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Avec la montée des partis d’extrême droite en Europe et la digitalisation croissante de la société, la situation des immigrés africains – notamment mauritaniens ou sénégalais – n’est plus ce qu’elle était. Les nouvelles générations d’immigrés rencontrent aujourd’hui bien plus d’obstacles que celles arrivées en Europe dans les années 70, 80 ou 90.
À l’époque, même en situation irrégulière, un Mauritanien ou Sénégalais installé en Italie, en Espagne, en France ou en Belgique pouvait réaliser de grandes choses en une seule année : construire une maison à Nouakchott ou Dakar, lancer une activité ou soutenir sa famille de manière conséquente. À titre de comparaison, un fonctionnaire mauritanien ou sénégalais devait parfois économiser pendant plus de dix ans pour parvenir au même résultat.
Pourquoi une telle différence ? D’abord, le contexte économique de l’époque était très favorable. En France ou en Belgique, par exemple, un immigré pouvait acheter un sac ou une ceinture à 5 euros et la revendre à 30 euros dans un café ou un restaurant. Les Européens, alors plus aisés et moins méfiants, n’hésitaient pas à dépenser, sans trop se soucier du prix. Le commerce de proximité fonctionnait bien, car les consommateurs n’avaient pas facilement accès à l’information, ni les moyens de comparer les prix.
Il faut rappeler qu’il y a 30 ou 40 ans, les plateformes de vente en ligne n’existaient pas encore. Internet n’était pas généralisé, et beaucoup de produits n’étaient disponibles que dans les grandes surfaces ou par des circuits informels. C’est ainsi que nombre de Mauritaniens et Sénégalais ont bâti leur réussite en faisant du porte-à-porte ou en exploitant les lacunes du système.
Aujourd’hui, le contexte a radicalement changé. Les Européens surveillent de plus près leurs dépenses. Grâce à internet et aux services de livraison, ils comparent les prix, consultent les avis et achètent plus intelligemment. Il devient donc beaucoup plus difficile de faire des marges intéressantes sur le commerce informel.
Par ailleurs, la montée de l’extrême droite en Europe et aux États-Unis alimente un discours de rejet des immigrés. En période de crise économique, certains citoyens occidentaux n’hésitent pas à accuser les étrangers d’être responsables de leurs difficultés. Résultat : les immigrés sont davantage surveillés, stigmatisés, et voient leurs opportunités se réduire.
Autre réalité : les Européens eux-mêmes acceptent aujourd’hui des emplois qu’ils refusaient autrefois, souvent par fierté. La précarité touche tout le monde, et les natifs n’ont plus le luxe de délaisser certains métiers au profit des immigrés.
L’inflation n’a rien arrangé. Le coût de la vie a fortement augmenté, y compris en Europe. Les immigrés peinent déjà à subvenir à leurs propres besoins, alors mettre de l’argent de côté pour investir au pays devient un luxe. Le système social, quant à lui, est de plus en plus strict : durée limitée des allocations chômage, contrôles renforcés, informatisation des administrations… Les « débrouillards » d’hier ne peuvent plus autant contourner les règles.
En somme, il est devenu normal que les immigrés d’aujourd’hui aient plus de mal à « réaliser » au pays que leurs aînés. La priorité, pour beaucoup, n’est plus de bâtir à Dakar ou à Nouakchott, mais simplement de vivre dignement là où ils sont.
Aly Ba