« ABLAYE CIRÉ BA ÉTAIT-IL SEULEMENT ORIGINAIRE DE BABABÉ LOTI ?  » par Safi Ba

Après avoir apprécié les efforts remarquables de l’État Mauritanien, salué les actes louables de ses collaborateurs de la presse, d’amis et de camarades de Abdoulaye Ciré Ba, et conservé précieusement dans un grenier virtuel, une fabuleuse moisson de témoignages poignants, et d’hommages si profondement touchants, produits par des plumes d’autruches et d’oies…Puis-je en rajouter avec ma plume de moineau ?

J’essaierai de répondre à l’interrogation. Elle fut aussi mienne à une époque bien précise :
une période de naïveté, où nos proches devraient être plutôt nos propres familles, et non ceux que l’on qualifie de arani* (étranger), c’est à dire non originaires du même village.

Voici quelques exemples pour illustrer cette mentalité.

En effet, l’entourage de Ablaye Ciré était principalement composé de personnes qui n’étaient pas de Bababé.

Les deux personnes qu’il appelait « mon frère « , feu, Dr Ba Oumar, et Sy Moussa, étaient l’un , originaire de Kaedi, l’autre, de Maghama.

Ses amis étaient de Kaédi, de Boghé, de Mbout, de Selibaby, de Boutilmit, de Sarandogou, d’Atar…

Son mariage fut organisé par ses camarades et madame Dr Ba Oumar : Mariam Ly. Il fut celebré
au domicile d’une autre de ses amies, aujourd’hui disparue : Malika, une franco marocaine chez qui nous avions vécus quelques temps.

À l’époque c’était l’écoute répétée des chansons françaises, d’où la réaction de Raki, une de ses cousines, qui, agacée par les voix de Brel, de Brassens et autres, rouspetait tout bas: « Eskeye ! Ablaye Ciré, finiri kadi tuubakoobé mum ! » (Eh Allah, Ablaye Ciré nous reveille encore avec ses toubabs !).

Le premier anniversaire que nous avons fêté ensemble en janvier, le mois de sa naissance, ne fut pas le sien, mais celui de Mohamed Soumeida, le précurseur du Mouvement National Démocratique, décédé le 7 janvier 1970. .. C’était en présence de ses camarades, ( Feu , son ami Anne Chekh, Lala Aiché, feu, Issaga Korera, Diallo Dieynaba, Wassala, Mariem Diallo etc…).

Le premier livre qu’il me mit entre les mains, fut « LA MÈRE  » de l’écrivain russe, Maxime Gorki. La romantique que j’étais se délectait plutôt de photos-romans.

Je pourrais encore énumérer d’autres exemples qui ont fait naître cette interrogation dans mon esprit étroit ou plutôt naïf.

D’ailleurs tous ses enfants porteront par la suite, les prénoms de ces « arani » : (Moussa Sy, Samba Diom, Asmiou Sy).

PARIS…

Le Fouta était loin déjà depuis Nouakchott. Quitter mes dunes de sables aux roses éternelles, loin des blagues des compères Sidi Sy /Abdoul Boubou Sow, et les gentilles moqueries de Mamoudou Sy qui venait parfois accompagné de Naaha , creusa davantage le décalage.

À Paris, un seul bababois était installé: c’etait Abdoul War. Son épouse, Augusta, une métisse Franco camerounaise, et toujours panafricaniste convaincue. …Cette jeune femme qui avait beaucoup à faire, s’occupa comme elle put, d’une sahélienne désorientée par la neige, le brouillard et les arbres dépourvus de feuilles.

Mon cousin Mamoudou Deme était loin de moi, et vivait en Normandie.

Nous fûmes Hébergés par son ami de toujours, Ba Samba Diom et son épouse Katy Ly. Quelques jours plus tard nous nous retrouvions à Stains dans un studio à la fois trop grand et trop petit . Petit par ses dimensions et grand par le vide. L’absence des bruits et du brouhaha des concessions africaines grouillant de monde, s’y ressentait fortement. En très peu de temps, le studio s’etait empli d’hôtes qui ne m’intéressaient que très peu : ses inséparables compagnons, ses livres.

Des livres sur pratiquement tous les thèmes. Je me souviens que ceux sur « la vie du prophète Mohammed » avait attiré mon attention.
Il y a une explication à ça que je ne peux pas exprimer ici.

Il me fit découvrir le couple, Adama Ba et Sokna Ly. Je pus humer le vent du teddungal* foutankais, qui me mena beaucoup plus tard à Orléans, chez Diallo Mamadou Bacc et Madina Tall, des amis que je lui chiperais plus tard. (Madina dont la cousine, Ami Sakho, croisera plus récemment le chemin de Ablaye Ciré qui la surnommait affectueusement. : « Ami miniam » (petite sœur). Je cite celles-ci : « Ablaye était un grand parmi les grands. Ablaye ko jom laalagal hooré jaajngal, *Ablaye avait une ouverture d’esprit) … mais c’est ainsi, personne ne peut devancer la volonté divine. « ).

Le premier concert où il m’a entraînée, fut celui de Johnny Clegg au Havre pour la libération d’un célèbre prisonnier qui m’était encore inconnu : Nelson MANDELA.

Le décalage se poursuivit avec ses relations et ses connaissances… Je citerai entre autres, deux exemples qui m’ont marquée, car pendant que lui était à l’aise dans ces milieux comme un poisson des marigot dans le fleuve, moi, je restais intimidée, voire paralysée, parfois.
Je me recroquovillais, perdue dans mes pagnes ou autres vêtements auxquels je n’étais pas encore habituée.

Le premier exemple, ce fut dans un restaurant du 16e arrondissement. Sidi Mohamed Cheiguer avait convié ses amis , dont Ablaye Ciré et Gilbert Valette ( disparu il y a huit mois seulement). Quatre moutons grillés à la marocaine, disposés sur une énorme table pour juste une dizaine de personnes !
Quelle générosité !
Qui dans mon état, ne serait pas impressionné ! En tout cas Ablaye Ciré, lui, était plongé dans un de ces débats qui le passionnait.

La deuxieme exemple, qui m’a profondément marquée fut un déjeuner chez un des fils du président de la République Française de l’époque. Pendant que Ablaye Ciré discutait avec aisance de politique, de culture, de littérature, de Mao ou de je ne sais quoi d’autre, je me tortillais dans mon coin. J’étais à la fois très impressionnée et émerveillée par ce lieu et surtout, par tout ce qu’il représente…Tandis que lui était aussi à l’aise que dans la case de sa grand mère bien aimée, Coumba Tako Ba.

Quand cet ami est venu à son tour déjeuner dans notre studio, Ablaye Ciré, l’avait incité à laisser sa fourchette et manger à la main… Ce dernier réussit à faire des « longgué » (boulettes)… Son sourire triomphant m’arrangeait; piètre cuisinière, j’avais mal dosé la quantité d’eau pour cuire le riz devenu collant. Alors, c’était bien plus facile de faire des boulettes.

Si Ablaye Ciré ne réalisait pas l’état dans lequel je me trouvais, c’est parce que lui n’avait aucun mépris pour les ignorants, même s’il admirait les érudits. Je ne peux pas définir ce qu’il éprouvait pour les nantis, mais je sais qu’il avait une grande compassion pour les démunis, dont il faisait partie intégrante, si toutefois on considère que la richesse ne se réduit qu’à l’accumulation de l’argent. Même si j’ai envie de retenir ces mots de Ami Sakho : « La richesse ce n’est pas accumuler de l’argent, mais se suffire de ce qu’on a. »

« Ablaye Ciré était il de Bababé ? »

Si son oncle et proche, Ba Aliou Ibra, et Ba Abdoulaye Mamadou, maire de Bababé, peuvent accepter cette interrogation, il ne peut pas en être de même pour son cousin Ba Abdoulaye Dowout, ses tantes Neené Diaya et Aminata Deme, sa sœur, Rakooye Ba, Mariam Ciré et tous les autres.

Il n’y a aucun doute que Ablaye Ciré Ba était de Bababé et aussi de M’boolo Birane. Mais Il était surtout de la Mauritanie, ce pays qu’il aimait tant.

PS : A Fatou Diakhaté, son épouse, à Moussa Ba et ses frères, ses enfants, je partage cet espace qui est à la fois le leur, et le nôtre.

A suivre….

Safi Ba

Cliquez sur le lien pour lire l’anecdote ci-dessous

http://lotihomesafiba.blogspot.com/2022/02/premier-pas.html

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