurs sociaux traditionnels que sont les grands chefs religieux.
Par contre le consensus issu d’une concertation tant large que sincère, le dialogue, le respect mutuel, la considération dues aux lois et règlements, aux institutions, l’éducation des jeunes générations par la transmission des valeurs fondamentales de la vie humaine semblent être une nécessité voire une urgence pour notre cohésion nationale.
Les responsables de la nation doivent travailler à l’élaboration et au renforcement de dispositifs permettant d’impliquer plus significativement la jeunesse dans le développement du pays.Le défi pour notre pays est dans le dépassement des frontières ethniques, culturelles, linguistiques et il importe de le relever. C’est, à n’en douter, l’occasion de poursuivre le chantier de l’unité nationale, de construire une société républicaine juste, réciproque, franchement collaborative, viable et vivable pour toutes les composantes sociologiques et linguistiques quelles qu’elles soient. Le plus important dans la vie en communauté réside dans notre capacité, notre aptitude à dépasser nos propres personnes, l’égo de chacun d’entre nous pour l’intérêt exclusif du plus grand nombre, dans une république, ne peut et doit être que celui de la nation quelle que soit la force politique, sociale, financière dont nous pensons disposer. Ce qui nous amène à dire que les secteurs de la vie et de la création se dessinent aujourd’hui par une reprise en main du passé avec la conviction que le présent est un immense réservoir pour penser l’avenir.
Dr SAO Ousmane : Président duCadre de Concertation et de Dialogue des Mauritaniens de la Diaspora (CCDMD).