Le spectre du mal : Arrêtez l’hémorragie pendant qu’il est encore temps !

La situation qui prévaut en ce moment en Mauritanie nécessite une analyse lucide et profonde des dissensions politiques à caractère communautariste. Le caractère communautaire: là est le danger. C’est le spectre du mal qui mine et ronge le continent africain, en dépit des frontières artificielles et des brassages communautaires, hérités de l’impérialisme colonial. Malheureusement la Mauritanie, se trouve dans l’œil du cyclone de de ce mal qui a ruiné et appauvri le continent africain, par des guerres interethnique et communautaire.

Là où l’extrémisme règne dans un milieu de cohabitation interethnique, les tensions et les dissensions intercommunautaires planent comme des fantômes sous l’ombre du mal, ou se suspend au-dessus des têtes l’épée de Damoclès, qui peut frapper à tout moment. Et quand les fantômes se transforment à des monstres froids, buveurs de sang, les vampires extrémistes se frottent les mains pour assouvir à leur sale besogne, qui est de répandre le mal, en tant que des êtres assoiffés de sang, nourris de haine et de mépris à l’égard de l’autre.

Tout le monde est d’accord pour dire que la diversité ethnique et culturelle est un atout de richesses humaines pour le développement et l’épanouissement des cultures et de l’acceptation de soi et de l’autre. Ce qui en fera d’ailleurs le credo du célèbre écrivain africain Amadou Hamapte Ba : «la beauté d’un tapis vient de la diversité de ses couleurs ». Mais qu’arriverait-il si les couleurs de ce tapis sont mal harmonisées et mises en ordre dispersé dans l’anarchie et le désordre. Euh bin ! on va obtenir un mélange difforme, discontinu et déséquilibré, source de croisement et de frottement brutal. Tous les pays où la cohabitation s’est mal faite ont abouti à des massacres. Là où la différence apparait, l’équilibre et l’harmonie devraient être la règle de fonctionnement dans le corps apparent.

La Mauritanie comme beaucoup de pays africains, souffre du syndrome de déficience acquise par les conséquences de la colonisation. Le legs colonial est un poison dont les effets indésirables pourrissent la vie de ces pays postcoloniaux. Cependant quand on regarde en amont, des pays comme la Mauritanie avaient un système de cohabitation entre les différents peuples qui la composent, bien pacifié.

La bonne cohabitation entre les arabo-berbères et les populations négro-africaines fut perturbée par l’administration coloniale, qui au moment des indépendances a favorisé la communauté arabo-berbère. Elle légua à la classe intellectuelle des Maures de l’époque, la prétendue supériorité de la race blanche sur la population négroïde. Celle-ci nourrissant des sentiments idéologiques suprématistes, s’est complètement de manière progressive tournée vers un nationalisme arabe, qui est à l’origine des problèmes de cohabitation avec leur concitoyen négro-africain. Ce nationalisme se gênait de la présence des noirs sur le sol mauritanien. Ce chauvinisme arabe, à plonger le pays dans un apartheid apparent, suite aux différents évènements raciaux, qui martyrisa la communauté noire à jamais, notamment les Peuls, qui ont payé une lourde tribu lors des évènements sanglants de  1989.

Les conséquences de cette politique nationaliste, discriminatoire, à générer deux composantes raciales qui se nourrissent de la méfiance, de haine, de part et d’autre. La population noire victime du traumatisme collectif des évènements de 1989, et qui jusqu’à présent continue à subir la discrimination et l’exclusion au niveau de toutes les sphères politico-économiques du pays, reste sur la défensive, et cherche tant que bien que mal à faire entendre leur mécontentement, leur malheur, leur souffrance sur leur propre sol, chez eux. Profondément meurtris par leur condition, certains parmi eux tombent dans l’extrémisme, jusqu’à reprendre les mêmes erreurs que les idéologues nassesriste et bassistes. Si l’extrémisme de certains  noirs a des raisons sociopsychologiques, néanmoins, ils ne doivent pas tomber dans une lutte radicale aveugle qui à coup sûr risquerait de finir par des affrontements sanglants entre les deux peuples centenaires qui ont relativement bien cohabité, avant l’arrivée des colons. Il existe des travaux en histoire qui démontrent la cohabitation des deux communautés, qui même se marier entre elles. D’ailleurs dans le Trarza, il y a beaucoup de mariages mixtes entre les Maures et les noirs. Ces liens de sang historique peuvent être des facteurs de cohésion et de cohabitation harmonieuse, si l’extrémisme et le chauvinisme d’État, cesse, et se préoccupe de la question de l’unité nationale, en réglant le problème du passif humanitaire, en rendant justice à ces centaines d’enfants orphelins, dont certains ne savent même pas là où les corps de leurs pères sont ensevelis, dans le désert de Oualata et de Jreida.

Les risques d’un affrontement sont réels, même s’ils ne sont pas imminents, car malgré le rejet idéologique de part et d’autre, la religion musulmane constitue un rempart important du rejet de la violence.

Cependant, ce rempart peut être rompu à tout moment, le mur présente déjà beaucoup de fissure, et avec les tensions et les dissensions au sein du pays, l’effet de la dilation du mur se fait sentir.

Chez les Maures, un climat de méfiance et de suspicion règne également, vis-à-vis de la communauté négro-africaine. Pour ces derniers, ceux qu’ils appellent les extrémistes noirs, dont l’idéologie dominante est orchestrée par les flammes, selon leur soupçon, cherche à prendre le pouvoir par les armes et chasser les Maures du territoire. Il existe des citoyens Maures lambda, qui fraternisent avec la communauté négro-africaine, indemne de toute velléité en vers la communauté négro-africaine, et appellent à une vie paisible et commune. D’autres parmi eux également reconnaissent les torts commis à l’endroit de la communauté négro-africaine, mais appellent à l’oubli et à la réconciliation. Contrairement à la classe intellectuelle nationaliste qui sont la plupart des notables du pays, revendiquent une appartenance sans concession au monde arabe, et œuvre de toute leur force pour s’imposer en tant que la communauté dominante dans le pays. On ne peut parler de racisme maure en vers les communautés négro-africaines, mais plutôt un racisme d’état instauré par un système ségrégationniste, cependant, ce racisme d’état est orchestré par l’Élite maure, composée la plupart des idéologues et extrémistes à tendance arabe, dont le seul plaisir est de voir le pays complètement dénigrifié, et de débarrasser le pays, de tout ce qui pourrait être un blocage vers le processus d’arabisation complet du pays.

Au de la des crimes commis à l’endroit de la communauté noire vivante en Mauritanie, la ségrégation, les racismes ordinaires vécus dans les milieux administratifs, la gestion presque exclusifs de l’ensemble des sphères politiques et économiques par des élites issues de la communauté maure, exacerbe la communauté négro-africaine. Cette dernière, ne supportant plus les multiples injustices à leur égard, essaie tant bien que mal de résister, et de faire entendre leurs voix, pour appeler à un partage plus équitable des richesses du pays, détenu par une Élite issue d’une seule communauté.

À l’heure actuelle, l’État mauritanien, au lieu de chercher à éteindre le feu, en faisant des concessions, par un dialogue ouvert et profitable à tous, avec une réelle volonté politique de changement et de partage équitable des richesses, se donnent la sale besogne d’intervenir dans le sud, pour s’ingérer dans l’attribution des terres, ou en ce moment  dans la localité halaybé, nous sommes en plein dans cette affaire d’attribution des terres, dont les arrêtés, démontrent bien l’acharnement de l’État, contre ces populations. Certains gourmands élus de l’État ont l’œil sur ces terres, car constituant un facteur d’enrichissement énorme, face à la rareté des terres cultivables et exploitables, dans le monde.  L’Etat est devenu une machine d’oppression systématique, qui cherche à spolier les terres des pauvres riverains du sud, les populations négro-africaines. Ces agressions dans les localités du sud sont en train de réveiller les vieilles querelles et blessures qui ont du mal à cicatriser au sein de la communauté noire, qui est meurtrie et profondément blessée et atteinte dans leur dignité. Car leur terre c’est tout ce qui leur reste dans ce pays ou ils voient l’avenir de leur jeunesse détruite, par le pessimisme, l’abandon, le découragement, ou même les plus diplômés parmi eux peine à trouver un emploi décent ou à la hauteur de leur diplôme. Dans un pays, ou la majorité d’entre eux vivent dans une misère silencieuse qui avance à grands pas, au côté des nantis du système, qui profitent de leur percé dans le système, en ayant contribué à la misère que vit leur communauté, en endormant la conscience des populations, et en étouffant toute possibilité d’éveil des consciences à partir des mouvements de contestation et de lutte pour la dignité et le respect de l’être humain.

Pour sauver le pays, d’un affrontement possible entre les deux communautés, il est plus qu’urgent, de cesser les agressions au sein populations du sud, par les tentatives d’expropriation, et d’exploration des terres. Cependant, pour faire disparaitre le spectre du mal, le spectre d’un affrontement intercommunautaire, ou des mouvements de révolte sanglante peuvent se soulever un peu partout dans le pays plongeant le pays dans une guerre civile sans précèdent, il faudrait aller au plus profond des racines du mal, à savoir revenir sur le dossier du passif humanitaire, pour que la question soit bien élucidée, en ouvrant un procès équitable, pour en fin qu’on puisse réellement savoir ce qui s’est passé, lors des évènements de 1989 à 1991. En ce moment SEULEMENT on pourra évoquer la question du pardon, et de l’indemnisation des victimes. Condition sinequanone pour oublier ce passé douloureux du pays, et tourner la page de ces évènements tragiques.

Par la suite il faut une dislocation du système étatique dans sa forme actuelle, en se débarrassant de l’idéologie meurtrière. En effet toute idéologie qui se nourrie de l’extrémisme et de l’exclusion de l’autre, n’est viable à rien, et n’est profitable qu’aux assoiffés de sang. Réfléchir sur des modèles d’intégration de l’ensemble des communautés du pays, où chaque communauté sera respectée dans son identité, dans sa diversité, et dans sa dignité, en profitant des biens du pays, source d’une cohabitation saine.

L’islam, épargné des causes idéologiques, et des interprétations haineuses et meurtrières, est une religion de paix et de cohésion entre n’importe quels des peuples qui cohabitent depuis des millénaires. Le pays regorge de digne notable, capable de s’assoir, de discuter, en tant que bons citoyens qui aspirent à la paix et aux bonheurs de tout citoyen et fils du pays, pour penser et réfléchir une meilleure cohabitation, en favorisant un climat de bonne entente et de bons voisinages, entre les différentes communautés du pays. Chaque culture qui compose ce pays est une merveille et une richesse extraordinaire qui peut faire de ce pays, un magnifique pays, qui fait bon à vivre. Je suis issu de la communauté négro-mauritanienne, mais je suis fasciné par la culture maure, surtout leur parure, et la gastronomie maure, j’aime entendre la voix de Maalouma Mint Meydah retentir au marcher capital, j’aime écouter la voix de Dimi mint Abba  dans les rues de Nouakchott, j’aime voir ces jolies femmes mauresques dans leur m’lahfa si magnifiquement bordé de la teinture soninké, j’aime voir de beaux messieurs maures avec leur boubou d’isbih qui brille sous l’effet du soleil du désert. J’ai une forte fascination du chameau du désert, et l’un des  moments les plus magnifiques de mon enfance, c’est quand ma grand-mère me conte et me raconte leur cohabitation avec les harratines, et quelques chansons du répertoire de la chanson traditionnelle maure, et la langue hassanya, est un beau dialecte de la langue arabe. Et je sais que quelque part, un jeune Maure, nourrit la même passion que moi à l’endroit de ma communauté, qui est fasciné par ma culture.

Ce qui nous empoisonne la vie dans notre beau pays, c’est le racisme d’État, dont le système a pris racine, dans le terreau d’une idéologie meurtrière, qui cherche à me nier, en m’excluant dans mon propre pays. Ce « JE » qui parle, parle au nom de tous les miens, au nom de tous ceux et celles qui souffrent dans leur chair, des conditions de vie et d’existence extrêmement difficile. Ainsi je parle pour tous les oubliés du système, car quelque part quelques citoyens maures, vivent des conditions de vie difficile, n’étant pas issu de grandes tribus dirigeantes de ce pays.

DIA ABDOULAYE

Étudiant chercheur en anthropologie sur les antiquités classiques africaines par le prisme des travaux du professeur Cheikh Anta Diop.

Email : dia.abdoulayeoumar@gmail.com

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