Aminata Kane : passion et curiosité récompensées

À seulement 33 ans, Aminata Kane, journaliste femme francophone, a réussi à s’imposer pour devenir rédactrice en cheffe à la TVM, la télévision publique n°1 en Mauritanie.
Portrait d’une journaliste sociable réalisé par Emmanuel de Solère Stintzy.

Enfant, elle attirait déjà micros et caméras… Lors de la Quinzaine de la démocratie, très turbulente et curieuse de tout, je posais beaucoup de questions ! À 13 ans, je suis même passée sur France24, se souvient en souriant Aminata Kane. On lui demande alors son avis sur la participation des femmes dans la démocratie en Mauritanie. Sa réponse : Elles doivent s’imposer et s’organiser au sein d’associations pour jouer pleinement leur rôle et ne pas accepter d’être en rade.
Quand elle regarde cette vidéo vingt ans plus tard, Aminata rit jaune : Rien n’a changé ! Je dirais la même chose aujourd’hui… Voilà pourquoi je suis très engagée dans un réseau de journalistes mauritaniens contre les violences faites aux femmes et aux filles. Pas une surprise pour sa grande sœur Fatimata : Chez elle, le journalisme et la communication sont une vocation ! Enfant, Aminata était une petite fille très joyeuse et bavarde. Curieuse, elle aimait beaucoup discuter et prendre la parole en public. 

En 2023, dans le cadre du projet Afri’Kibaaru, Aminata Kane retrouve les antennes de France Médias Monde via une immersion d’un mois à RFI à Dakar, toujours aussi curieuse de tout : J’ai appris beaucoup de choses sur les nouveaux outils comme le datajournalisme, la création de contenus dans ma langue maternelle le pulaar, mais aussi la rigueur, le respect pointilleux des règles déontologiques… Désormais, je ne m’auto-censure pas quand je suis en reportage. Même si je suis dans un média public, je fais le maximum pour assurer l’équilibre des informations.

Aiguillon maternel

Depuis 2023, Aminata Kane est rédactrice en cheffe de la TV de Mauritanie (TVM). Mais, en arriver là a été un combat… Notre maman(décédée en 2021, Ndlr) a été cadre au ministère de la Condition féminine et une des premières féministes de notre pays. Elle nous a accompagnées dans nos objectifs, mais nous n’avons jamais senti de pression, souligne Fatimata. Sa petite sœur confirme l’importance de cet aiguillon maternel : Institutrice de formation, maman a lutté pour l’éducation, l’indépendance et l’épanouissement des filles. Aujourd’hui, nous avons davantage de facilités, mais les inégalités restent frappantes et la lutte constante ! 
Aminata Kane continue donc de ne rien lâcher, persuadée de la complémentarité entre femmes et hommes.

Avant cela, en 2013, elle avait obtenu une licence en gestion des entreprises et de l’administration (ISI-Komunik de Nouakchott) et passé un test à la TVM. Actuel conseiller de la directrice générale de ce média, Yedaly Fall s’en souvient très bien, dix ans après : J’ai rapidement vu en elle quelqu’un qui pouvait réussir. Elle était ambitieuse, dynamique et aimait notre métier. Journaliste à la rédaction francophone, elle comprend vite le reporter arabophone qui a été sur le terrain. Et quand elle présente le journal, elle a cette capacité extraordinaire de se retrouver dans le brouhaha des éléments annoncés qui n’arrivent pas toujours à l’antenne ! 

Polyvalence et persévérance

Entre la présentation et le terrain, le choix est cependant vite fait pour Aminata : Je voulais m’imposer à la TVM, mais la présentation et son ‘‘Maquille-toi et assieds-toi !’’, ne m’ont jamais enchantée ! En revanche, le reportage, notre signature d’acteurs du changement, m’a toujours plu. Passion, polyvalence, persévérance…
Dix ans après son arrivée, Aminata Kane devient en avril 2023 rédactrice en cheffe de la TVM à seulement 33 ans ! À ses yeux, une consécration après des années de dur labeur. Le tout dans une atmosphère bon enfant, tout le monde sait qui est qui, nous apprenons à nous respecter.
Yedaly Fall apprécie le contact faciled’Aminata, même si, parfois, selon lui, cette sociabilité l’amène à délaisser un peu son média… Sociable comme sa grand-mère décédée dont elle porte le surnom, Mamie semble en tout cas animée par le même état d’esprit qu’à ses 13 ans : J’aime toujours apprendre ! Même à travers des discussions, comme lors des formations d’Afri’Kibaaru, on arrive à mieux comprendre des choses, à faire plus simplement notre métier pour traiter des sujets de société sans offenser personne.

Dans 10 ans…

Journalisme ou communication ? Pour Fatimata Kane, sa petite sœur peut aller dans les deux directions : Dans dix ans, j’aimerais qu’elle fasse du journalisme à l’international pour acquérir des expériences et revenir former des jeunes, en particulier des femmes. Elle pourrait aussi avoir son entreprise de communication.
Conseiller de la directrice générale de la TVM, Yedaly Fall lui prédit lui aussi une carrière de communicante avec des organisations internationales de développement présentes en Mauritanie.

David Solon, son coach lors du projet Afri’Kibaaru, n’est pas de cet avis : Aminata aime le journalisme et y restera ! Je lui souhaite d’avoir d’autres opportunités éditoriales pour déployer ses ailes et mettre à profit tout ce qu’elle sait.
L’actuelle rédactrice en cheffe de la TVM confirme : Beaucoup de gens me conseillent d’aller vers la communication, mais moi je veux plutôt me projeter dans le journalisme de solutions, pour apporter notamment ma modeste contribution au développement et à l’épanouissement des femmes. De cette envie pourrait bien naître un projet avec d’autres consoeurs journalistes, mais, superstitieuse, Mamie n’en dira pas plus pour le moment.
Dans un dernier rire, elle conclut : On en reparlera peut-être dans quelques semaines…

Emmanuel de Solère Stintzy

CFI

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