Les partis politiques : crise de confiance ou désintérêt ? Le rôle essentiel des partis politiques n’est-il pas de participer à l’animation de la vie politique ou plutôt un intermédiaire entre le peuple et le gouvernement : Tentative de réflexion/ Dr. Sao Ousmane

« Un homme peut gravir l’Everest pour lui-même, mais au sommet, il plante le drapeau de son pays » Margaret Thatcher

Texte et contexte :

« On note depuis quelques années une certaine désillusion des citoyens envers les partis politiques, qu’ils ne considèrent plus forcément comme leurs meilleurs représentants et intermédiaires. Dans certains pays, les partis ont une fonction de direction. Ils ont pour objectif la conquête et l’exercice du pouvoir afin de mettre en œuvre la politique annoncée. Si dans les régimes pluralistes (où existent plusieurs partis) la conception traditionnelle est que le pouvoir exécutif est en charge de l’intérêt national indépendamment des partis, ceux-ci assurent bien la conduite de la politique nationale, par l’intermédiaire de leurs représentants au gouvernement et dans la majorité parlementaire. Ils légitiment et stabilisent le régime démocratique, en le faisant fonctionner. Animateurs du débat politique, ils contribuent aussi à structurer l’opinion publique. » Les participations à la vie de la cité, 30 juin 2006 

Selon les analystes politiques, on distingue trois différents types de partis politiques :

1- Les partis dits « de cadre » nés au XIXème siècle, sont des partis de notables issus, dans un premier temps, de la bourgeoisie ou de l’aristocratie et se situent traditionnellement à droite ou au centre comme c’est le cas en France.

2- Les partis dits « de masse » nés au début du XXème siècle avec le développement du socialisme et du communisme, ont pour objectif la transformation de la société et la réalisation d’un ordre social nouveau. Pour cela, ils s’appuient sur une organisation structurée et hiérarchisée et sur un grand nombre d’adhérents, assurant ainsi leur autonomie financière et permettant l’encadrement des électeurs ;

3- Les partis d’électeurs, notion apparue dans les années 1960 et liée à l’approche américaine (système des primaires), sont caractérisés par la recherche du rassemblement du plus grand nombre possible de sympathisants, et s’attachent à la promotion d’objectifs consensuels.

Développement

Dans tous les pays du monde, les acteurs politiques sont représentés par les militants des partis politiques qui cherchent à conquérir le pouvoir. Les citoyens ancrés dans des organisations cherchent à influencer les politiques publiques et l’action du gouvernement dans le sens de leurs intérêts. Ainsi à côté des partis politiques, les organisations professionnelles, les organisations de la société civile, les institutions parlementaires et judiciaires, les Universités et l’Etat, chacun en ce qui le concerne, est un acteur unique ayant un rôle distinct et irremplaçable. La finalité de l’action publique et de la cohésion sociale est le bien-être individuel, social, économique et culturel. La démocratie n’est pas une fin en soi mais un moyen pour réaliser le bien-être et la dignité des êtres humains. Pour faire une démocratie réussie, il faut que les acteurs agissent en synergie, dans une clarté distinctive des rôles, avec sérénité, écoute et respect mutuel. La démocratie se construit à travers nos manières de penser, nos manières de parler, nos attitudes les uns vis-à-vis des autres, nos comportements et nos pratiques. Notre continent est à la croisée des chemins et vit des moments uniques de son histoire. Une nouvelle génération se cherche pour être aux affaires et dans l’opposition. Les batailles électorales s’annoncent rudes et deviennent de plus en plus prématurées. Malgré l’importance des enjeux actuels et futurs, nous avons tous la responsabilité d’œuvrer pour des débats apaisés sur l’orientation de nos politiques publiques, l’utilisation de l’argent public par une gouvernance transparente et démocratique et l’effectivité d’une démocratie administrative au service unique du bien-être du citoyen. (Anne Muxel 2001).

En Afrique, malheureusement les acteurs de la pratique démocratique sont confus et nagent dans une absence quasi-totale de discernement. Notre pratique démocratique semble étourdie. Nous avons une permanence de la contestation dirigée par les partis politiques comme s’ils voulaient prolonger les batailles électorales perdues. Ce n’est pas leur rôle. Il n’est pas du ressort d’un parti politique d’organiser des marches et de les diriger. Leur vocation est de conquérir le pouvoir par la conception et la vulgarisation d’une nouvelle offre politique, sinon cela ressemble à une révolution. Les partis politiques doivent continuer à former leurs militants, se massifier et concevoir des programmes alternatifs pour la conquête du pouvoir. Leur action significative doit se construire autour des joutes électorales. La société civile doit être d’alerte ; elle doit cesser d’être une société civile d’anecdotes ; elle doit éviter de faire les batailles des partis politiques ; elle doit chercher, fouiller, interpeler le gouvernement et l’Assemblée Nationale lorsqu’elle sent une déviation dans l’action publique ; elle doit également informer les populations, faire le plaidoyer pour la prise en compte de questions émergentes et de nouveaux défis. La construction d’une grande démocratie nécessite une société civile informée, alerte, structurée, forte et mesurée. Le gouvernement doit aussi répondre et considérer les interpellations de la société civile et des citoyens. (Daniel-Louis Seiler, Ellipses, 2003), (David Hume, Essays, Moral, Political, and Literary., 1742)  

Les partis politiques, crise de confiance ou désintérêt ?

Les partis politiques n’ont plus la cote. Et c’est un euphémisme au point qu’on évoque leur disparition un jour ou l’autre pour laisser la place à des mouvements plus participatifs. Nous constatons une dégénérescence presque programmée des structures partisanes et les militants désertent depuis des années ces partis traditionnels dans lesquels ils ne se reconnaissent plus. Il y a aujourd’hui une forte tendance au sein de la population mauritanienne pour considérer que ceux-ci ne comprennent pas les problèmes du pays. Ce sentiment est lié au fait que les notables qui les dirigent, refusent d’élargir tout processus de renouvellement et de réformes. Et cette absence de renouvellement entraîne la désaffection politique. Comme dans toute activité humaine, la non-concurrence et l’instauration de monopoles de situation finissent par étouffer toutes initiatives. (Georges Lavau, Armand Colin, 1953).

Des partis à l’ancienne

Ce sont ces partis à l’ancienne où des milliers de personnes encartées sont toujours convoquées à des réunions de fédérations, de sections, de cellules toutes les semaines pour satisfaire les caprices du chef. Aucune proposition, ni d’offre politique alternative sérieuse n’émane de ses réunions de comité. Ces pratiques finissent par lasser les militants politiques qui luttent en faveur du développement du pays. La politique reste pour eux un territoire où la souveraineté populaire et la citoyenneté ne sont que des illusions. L’absence de débat interne, de structuration, de propositions concrètes et de stratégies de gouvernance engendre une profonde fracture entre le monde politique et les citoyens. En même temps qu’une grande frustration de l’électorat. (Michel Offerlé, 2006)

Une défiance forte des citoyens vis-à-vis des responsables politiques

Face à cette situation, les citoyens aspirent de plus en plus à sortir de ce schéma traditionnel et à mettre en place des formes de démocraties directes ou participatives afin de reprendre en main leur destin. On voit ainsi émerger de nombreux mouvements qui entendent revitaliser la démocratie en remettant le citoyen au cœur du débat public. Le phénomène grandissant de ces nouvelles organisations témoigne d’une volonté de changement. Les mouvements politiques de citoyens sont aujourd’hui une réelle alternative pour une opposition éclairée, forte, lucide, imaginative et déterminée, contre la gouvernance actuelle du pays dans laquelle nos compatriotes sentent captifs. (Guillaume Bernard, Éric Duquesnoy, dir., PUF, 2007)

Le renouveau politique, un vaste chantier

Nos pays ont besoin d’un renouveau politique, une nouvelle force capable de dessiner un projet émancipateur, social et économique. Pour être légitime, les hommes politiques devront s’adresser, rassembler le plus grand nombre en acceptant l’hétérogénéité des cultures et en assurant une cohérence d’ensemble. Le renouveau politique appelle à un vaste chantier, celui d’un véritable « contrat démocratique ». Le potentiel existe dans notre pays dès lors que l’on sort de la politique électoraliste permanente qui bloque toutes les initiatives et interdit toute émancipation citoyenne. Surtout dans les pays comme la Mauritanie, l’économie nationale a d’énormes promesses favorables avec la découverte de pétrole et de gaz ; il est impératif avec cette découverte de revivifier le débat public afin d’associer toutes les forces vives du pays à la restauration d’un véritable Etat démocratique porteur d’ambitions et d’espoir. Dans ce contexte précis notre citoyenneté ne se définit pas uniquement d’un point de vue juridique par la possession de la nationalité et de ses droits civiques et politiques. Elle se définit aussi aujourd’hui comme une participation à la vie de la cité. Cependant, les citoyens n’ont aucun rôle obligatoire à jouer. En ce sens, le statut juridique de citoyen est un statut de liberté. Un citoyen peut choisir de participer (citoyen actif) ou non (citoyen passif) à la vie publique (Benjamin Constant, 1837). Chaque citoyen doit respecter les droits des autres qui sont identiques aux siens. Le terme de devoir peut aussi désigner une réalité plus morale qui doit guider le citoyen dans son comportement dans l’espace public. L’attitude des citoyens les uns envers les autres est primordiale pour rendre supportable la vie en société. La politesse, le respect, la capacité à venir en aide à une personne en difficulté sont des éléments capitaux pour une citoyenneté vécue au quotidien. Les manquements à ces règles élémentaires de vie en commun affaiblissent la notion de citoyenneté. Ensuite, les citoyens sont obligés de respecter les lois afin de permettre une vie en société organisée et d’éviter le développement de la loi « du plus fort ». On serait alors dans une situation anarchique, chacun agissant selon son bon plaisir, sans souci de la règle commune. L’obligation pour tous les citoyens de respecter les lois est la meilleure assurance que la liberté, les droits et la sécurité de chacun d’eux soient garantis de manière effective. 

Dr Sao Ousmane : Président Cadre de Concertation et de Dialogue des mauritaniens de la Diaspora (CCDMD) ;

Bibliographie

Anne Muxel : L’expérience politique des jeunes Pôle Sud Année 2001, Paris presse de science Po.

Guillaume Bernard, Éric Duquesnoy, dir., Les forces politiques françaises, Paris, PUF, 2007.

Michel Offerlé, Les partis politiques, Que sais-je no 2376, 5e édition, 2006.

Daniel-Louis Seiler, Les partis politiques, Paris, A. Colin, 1993.

Daniel-Louis Seiler, Les partis politiques en Occident : sociologie historique du phénomène partisan, Paris, Ellipses, 2003.

Maurice Duverger, Les partis politiques, 1951, Paris, Armand Colin.

Georges Lavau, Partis politiques et réalités sociales : Contribution à une étude réaliste des partis politiques, Paris, Armand Colin, 1953.

Philippe Raynaud et Stéphane Rials, Dictionnaire de philosophie politique, PUF, coll. « Quadrige dicos poche », 2003, 928 p. (ISBN 213052947X).

Henri Saint Jean Bolingbroke, Dissertation upon parties, 1775

Bernard Cottret et Marie-Madeleine Martinet, Partis et factions dans l’Angleterre du premier XVIIIe siècle, Presses Paris Sorbonne, 1991, 179 p. (ISBN 2904315926).

Benjamin Constant, Cours de politique constitutionnelle, Société belge de librairie, 1837, p. 202 David Hume, Essays, Moral, Political, and Literary, Liberty Fund, Inc., 1742  

administrator,bbp_keymaster

Leave A Comment

Activer les notifications OK Non merci