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Quelques jours avant le lancement de la campagne électorale, les dirigeants du pays avaient déjà une idée claire de la future configuration de l’Assemblée nationale. Listes de candidatures entre les mains, les conseillers d’Abdel Aziz ont joué carte sur table. Pour une fois, l’homme a écouté leurs analyses. Qu’avaient-ils dit de si percutant, jusqu’à ce qu’on assiste à la radicalisation de son discours envers les opposants ? Tantôt en les qualifiant d’extrémistes, tantôt d’individus téléguidés.
Des sources rapportent que ses conseillers politiques lui auraient signifié que des « hordes d’opposants » étaient en route vers l’hémicycle. Par conséquent, la future pression exercée sur le gouvernement fera de la Mauritanie un pays ingouvernable. Quasiment au bord de l’éclatement. De plus, son autorité institutionnelle contestée subira l’usure. Il sera dans l’impossibilité de gouverner dans la stabilité politique intérieure. Une situation susceptible de provoquer les craintes des partenaires financiers étrangers. En effet, cet état de fait ouvrirait des brèches à toutes les menaces endogènes et exogènes. Face au forcing gouvernemental, les députés constitués en groupes parlementaires avec, pour la majorité, une expérience politique, ne cesseront de brandir la menace de la rue.
Selon des observateurs, quoique simpliste, leur vision contenait quelques réalités au regard de la conjecture politique du pays. Avec la crise interne de l’Union pour la République (UPR), minée par des mécontentements tous azimuts, l’activisme débordant de la nouvelle classe politique et l’appel à l’assaut de l’Assemblée nationale, sont autant d’arguments objectifs et rationnels. D’où la subite lancée d’Abdel Aziz dans la campagne électorale. Il s’est décidé donc ne pas abandonner son parti plus que jamais divisé face à l’union sacrée des opposants. Partout où il a tenu des réunions restreintes avec les chefs de tribus, notables et cadres, il a fait savoir que la viabilité du projet du troisième mandat, qu’il remet sournoisement à l’ordre du jour, dépend inéluctablement de l’obtention de la majorité écrasante au Parlement. Constitutionnellement irréalisable. Si seulement le peuple tient encore à la sacralité de la Constitution. Last but not least, tous les facteurs socio-économiques militent à sa défaveur. Rappelons-nous que des Grecs, demandaient jadis au sage Solon : « «quelle est la meilleure constitution ? Il répondit : dites-moi, d’abord, pour quel peuple et à quelle époque ». C’est donc à l’opposition radicale mauritanienne d’intégrer ce principe démocratique à son agenda.
Les extrémistes sont les FPC-AJD/MR, les coalitions du FNDU et l’ IRA
Aux prochaines échéances électorales, plus que jamais en Mauritanie, le vote ethnique, communautaire et tribaliste prendra le dessus sur les convictions politiques. En effet, la réconciliation puis l’alliance entre les Forces Progressistes pour le Changement (FPC) et l’Alliance pour la Justice et la Démocratie (AJD/MR) constitue la plus grande onde de choc pour le « système ». Tout le monde sait que les services de renseignements ont usé de tous leurs moyens de pressions pour contrecarrer l’alliance entre l’IRA et les différents partis négro-mauritaniens. La dernière tentative de rapprochement entre le Mouvement pour la République et l’IRA s’est soldée par un échec, uniquement lié à des positionnements stratégiques. Finalement, Biram scellera un pacte politique avec le parti suprématiste arabe Sawab. Pour le système, c’était le scénario rêvé pour pouvoir exercer un contrôle. Facilement infiltrable, le duo Ira-Sawab, bien que critiqué par Abdel Aziz, ne constitue en aucun cas un sérieux danger pour la pérennité du système. Les parrains du système tiennent les leaders haratines par l’amadouement idéologico-religieux. En effet, le sempiternel discours célébrant la langue et la culture commune des maures et des haratines a encore un retentissement intellectuel chez les leaders des descendants d’esclaves. Qui mieux qu’un baathiste peut tenir cette rhétorique ?
Tawassoul, l’hydre à abattre
La seconde grande crainte du système demeure la victoire parlementaire des islamistes de Tawassoul. Adversaires coriaces et politiques aguerris, les réformistes constituent la bête noire de l’Union pour la République. Maintes fois, le gouvernement a entrepris des mesures exclusivement destinés à affaiblir la percée de Tawassoul. Depuis son arrivée au pouvoir, Abdel Aziz a gelé les activités de plusieurs associations caritatives proches de Tawassoul. Il s’est également attelé à priver le parti de ses sources de financement. Plus d’un observateur a vu dans la fermeture prochaine des établissements de transferts de fonds un ultime acharnement contre les Frères. Mais le système oublie que les groupes qui ont subi la répression se régénèrent et créent des alternatives de contournement. Les islamistes ont leur propre école politique et s’adaptent aux conjonctures. Ils savent, comme le disait Alfred Smith, qu’« il faut guérir les maux de la démocratie par plus de démocratie ». Défaire une hégémonie politique nécessite la maitrise des rouages du système. En cela, Tawassoul a une longueur d’avance. Wait and see.
La Rédaction