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Le projet de referendum initié par le président Abdel Aziz et son gouvernement attise des tensions entre l’opposition et le parti au pouvoir. Il a créé ces dernières semaines un chambardement sur la scène politique nationale. Ce chambardement politique a mis ses opposants les plus farouches sous de fortes pressions. Par exemple le président du sénat a du se réfugier au Sénégal, sous peine l’emprisonnement ou d’autres représailles. En effet son homologue le sénateur Ould Gaddah lui aussi opposé au projet de loi, a été enfermé. Pour rappel ce referendum porte sur quatre points qualifiés d’essentiels par le parti au pouvoir. La suppression du sénat, du haut conseil islamique et de la haute cour de justice. La modification du drapeau et de l’hymne nationale. Selon le président, ils viennent boucler les séances du dialogue national inclusif tenu en octobre 2016 pour désamorcer les fortes tensions qui sévissent dans le pays depuis 2009. Le référendum sera organisé sur la base de l’article 38 de la constitution du 20 juillet 1991. Le président étant garant de la constitution a la possibilité de la modifier s’il en voit la nécessité. Selon l’opposition, malgré la possibilité laissé par l’article 38 de modifier la constitution, le président ne devrait pas modifier les articles 99, 100 et 101. En effet ces articles sont des limites aux pouvoirs du président et il n’est pas logique qu’il les amende lui-même.
Ces trois points ont été présentés en début juillet pour la première fois par les sénateurs qui les ont rejetés sous prétexte que ces points ne fondent pas le socle du problème des mauritaniens. Aujourd’hui le président décide de passer outre le sénat en convoquant un référendum prévu le 5 Août 2017.
Cependant ce référendum a suscité une vague de colère au sein des partis de l’opposition réunis sous la couleur ( FNDU), Front national démocratique et l’unité. Les politiques de ce conglomérat de partis d’opposition ont naturellement des arrières pensés matinées de calculs politiques. Le refus de ces amendements est donc plus motivé par une ambition de reprendre le canapé présidentiel et non par une envie de sortir le pays du gouffre dans lequel il est. Leur opposition est construite sur une déconstruction de la politique du gouvernement et non sur un ensemble de propositions politique susceptible de poser des véritables jalons pour un développement.
Ces arrières pensés se lisent à travers le discours et déclaration limpides tenus par les tenants de l’opposition. Par exemple le vise président et député du parti Tawassoul Mohamed Ghoulam Ould Hadj Cheikh a déclaré à l’occasion du meeting du 20 juillet 2017 à Aioun : « les amendements constitutionnels proposés par le pouvoir, visent le prolongement des mandats de Mohamed Ould Abdel Aziz à la présidence, c’est de votre rôle et de votre droit de faire campagne pour l’échec fracassant de cette mascarade, c’est mon intime conviction ». Quelques jours plutôt le 15 juillet lors du meeting tenu à la place de Ibn Abbas, le sénateur Gaddah, ex réfugié politique à Dakar avait aussi déclaré le rejet ferme du referendum qu’il qualifie d’anticonstitutionnel car visant uniquement à reconduire Aziz en 2019. Le parti RFD rassemblement des forces démocratiques, dirigé par Ahmed Ould Daddah opposant farouche du système depuis l’arrivée des militaires au pouvoir, estime qu’il est inutile de participer à ce referendum dont les initiateurs sont convaincus de sortir victorieux. Il estime également qu’aucune mesure n’est mise en place pour garantir la transparence et le respect de la volonté des électeurs qui se prononceront sur les propositions du gouvernement.
En effet, les arrières pensés du leader de ce parti remontent sur le fameux accord de Dakar en Juin 2009. Des accords qui parachèvent une crise post-électorale qui a opposé différents protagonistes à savoir les putschistes militaires et les farouches opposants tels qu’Ahmed Ould Daddah, Ould Mouloud du parti FNDD front national pour la défense et la démocratie avec la médiation de Wade l’ex président sénégalais. Pour la petite histoire, je rappelle que la cérémonie de cet accord était dérangée par des hurlements des partisans du putsch. A l’issue de moult négociations l’accord de Dakar du 2 juin 2009 fini par amener les trois grands pôles politiques mauritaniens à un consensus de retour à l’ordre constitutionnel. A ce titre, il prévoit la nomination par le président Sidi Ould Cheikh Abdallah d’un gouvernement d’union nationale. Ce gouvernement aura pour fonction d’organiser des élections présidentielles anticipées après la démission du président Abdallah et l’ouverture d’un dialogue national inclusif. Ce dernier point était pour le président Ould Daddah l’occasion d’accéder à son rêve présidentiel. C’est sur ces conditions que l’élection présidentielle de 2009 est organisée. Les militaires sortent majoritairement vainqueurs, ainsi Ould Abdel Aziz est élu. L’opposition réclame la tenue d’un dialogue sur la base des accords de Dakar. Le nouveau gouvernement répond qu’il est favorable à un dialogue avec l’opposition mais rejette le cadre des accords de Dakar ce qui naturellement créera une forte tension avec l’opposition.
A ces sommes d’arrières pensées se rajoute les déclarations fracassantes tenues par Jamil Ould Mansour président du parti tawassoûl, et le mouvement IRA par la voix de son secrétaire général Balla Touré. Ce mouvement dirigé par le vaillant opposant Biram Ould Abeid dresse un rampart solide contre le gouvement de Ould Abdel Aziz par la multiplication des sorties insolites qui font peur aux fidèles du système. Ces déclarations laissent croire que le président Aziz n’aménage aucun effort pour se maintenir éternellement au pouvoir. Les partis d’opposition en dépit de leur création à commencer par APP Alliance populaire pour le progrès crée en 1991 par Taleib Jiddou ancien directeur de l’imprimerie de Nouakchott avec les dissidents du soufisme de Cheikh Ibrahim Niass jusqu’au APP de Massoud Ould Boukheir en passant par UFP de Ahmed Ould Daddah n’ont jamais proposé une vraie offre politique.
Il y a donc actuellement une guerre de communication entre l’opposition politique voulant faire échouer le référendum, officiellement pour respect de la constitution, en réalité pour pousser le président actuel vers la sortie, et de l’autre coté la propagande du pouvoir en place pour vendre ces amendements. Cette guerre de communication passe évidemment par des promesses de campagnes dans des milieux défavorisés. Ces manœuvres politiques se traduisent aussi par un retour à la thèse du « président des pauvres » et d’un soit disant rapprochement du pouvoir en place avec la réalité des populations. Alors que c’est ce même peuple pour lequel le gouvernement n’a rien fait en 7 ans. à l’occasion de son meeting d’ouverture de la campagne du referendum qu’il a tenu le vendredi dernier au stade Saad de Mellah situé dans le quartier de Toujounine, Ould Abdel Aziz a affirmé qu’il réserve beaucoup de surprises à la population du traduza. On peut rappeler que le lieu du meeting n’est pas anodin, en effet Toujounine est un lieu où la plupart des populations vivent de manière précaire, ce choix entre donc clairement dans la stratégie de rapprochement entre le peuple et le président. Le stade en question a été rénové uniquement à l’occasion du meeting. À l’intérieur du pays, Ould Abdel Aziz a dépêché tout le corps administratif pour aller à la rencontre de leurs familles pour leur convaincre de voter oui, la guerre médiatique est donc totale. En effet tout le corps administratif se fait lui-même « soldat » de cet affrontement, chargé de convaincre ses proches. En plus de la manipulation par les rassemblements politique, le président a aussi envoyé des camions remplis de poissons pour donner aux pauvres paysans, afin de toucher à l’extérieur des villes les suffrages les plus pauvres. Cet acte qui est un achat de conscience est malheureusement interprété par les paysans comme acte de l’humanité. Malheureusement, en Mauritanie le choix du vote repose plutôt sur les affinités que sur les enjeux du programme. Le vote s’opère par les liens familiaux, amicaux et jamais sur les enjeux du programme. Cette forme de vote est malheureusement ancrée sur les consciences des électeurs. Ce qui explique aujourd’hui que certains électeurs nonobstant l’absence du programme des politiciens votent sans s’interroger sur l’offre politique qui leur est proposé. Ce phénomène devenue monnaie courante est malheureusement favorable aux pseudo-politiques qui instrumentalise les liens familiaux, l’amitié voir la religion pour arriver à leurs fins.
Face à cette situation, caractérisée par d’une part un gouvernement achetant ses suffrages malgré un mépris total du peuple et d’autre part une opposition motivée dans son travail par l’avidité de récupérer le pouvoir, le patriotisme doit s’affirmer avec faveur. Un patriotisme animé par la volonté de finir d’une part avec des opportunistes assoiffés par le pouvoir et d’autre part par des militaires dépourvues de toute morale politique. C’est cette volonté citoyenne qui doit reprendre place en nous pour venir au secours de cette population meurtrie par un régime qui l’engloutie depuis des décennies. Pour cela, il faudrait que la jeunesse cesse de se victimiser et qu’elles reprennent confiance en elle. Qu’elle accepte de comprendre que cette situation n’est pas une fatalité. Et qu’elle peut la changer par le biais d’une prise de conscience de ses propres capacités. Qu’elle comprenne que ni l’opposition ni les militaires au pouvoir ne voudront résoudre leurs problèmes à leur place. Elle doit reconnaitre que son avenir est pris en otage par des pseudos politiques qui ne cherchent que leur enrichissement personnel. Cette jeunesse doit également comprendre qu’elle est aliénée par la politique et que c’est par la politique qu’elle pourra retrouver son souffle. Elle doit prendre son destin en main et envahir la scène politique nationale pour proposer une alternance politique réelle. Car la politique est avant tout le réel avant d’être l’idéal, et ce réel c’est cette jeunesse qui l’incarne, dans les ghettos, dans les écoles, les universités, et dans le rue.
Chercheur en Santé Publique à L’université de Paris Sud (France).