FAUTE PERSONNELLE ET FAUTE DE SERVICE

Le décès d’un citoyen de la ville de Mbagne, suite au tir d’un soldat et le comportement d’un agent du groupement de la sécurité routière humiliant des citoyens, alimentent depuis quelques jours des débats houleux qui semblent ressusciter les démons de la division. Les deux incidents récents au centre desquels se trouvent les forces armées et de sécurité remettent à l’ordre du jour la nécessité de la détermination des responsabilités et du respect du droit qui constitue le socle sur lequel est fondée la république. Plus que la couleur de la victime ou celle de l’auteur de l’acte, la détermination des responsabilités et la justice pour les ayants droits de la victime importent plus.

Dans le cadre des fautes commises par les agents de l’état, nous ne pouvons plus rester au niveau de “l’irresponsabilite de la puissance publique” et de “la raison d’état”, des principes du droit désuets et révolus tout comme le fait de laisser à la diligence du juge de déterminer s’il y a une faute de service “caracterisée” ou “lourde” pour engager la responsabilité de la puissance publique.
Dans le cas de ce qu’on peut convenir d’appeler “l’affaire de Mbagne” à qui incombe la faute? Dans le cas d’espèce, il n y a que deux alternatives: soit le soldat a tiré de sa propre initiative et dans ce cas, sa responsabilité personnelle est engagée et l’on est en droit d’en déduire que la responsabilité de l’administration ne peut être engagée; soit il a recu des consignes particulières l’autorisant à faire usage de son arme à feu et dans sa cas, la responsabilité de l’acte reviendrait à celui qui a défini et donné les consignes de tir.


Si la cause directe et matérielle est la faute du soldat, elle n’a pourtant pu être rendue possible que par la faute de la puissance publique, incarnée par le Chef dEtat-major Général des Armées. En effet, le soldat est en service commandé, il est doté d’une arme à feu avec des balles réelles pour en faire usage au besoin. Seulement ces dispositions péexistaient dans le cadre d’un engagement armé éventuel. Or au moment de l’incident de Mbagne, le soldat agissait dans le cadre d’un maintien de l’ordre. L’existence donc de cette faute de service est suffisante pour engager la responsabilité de l’état. Le dommage est dû à la concomittamce de deux faits distincts, la faute de service et la faute personnelle. La responsabilité du service est liée au simple “défaut de surveillance” qui a permis la faute personnelle. Il y a donc cumul des responsabilités résultant d’une seule et même faute. Selon la jurisprudence sur la théorie de la faute personnelle et de la faute de service, “la faute personnelle de l’agent fait présumer le fonctionnement défectueux du service” entrainant d’office la responsabilité de l’état si la faute personnelle “n’est pas dépourvue de tout lien avec le service”.


La jurisprudence administrative est riche en exemples engageant la responsabilité de l’état par des fautes causées par ses agents ou par ses moyens. Le décès d’un malade causé par la négligence d’un infirmier engage la responsabilité de l’état. L’accident provoqué par un conducteur militaire utilisant la voiture de service a des fins personnelles engage la responsabilité de l’état. Le meurtre d’un citoyen par un groupe de militaires qui avaient irrégulièrement quitté la caserne engage la responsabilité de l’état, le meurtre ayant été rendu possible par la mauvaise organisation et la discipline insuffisante. Un larcin commis par une recrue militaire ayant quitté irrégulieèrement le cantonnement engage la responsabilité de l’état.
Or, dans le cas ou le cumul des responsabilités est établi, seul la puissance publique incarnée le Chef d’Etat-major Général des Armées est responsible vis-à-vis des juridictions conformément aux lois en vigueur relatives à la justice militaire.

Mohamed Lemine Taleb Jeddou

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