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De Nouakchott aux villages reculés de l’Adrar, l’écrivaine Blanche de Richemont donne la parole aux femmes de cette terre extrême et inhospitalière.
« Ce film est né un jour d’été », lance Blanche de Richemont un soir d’hiver, dans une salle de cinéma parisienne. La journaliste et écrivaine est venue présenter son dernier film. C’est une habituée du désert, fascinée par son silence et son immensité. Elle le sillonne depuis plus de 20 ans. Mais « avec des hommes », raconte-t-elle.
Quand on lui suggère de s’intéresser aux femmes « invisibles » du désert en Mauritanie, elle hésite, confie-t-elle avec humilité. « J’ai eu un moment de doute. Le sujet des femmes n’était pas évident. Il me semblait inaccessible. Et puis je me suis dit que, peut-être, au milieu du désert, il y aurait une réponse à ma quête d’absolu. »
À la rencontre des femmes du désert est un film extrêmement esthétique, presque ésotérique, dont les images léchées du réalisateur, Augustin Viatte, nous embarquent dans une Mauritanie sublime ; de l’oasis de Terjit en passant par celle de Maaden et la célèbre Chinguetti, ville ensablée de cette région montagneuse de l’Adrar où la culture nomade reste prégnante.
Des gardiennes de la « vie »
Le film met en exergue le parcours et la vision de quelques femmes, triées sur le volet : celle qui guérit, celle qui s’érige en gardienne des livres, joyaux de Chinguetti, celle qui appartient à la communauté soufie dans le village de Maaden.
Toutes sont d’une beauté à couper le souffle, conscientes de leurs droits, déterminées, fières de leurs acquis et bourrées de certitudes. Toutes se projettent tête baissée dans le futur, animées d’une détermination qui force le respect.
Leur vision du mariage, de la religion, de l’accès à la santé ou à l’éducation est un phare, un guide dans leur trajectoire. Ces femmes sont des éclaireuses. Et leur pensée apporte la preuve implacable du changement en cours en Mauritanie. Et ce film nous offre leur vision, lumineuse, comme un cadeau.
Tout au long du film, au rythme d’une balade singulière, d’une déambulation harmonieuse, les femmes assènent que « ce sont elles qui détiennent le savoir », qu’elles sont les « garantes du quotidien » et Blanche de Richemont porte le film, en entrant en résonance avec ces femmes. Elle évolue, elle aussi, toute en légèreté, à travers les quartiers de Nouakchott, dans les rues ensablées de Chinguetti, dans ce pays lumineux, plein d’espoir.
La Mauritanie, pays étonnant, sur lequel on ne braque pas assez les projecteurs, qui se lance dans des combats solides qui sont couronnés de succès. Notamment l’insécurité : le désert mauritanien est devenu le plus sécurisé du monde.
Un mouvement est incontestablement en marche dans ce pays qui regrette souvent d’être « oublié » et « isolé » sur la scène internationale.
Une réalité contrastée
Si ce film porte un immense espoir, il y a l’envers du décor. La réalité, malheureusement absente de ce documentaire. Et qui est pourtant consubstantielle de l’ADN de la Mauritanie. Ce pays du Sahel est un des plus pauvres du monde : 57 % de la population est dans une situation de pauvreté multidimensionnelle selon l’Unicef. Alors, le quotidien de la majeure partie des femmes est forcément moins idyllique que celui que ce film donne à voir.
Ces dernières vivent souvent dans des villages moins charmants. Elles n’ont pas les moyens de se faire belles, n’ont pas eu la chance d’avoir étudié, gèrent leurs enfants qui sont privés d’école car, dans la région de l’Adrar, les écoles ferment les unes après les autres (le taux d’alphabétisation du pays n’est d’ailleurs que de 65 %, selon la Banque mondiale), nombreuses sont celles ne portant pas de chaussures et zigzaguent dans ces villages du désert au milieu de la pollution et de son principal fléau : le plastique.
Elles vivent recluses, loin – très loin — de la fameuse « liberté » qui semble à portée de toutes dans le film de Blanche de Richemont. La majorité des femmes du désert vivent dans des villages désertés par les hommes partis trouver du travail à Nouakchott, la capitale. Ces villages reculés sont devenus des villages de femmes et d’enfants. Pour elles, le désert est surtout synonyme d’immense contrainte.
La vraie Mauritanie, c’est celle-là. Celle que la vieille femme nomade décrit, d’ailleurs, en fin de film. Peut-être va-t-elle trop loin en disant qu’en Mauritanie, les femmes sont « moins fortes qu’avant », victimes de la mondialisation et des maladies. On l’espère.
« Mauritanie, à la rencontre des femmes du désert », un film de Blanche de Richemont, réalisation : Augustin Viatte. À voir en replay sur Arte.tv.
Par Capucine Graby