L’Édito de RMI: Le sommet des arrogants

IMG_2466« Nouakchott, une ville arabe » voilà le tempo scandé sans relâche par les médias publics depuis l’annonce de la tenue du 27 ème Sommet de la Ligue Arabe. Pour un temps ou pour toujours ? Peu importe, car comme disait Wolé Soyinka. « Le tigre n’as pas besoin de crier sa tigritude, il saute sur sa proie ». Eludons. L’objet de notre propos ne porte pas sur l’arabité de la Mauritanie, elle est incontestable. Ainsi, quelle nouveauté apportera donc la tenue du Sommet de la Ligue Arabe en Mauritanie ? Aucun ! Si ce n’est l’éphémère prestige de recevoir les « Arabes » et d’être le centre des médias internationaux. Ou encore, comme on l’observe déjà à travers l’effervescence médiatique officielle, le mérite de snober désormais le frère qui nous refusa tant notre « arabité ». Ceux-là qui se limitent à nous appeler « Chanaguitta ». Appellation qui en dit long sur le refus de  certains parmi eux de nous considérer comme leurs alter-égaux.

Cependant, l’événement phare et sans doute inscrit, dores et déjà, dans les annales historiques  est que la Mauritanie a accueilli chez elle les Etats Arabes. Mais que notre enthousiasme ne soit point démesuré. L’enjeu diplomatique ne se limite pas tout bonnement à la réception d’un Sommet, mais il réside dans l’influence géostratégique de prise des décisions vis-à-vis des nations arabes. En effet, que ce soit dit sans ambages, au sein de la ligue Arabe, le rayonnement de la Mauritanie se borne à son statut d’éternel aligné. Notre pays a jusqu’ici brillé par son implacable suivisme vis-à-vis des Saoudiens et des Qataris.

La misère des Arabes

Nonobstant leurs éternelles contradictions et faiblesses, les dirigeants arabes se rencontrent en « grands » dans un si petit et paradoxal pays. Faibles face aux défis internationaux contemporains,  les leaders arabes vont se côtoyer dans les couloirs des salles de conférences du Palais des Congrès de Nouakchott  sans pour autant  être capables de changer d’un iota la « grande misère des  Arabes ». Puisqu’au lendemain de la publication du communiqué officiel des fins des travaux du Sommet, la Palestine demeurera comme bientôt un siècle sous le joug colonial d’Israël. Les Syriens croupiront sous les maléfiques balles du génocidaire Bachar Al Assad. L’Arabie Saoudite continuera à faire la guerre au Yemen et à prêter main forte aux mouvements terroristes et violents. L’Etat Islamique (EI) continuera sa conquête de la Libye sous le regard impuissant de la Ligue Arabe. En Iraq, l’appareil étatique central  sera plus que jamais inféodé à l’Iran et incapable d’unir ses fils chiites et sunnites. Le Liban sombrera davantage encore dans ses veilles rengaines communautaires et sectaires.

Last but not least, les dictatures garderont leurs visages hideux et les prisons égyptiennes regorgeront toujours de citoyens arbitrairement arrêtés. En bref, le fameux Sommet de Nouakchott n’atténuera pas le fossé qui existe partout dans les pays arabes entre les classes dirigeantes et les populations, à commencer par la nation mauritanienne.

L’on comprendra finalement que les Etats arabes ne partageant pas les mêmes visions d’avenir. Raison pour laquelle, l’idéal du destin commun d’une « Umma arabe » s’est érodé depuis que l’esprit nationaliste a supplanté l’intérêt collectif. Minés par les idéologies et des conflits confessionnels, ces Etats se sont enterrés dans la suffisance, laquelle, lorsqu’elle atteint les nations, provoque l’arrogance destructrice.  Partout, on a oublié que les guerres qui tourmentent les nations arabes obéissent à deux logiques : les logiques de puissance, qui engendrent des conflits de souveraineté et les logiques de sens qui débouchent sur des conflits de légitimité. Tous les maux des Etats-Arabes viennent de la corruption des mœurs et l’éloignement des principes universels du vivre ensemble qui transforma en poudrière leur environnement immédiat.

 Après le Sommet, la routine

Mais que serons-nous après le départ de nos « frères arabes » ? Nous deviendrons ce que nous étions…des pauvres et des miséreux que l’Etat ne cachera plus pour faire belle figure lors de la tenue d’un Sommet. Des citoyens noirs que l’Etat ne bannira plus des offices publics pour leur négritude que les hôtes arabes ne sauraient voir. Des mendiants auxquels l’Etat ne pourra plus  interdire de faire la manche dans les carrefours pour ne pas indisposer les pétrodollars. Des citoyens qui demeureront sans aucune considération aux yeux de leurs dirigeants. La Mauritanie reviendra à la case départ, celle du désordre et du laisser-aller. Les quartiers Nord de Nouakchott hériteront des infrastructures de circonstances et les autres resteront totalement délaissés comme si rien n’était advenu. Et puis les routes flambant neuves, notre seule rançon de la Ligue, se délabreront  pendant l’hivernage.   Nouakchott retrouva son chaos structurel.

Après le Sommet, nous retournerons à notre réalité : une majorité d’exclus gouvernés par une minorité d’incompétents.

Après le Sommet, les affaires intérieures seront toujours gérées avec l’unilatéralisme soldatesque du Rais. Les marchés publics seront toujours, comme à l’image des préparatifs du Sommet, octroyés sans discussion, ni concurrence et en l’absence de toute transparence, aux entreprises de ses cousins. Lui-même continuera à se servir des robinets de l’Etat en favorisant son entourage proche. Personne n’osera lever le petit doigt pour contester. Il est la Mauritanie et les casernes sont remplies de ses troupes.

Lorsque les Arabes partiront, les défenseurs des droits humains, comme les leaders du mouvement IRA et du 25 février peupleront les prisons pour un mensonge concocté par un Wali plein de zèle. Et ceux qui ne sont pas encore derrière les barreaux seront interdits de manifester, de se réunir ou de s’associer.  Face au droit, la Mauritanie impose la force de la violence.  Et si le temps d’un Sommet, on était au centre du Monde Arabe, on retrouvera la plus grise des disgrâces aux yeux des démocrates de toute l’Humanité.

Quand le Sommet tirera ses rideaux, comme les peuples arabes qui attendent le retour de leurs dirigeants, on espèrera en vain l’avènement d’un Etat de droit.

Bâ Sileye

Sileye87@gmail.com

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One Reply to “L’Édito de RMI: Le sommet des arrogants”

  • BA Djibril

    Arrêtons de râler.

    « Je crois que, le mal, que l’occupant nous a fait, n’est pas encore guéri, voilà le fond du problème. L’aliénation culturelle finit par être partie intégrante de notre substance, de notre âme, et quand on croit s’en être débarrassée, on ne l’a pas encore fait complètement.

    Le combat qu’on nous livre est un des combats les plus violents. Il faut savoir que l’adversaire vous tue intellectuellement, il vous tue moralement avant de vous tuer physiquement mais c’est de cette manière qu’on a éliminé des groupes entiers. On vous nie en tant qu’être moral on vous nie en tant qu’être culturel on ne voit pas l’évidence, on ferme les yeux, on compte sur votre aliénation, sur votre complexe, sur le conditionnement et les réflexes de subordination et sur tant de facteurs de ce genre . Et si nous ne savons pas nous émanciper d’une telle situation par nos propre moyens mais il n y a pas de salut.

    Alors le poids des arguments c’est du côté des africains. Pour moi l’enjeu c’est une prise de conscience des générations futures. Réconcilier les civilisation africaines avec l’histoire pour rendre possible un corps de sciences humaines et toute mon activité est dirigé vers l’avenir. Je ne me délecte pas du passé et mon attitude n’est pas une attitude passéiste.

    Formez-vous et armez-vous de sciences jusqu’aux dents et arrachez votre patrimoine culturel.

    A formation égale la vérité triomphe et aucune paresse ne pourra nous dispenser de cet effort ». Cheikh Anta DIOP.

    Tel défi nous est lancé et nous ne saurons faire face que si nous nous livrons à notre propre examen de conscience, à un nous bilan et à une mutualisation de nos actions et de nos énergies seule garante de notre propre émancipation.

    « Partout où il y’a eu progrès c’est parce que les gens se sont comportés comme des citoyens et non comme des politiciens. Ils ne se sont pas contentés de râler, ils se sont organisés, ils ont agit et se révolté si nécessaire. » ( Zinn)

    Arrêtons de râler.

    Djibril BA

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