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Cri d’alarme ou Appel à la raison ou Mise au point tout court :
Nous savons tous, nous mauritaniens, d’autres aussi de par le monde le savent, que l’esclavage a existé et s’est même développé au gré des intérêts égoïstes du plus puissant sans considération aucune ni de la conscience des hommes, ni de la religion et de ses enseignements, ni de la morale et ni même des liens consanguins liant, ma foi, parfois les uns aux autres.
Après avoir ignoré cette «ignominie de tares» des décennies durant et exploité atrocement et férocement ses victimes à un moment donné de notre histoire, puis refusant souvent à une autre étape de notre vie «d’Etat moderne» d’en faire un sujet de débat en l’entourant de tabous, emprisonnant tantôt ceux qui osent en parler, diabolisant une autre fois ou banalisant tout simplement les tentatives de ceux qui veulent lui trouver des solutions, la loi Haidalla est venue atténuer des pratiques et discours, du moins officiellement, d’un autre temps par : l’interdiction par l’Etat Mauritanien de la pratique de l’esclavage.
Le hic et pas des moindres se situe au niveau du fait qu’ au lieu de penser à indemniser les victimes, la loi a prévu l’indemnisation des bourreaux. Ironie du sort ! Et puisque jusqu’à aujourd’hui aucune indemnisation n’a eu lieu, est-ce que les «scélérats-esclaves» ne sont pas des hors-la-loi ? La question n’est-elle pas légitime? Hélas?
En plus de la confusion qui a entouré cette loi et la soustraction, voire la démission de l’Etat quant à la mise en œuvre de mesures à même de pouvoir permettre la mise en application de cette décision, l’Etat Mauritanien a entretenu la pratique en protégeant les esclavagistes et en ignorant ostentatoirement les complaintes et plaintes des victimes et les appels de leurs défenseurs de par le déni orchestré par son administration et sa Justice au plus haut niveau. Plus encore, la négation de l’existence de la pratique de l’esclavage a été de tout temps la stratégie de l’Etat qui a excellé dans son refus de reconnaissance du phénomène ne voyant dans ses manifestations de tous ordres que rien ou au plus des séquelles qu’il faut laisser au temps pour être dépassées.
Rappelons-nous, un tout petit peu, certains faits :
Qu’est-ce que le régime de Taya, ses sbires, n’ont pas fait, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, pour masquer l’existence de l’esclavage en Mauritanie, en vain ?
Des «organisations de défense des droits de l’homme» ont été initiées, financées, protégées et portées au-devant de la scène pour freiner l’action de tout celui qui osait dire que l’esclavage existait en Mauritanie. Celui qui tentait affirmer l’existence de l’esclavage a même souvent été diabolisé, offensé en public, s’il n’était pas jeté en prison.
Les victimes étaient muselées et utilisées souvent pour contrarier, démentir ceux qui ont cherché à les défendre.
Mais il a suffi que Taya parte et que la transition se termine pour que Sidi ould Cheikh Abdallahi adopte par son parlement et unanimement la loi criminalisant et pénalisant l’esclavage en Mauritanie.
L’esclavage s’était-il développé et intensifié entre 2005 et 2007(entre le départ de Taya et l’arrivée de Sidi au pouvoir)? Les mauritaniens se sont-il dédits pour les beaux yeux du chef, Sidi ? Ou bien, l’esclavage existait-il bel et bien et existe encore et ceux qui niaient son existence le faisait par hypocrisie, par opportunisme, par manque de respect de l’autre et par absence de sens de civisme, de patriotisme et de sérieux ? Ou encore et c’est heureux, les mauritaniens ont-ils enfin pris conscience de l’existence de la pratique et cherchent comme un seul homme à lui trouver une solution pérenne et radicale ? Tant mieux!
La Direction nationale actuelle n’a-t-elle pas pris des mesures, (je ne les juge pas ici), qui viseraient à gérer le problème, dit-on, dont :
-l’élévation du délit de la pratique de l’esclavage au degré de crime contre l’humanité et sa constitutionnalisation ;la création d’une agence nationale de lutte contre les «séquelles» de l’esclavage ;
-la création d’une juridiction spéciale pour le traitement des cas d’esclavage ;
-l’adoption d’une journée nationale de lutte contre l’esclavage ;
-et enfin la proposition d’une révision de la loi de 2007 criminalisant et pénalisant l’esclavage pour la rendre plus conforme et aux aspirations des défenseurs des droits de l’homme ,d’une part, et la conformer, d’autre part à la feuille de route constituant la stratégie proposée et retenue d’un commun accord avec les Nations-Unies et jugée susceptible d’être la « potion » magique pour la solution du problème toujours tenace de l’esclavage, pour ne citer que cela ?
Tout ceci ne peut être gratuit.
Il ne peut pas être pour le vernis. Non, non !
Nous avons ainsi vécu moult pérégrinations, que nous n’avons point besoin d’apprécier ni de détailler, pour se faire une idée de la situation. Nous n’avons, non plus, besoin de reposer sur table les querelles stériles sur l’existence ou non de l’esclavage. La terminologie, le concept, le vocable, l’appellation, l’acception importe(nt) peu. En effet, nous pensons que si pour certains l’existence de l’esclavage comme pratique passe par :
-le parcage d ’« êtres humains » avilis, hébétés et bestialement entassés et enchainés dans des bateaux et navires entourés de fauves sans foi ni loi, armés de fusils ou bâtons et prêts à tuer à tout bout de champ, les transportant à travers mers et océans pour servir les appétits mercantiles de je ne sais quelle partie de l’humanité « illuminée » de la révolution industrielle, en d’autres termes, une réédition de la traite négrière ;
-l’exposition pour vente « d’énergumènes » dans des marchés d’esclaves pour être vendus au plus offrant au vu et au su de tous ;
-le partage en héritage des descendants d’esclaves, publiquement, et par les soins de nos érudits et cadis, comme des bêtes de somme, entre les fils d’une famille pour domesticité pouvant faire perdre à la victime toute attache avec son ascendance à jamais.
-l’esclavage sexuel, subi par les esclaves-femmes, systématisé, entretenu et légitimé par nos oulémas, cadis, hommes de religion et tribunaux sans considération aucune de l’origine et du pourquoi de la mise en esclavage de la victime ;
-le vol et le rapt déclarés sans gêne ni moral des sans-défenses et sa légitimation ; pour ne citer que cela, nous dirons, partant de ce constat et sans ambages, que franchement, honnêtement, l’esclavage, cette traite négrière n’existe vraiment plus. Du moins le loisir n’est heureusement plus offert pour le constater tous les jours. Ce qui veut dire que ceux qui croient en son existence vivent dans un autre temps tels nos amis de la « caverne ».
Mais logiquement, si d’autres qui parlent de séquelles acceptent avec nous que les mots séquelles ou plus concrètement stigmates veulent dire lésions, traces, cicatrices, ou restes…, les manifestations suivantes ne sont-elles pas beaucoup plus que des séquelles ou des stigmates ?
En effet :
-un seul cas avéré d’esclavage peut-il être considéré comme séquelles. Que peut-on dire de deux, dix, cent… même s’ils ne sont que des bébés faits dans le dos de l’Etat ?
-si des familles entières acceptent de servir d’autres sous prétexte qu’elles sont des esclaves même consentantes, est-ce là des séquelles ?
-si des familles peuvent se partager la valeur en nature ou en espèce d’un homme ou d’une femme parce qu’il ou elle est le ou la descendant(e) de leur esclave, ou partager ses biens, de quoi il s’agit ?
-si la stigmatisation de ses esclaves ou de leurs descendants du fait de leur statut social de sous-hommes ou d’inférieurs à tous les autres quels qu’ils soient et où qu’ils soient n’est pas une des manifestations de l’esclavage, qu’est-ce que c’est ?
si par l’entremise de l’Etat, sa Justice, quiconque peut récupérer les enfants de « son esclave-femme » prétextant qu’ils sont ses enfants alors qu’il ne l’a jamais épousée ni légalement ni officiellement, et quand bien même, ils sont ses enfants, ils ne dépassent pas d’être ses enfants naturels et pourtant, qu’il ait toute la latitude de les récupérer dans un Etat de droit et musulman de surcroit, ceci ne mérite-il pas des explications ?
Pour ne prendre que ses exemples succincts, tout laisse à croire qu’il s’agit bien là, il faut le concéder, d’esclavage moyenâgeux, proprement dit, et non de séquelles.
Mais si les uns et les autres acceptent que ce qui importe, loin des calculs et tactiques politiciens, ce n’est pas de se quereller sur les mots et de s’éloigner les uns des autres pour marquer leur différence ou leur révérence, mais plutôt d’agir en se complétant pour trouver une solution à un fléau extrêmement destructeur et d’accepter que pour soigner un mal il faut le diagnostiquer, le caractériser, « l’isoler au besoin » et lui chercher le remède efficace, la solution est toute trouvée.
Comment peut-on continuer à administrer un paracétamol à un malade de la malaria ?
Comment peut-on chercher à administrer des nivaquines à un malade du sida ?
Soyons tout court et tout simplement sérieux.
• Oui un mal est là dans nos murs, dans nos habitudes, dans nos comportements, c’est même de lapalissade aux yeux de tous. Les « laboratoires » existent eux aussi et heureusement pour l’analyser et le définir.
Cherchons donc à lui trouver le remède adéquat par nos soins, tous sans distinction et avec sérieux, engagement et abnégation. Il ne suffit que de notre volonté, notre patriotisme et notre amour pour notre Mauritanie pour tous, Haratines, Beidhanes , Pulars, Soninkés et Wolofs. Et occupons-nous à cultiver notre jardin au profit et au bonheur d’un citoyen Mauritanien un et indivisible, reconnaissable dans toutes nos composantes sociales nationales. Il est grand temps. C’est de cela et de cela seulement que nous avons besoin pour que ceux qui souffrent de ce fléau ne trépassent pas pendant que nous autres, nous nous préparons sans fin et sans succès à les sortir des âffres de cet enfer qui, hier était dans le corps et qui aujourd’hui, il est dans l’âme.
J’aurais souhaité que notre Etat, à l’instar de ses frères et amis africains et du monde, notre peuple, à côté de ceux qui comme lui ont souffert de l’esclavage et cherchent à marquer par leur présence leur rejet et de ses pratiques comme de ses séquelles et nos organes d’information qui auraient gagné à couvrir cet événement de Pointes-à pitres en Haïti à la mémoire des victimes de ce fléau, qu ils soient au rendez-vous de ce 10 Mai dernier ( hier seulement) démystifiant et dépassionnant ainsi par ce geste ce problème d’esclavage et exprimant par cet acte fort notre compassion envers les victimes parmi nous de la pratique et de ses séquelles. Ceci n’aurait pas manqué de mettre en confiance plus d’un, tant au niveau de l’Intérieur qu’au niveau de l’Extérieur de notre pays.
Mohamed OULD BORBOSSE