La Politique du Dauphin : Histoire du 3ème mandat de Président Mohamed Ould Abdel Aziz

Michel ONFREY écrit dans son livre décoloniser les provinces, contribution aux présidentielles : « la démocratie trouve son sens : elle devient authentiquement gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple et non gouvernement au nom du peuple d’une petite partie du peuple sur une grande partie du peuple ». [M. ONFREY, décoloniser les provinces : contribution aux présidentielles, parus les éditions de l’Observatoire et les éditions Flammarion, p. 19, 2017].  

Monsieur le Président laissez-moi vous dire…

Lorsque dans un régime, on constate que le président est dans l’incapacité de remplir pleinement et entièrement sa fonction, il faut se préparer au changement, donc à trouver un dauphin politique en perspective de 2019. En tout cas, c’est ce qu’on entend dans les médias étrangers. Ces derniers temps le concept de dauphin politique est de plus en plus employé par le pouvoir exécutif, de l’opposition et dans une plus large mesure par les journalistes mauritaniens. Le dauphin politique, c’est celui qui prendra la suite de son père, un ami  et par extension la suite tout court afin de laisser une trace politique, aussi minime soit-elle dans l’histoire. C’est une manière de garder le pouvoir dans son clan ou dans sa famille politique. Historiquement, c’est ainsi qu’on désignait l’héritier des rois de France.

En effet, il n’est pas nécessaire d’être un grand spécialiste du droit, notamment du droit constitutionnel pour dire que le Président Aziz n’a pas le droit de se présenter au 3ème mandat. Autrement dit  à sa propre succession.  Il ne suffit pas d’être un grand observateur de la vie politique mauritanienne pour constater qu’Aziz n’a pas rempli son contrat social avec le peuple et poursuit sa politique bureaucratique nourrie au principe de catégorisation, de stigmatisation et d’exclusion. S’ajoute l’absence de la représentativité de tous les mauritaniens dans les administrations étatiques, au Sénat, au Parlement, à l’Assemblée nationale et aux divers institutions, qui sont transformées en salle de théâtre, dont l’outrance des députés et des Oulémas (appelés localement les chefs religieux) affiche de hauts niveaux. De même, les déclarations récentes du parlementaire de la majorité et des chefs religieux sur le 3ème mandat d’Aziz, furent une parfaite illustration de leurs inaptitudes à incarner la démocratie qui reste formelle en reflétant une aristocratie d’élus insoucieux de la population.

 

Au fond des choses : le clientélisme, les bureaucrates, les technocrates, les militaires  et les généraux qui font leur loi dans les tentes et dans les bureaux, loin de la population et du monde, loin du réel, du quotidien et du terrain, méconnaissent et ignorent toujours l’Etat de droit et d’égalité entre les citoyens. Donc il est temps de mettre fin à ce système de clientélisme politique et politico-militariste… Nombreux refus de projets s’affichent sous les yeux de l’opposition, de la population et dans une moindre mesure des instances chargées de superviser le changement ou plutôt le développement du pays. Aucun projet a vu le jour et la ‘’politique de la chaise vide’’ est à l’ordre du jour au conseil des ministres. De nombreux refus de dialogue politique, des promesses non tenues, de l’indifférence aux propositions de l’opposition, des politiques jacobines et nombre de choses furent faites pour empêcher d’agir en faveur de l’égalité, de la justice sociale, de la bonne gouvernance et du rayonnement de la Mauritanie, tout simplement.

Monsieur le Président, cette présente contribution est un appel, un S.O.S, en tout cas, c’est une lettre ouverte pour dire à quel point la Mauritanie se trouve dans une situation bouillonnante et alarmante face aux pratiques injustes des politiques communautaires galopantes dans les institutions. S’ensuit la politique du dauphin, du clan et des cousins qui murmure au palais présidentiel, dans les ministères et dans la presse étrangère.

Monsieur le président, votre récent entretien au média voisin Jeune Afrique sur votre éventuelle succession reste flou, étant donné  beaucoup de réponses ambiguës. C’est pour cela que la grande majorité des concitoyens ne croient pas à cette déclaration simpliste et influente aux regards de votre politique népotiste (la succession du dauphin, la proximité avec les militaires, des officiers et les généraux de l’armée, etc…).  Tout le monde sait que le pays a une grande quincaillerie militaire et que la majorité des anciens chefs d’Etat vient de cette institution étatique. On les a vus prétendre incarner politiquement et économiquement le destin du pays, au nom de leurs intérêts personnels. Les Mauritaniens et l’opposition ne sont pas prêts à entendre, ni voir un autre général militaire à la tête de l’Etat. Et cela va de l’évidence, car le pays aspire et milite pour une personnalité qui vient de la société civile et qui promeut le changement des pratiques politiques nouvelles basées sur la justice et le droit.

Monsieur le président, si vous prétendez être le président des pauvres, les citoyens n’observent pas un véritable changement de leurs conditions de vie : les classes moyennes n’arrivent pas à joindre les deux bouts alors que les classes populaires, elles, n’arrivent même pas à tenir debout. Qu’en est-il du respect de leur droit à l’éducation, à la santé et de l’accès à l’eau potable ? Dans une logique de refus de projet, face aux nombreux défis de l’éducation des jeunes, de la sécurité humaine et du sous-développement, le pays n’est plus que jamais fragile sur ces plans. Autrement dit, régionalement et nationalement, l’absence de réalisation des projets d’envergure est visible et nuisible.

Les mauritaniens s’interrogent et se posent des questions de bon sens en lien étroit avec leur vie quotidienne et avec les institutions. Ils exigent l’accès aux droits et à l’emploi, la justice, la démocratie participative et le respect de la Constitution. Monsieur le président, nos concitoyens militent pour que vous veilliez à respecter l’esprit de l’article 28 de la Constitution du 20 juillet 1991 modifié par la voie référendaire du 25 juin 2006, qui prévoit que le président de la République est rééligible une seule fois. On sait que la nomination du dauphin serait un moyen de rester au pouvoir et de déguiser les pratiques politiques. Or, les concitoyens demandent que vous n’organisiez pas la manœuvre politique de la succession du dauphin, instrument de maintien du pouvoir familiale au sein des institutions.

Abdoulaye  SY     

 Université Lyon II

abdoulayesy168@gmail.com

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