LES MOTS DE LA RAISON

Sur les pas de nos aïeux, comme une lanterne sur nos luttes, ma plume, aussi timide soit-elle, ne cesse de se confier, ne cesse de vous interpeller, parfois agressive mais toujours fidèle a mes principes. Entre les mots doux qu’elle véhicule, les maux qu’elle dénonce et le désespoir qu’elle reflète, elle continue d’espérer, de croire à notre histoire aussi sinistre, aussi sombre et aussi mitigée soit-elle. Aujourd’hui, entre désespoir et résignation, elle continue de bousculer les idées de ceux et de celles qui, dans le mépris et la haine, ne songent qu’à fracturer encore plus notre peuple. Comme une arme au milieu d’une bataille, elle tranche, réprime, soulage et défend avec ardeur et ferveur ce qui nous lie, ce qui nous ressemble et surtout, ce qui nous différencie. Notre passé, comme un fil dans une natte, nous rappelle nos parcours, nos défauts, nos qualités et nos faiblesses. Ce qui nous ressemble est ce qui nous unit et qui nous fortifie. Cependant, ce qui nous différencie nous enseigne sur ce qui fonde la nature. La nature est multicolore, composée d’arbres et de multiples espèces qui, dans leur différence, reflètent la beauté de celle-ci et de sa complexité. La multiplicité d’ethnies, de langues, de cultures et de couleurs que constitue notre peuple est une beauté éblouissante et une chance d’apprendre l’autre, de comprendre ses souffrances et de préserver ses libertés les plus élémentaires.

C’est dans la substance de cette multiplicité que jaillit la force de l’espoir et que se dessinent les lignes de notre avenir. Un avenir certain qui, dans les méandres de l’injustice et des inégalités, s’éloigne de jour en jour. Il s’éloigne de nous, se réfugie dans ce sombre royaume où la haine est reine et mépris, le roi. Dans ce royaume, la justice est un concept philosophico-politique mariné à toutes les sauces où s’abreuvent les meurtriers de novembre, les tortionnaires d’août, les négriers du désert, les ulémas du palais et les nègres de la cour. Les mots de la raison raisonnent, choquent, interpellent et nous rappellent l’infinie cruauté de l’homme. Ces mots mordent, dévoilent le voile de l’ignorance qui nous aveugle, s’interposent contre les mots de l’intolérance, les accents de l’ignorance et la force de la médiocrité. Au milieu de ce désert aride ou quatre millions d’âmes se croisent depuis des lustres, elles se côtoient, s’ignorent, se toisent, se méprisent et s’affrontent. Elles cohabitent sans se connaître et se discutent sans se comprendre.

Les mots de la raison est une pensée contre les affres de l’intolérance, les maux de l’ignorance et, surtout, un bouclier contre le cynisme, les idéologies négationnistes et les tentacules de l’extrémisme religieux. Nous traversons une époque troublante, inquiétante et dangereuse. Celle de la régression de nos valeurs culturelles, de l’expansion affolante de l’extrémisme religieux et de la vulgarisation des idées xénophobes et racistes. La régression des valeurs socio-culturelles d’une société telle qu’elle soit, créé une composante sociale aliénée, insignifiante, sans aucune identité et quasiment dénudée de dignité. Ensuite, l’imposition violente des idées et des pratiques devient le seul lien entre les opprimés et les oppresseurs. C’est dans ces conditions que naissent l’extrémisme religieux, le nationalisme, le totalitarisme, la vulgarisation des pensées négationnistes…Et, enfin, le déclin de la société atteint son dernier stade d’existence et se noie dans l’histoire. En Afrique, nous vivons la crise sociale et culturelle la plus violente de notre histoire. Elle impacte toutes nos structures sociales, politiques, économiques et religieuses. Le silence assourdissant de nos leaders politiques et de nos intellectuels montrent le degré de violence de cette crise et de ses causes. Au lieu d’attaquer les causes d’une telle crise, nos hommes de pensée et nos hommes politiques s’attardent à analyser les conséquences de celle-ci. Pour éradiquer une maladie, il est impératif de commencer à étudier les causes de celle-ci pour pouvoir éviter des drames.

LA THÉORIE DE L’ESPRIT, UNE ATTITUDE  PUREMENT HUMAINE

Entre les cascades de la vie, les déceptions ravageuses et les fins heureuses, l’humain, dans sa parfaite définition, se retrouve noyé dans l’éternelle illusion existentialiste. Une illusion qui, dans sa présentation, se confond à la réalité et se conforme à nos désirs, à nos passions, à nos craintes et à nos frustrations. C’est dans la profondeur de cette illusion irréaliste et idéaliste que se forme la personnalité et que s’enracine la cohérence de l’action.

Dans la « rationalité impeccable » dénudée de toute illusion platonicienne de la caverne, l’homme, dans la recevabilité de sa démonstration de la vérité, prouve avec « logique » l’intelligibilité de ses idées. Cette logique bordée de guillemets, au delà des considérations personnelles se complexifie dans la contradiction et se positionne comme finalité dans un exercice de raisonnement philosophique.

C’est cette lutte permanente et sans vergogne dans la contradiction qui fonde la base de toutes nos croyances, de nos vérités philosophiques et qui structure notre personnalité. L’illusion, une simple perception – déformation de la réalité de l’autre, de sa conduite et de ses désirs. D’une part, une vérité n’est universelle que dans la démonstration scientifique intelligente. Et, d’autre part, par un regard critique et imposant, l’autre, dans sa faiblesse et son narcissisme impose à l’autrui une vision déformée de la réalité. Cette attitude purement humaine porte les germes de la théorie de l’esprit. Cette déformation volontaire et imposée de la réalité constitue aujourd’hui l’ossature de tous nos aspects sociaux et culturels.

LES « FAURISSON » DU DÉSERT

Entre les convictions fondamentales de l’humanité archaïque de Morin, le cynisme comme comble de la franchise dans une société d’hypocrites de Bouvard, l’essence des mots et la beauté substantielle de la pensée se retrouvent piégées dans l’ombre de l’immoralité. Dans la gymnastique sournoise des phrases, l’humain, bercé dans l’imaginaire d’une histoire fictive se dresse contre l’évidence et nous livre avec une insolence condescendante une version de sa propre histoire. Celle qui trouve sa cohérence et sa légitimité dans un environnement haineux dénudé de toute logique et de toute pertinence.

La pertinence de la pensée se trouve dans la tolérance, dans le respect de nos sensibilités et dans la véracité des propos. Voilà une description platonicienne de ce qui devrait fonder les structures de nos modèles politiques et de nos philosophies. Malheureusement, la dualité éthique kantienne, dans son développement la plus juste, traduit les émotions, les sentiments, les ressentis, les faiblesses et les qualités de l’homme. C’est dans la substance de celle-ci que naîssent la terreur, l’extrémisme, la négation des faits historiques et l’imposition violente des idées, des pratiques et des convictions. Cette sombre facette qui nous incarne en quelques sortes exprime « bellement » le  » Ça » freudien et démontre sans aucun détour la cruauté de la pensée humaine et de cette non-maîtrise de ce qui se trame à la profondeur de notre inconscience.

 LA RESTAURATION DE LA CONSCIENCE HISTORIQUE AFRICAINE

Dans le tourbillon de l’aliénation culturelle, la raison se réfugie dans des paradigmes socio-politiques qui, dans la profondeur de leurs structures, n’ont pour objectif que de pérenniser cet environnement idéologique et d’accentuer profondément celui-ci. Des siècles durant, de multiples manifestations occidentales désastreuses et destructrices de structures de la pensée africaine, de ses fondements et de sa puissance constituent le pilier fondamental de cette volonté de mener le peuple africain dans ce long périple de pauvreté, de guerres civiles, d’analphabétisme et de perdition. C’est dans cette condition étouffante et insoutenable que des voix se lèvent pour dénoncer ce tsunami de l’exploitation, du néo-colonialisme et de ce mépris éloquent des cultures africaines, du peuple africain et de ce rêve africain. Le rêve africain, une illusion collective ou l’impératif «libératif» du peuple noir et l’instauration définitive de la conscience historique africaine?

Dans son ouvrage intitulé Nations nègres et culture, le plus grand penseur du peuple noir et dernier pharaon noir, évoque avec intelligence, scientificité et pragmatisme l’originalité et la beauté de l’histoire africaine. Cheikh Anta Diop, dans la substance des luttes de libération des colonies occidentales en Afrique et dans ce monde idéologique et répugnant européen, défie l’ordre établi par ce dernier, développe une des plus belles pensées du XXe siècle et jette les bases d’un futur terrain scientifique de cultures, de civilisations, du passé, du présent et de l’avenir du monde noir. Par animosité et par manque de foi, de multiples penseurs de l’occident colonialiste entament des campagnes de diabolisation contre les travaux de ce dernier et élèvent au rang d’intellectuels des gardes-chiourmes africains pour porter et diffuser les idées des anthropologues, des sociologues, des biologistes et des philosophes de siècle des Lumières qui n’est en réalité qu’un siècle de pire barbarie, de falsification de l’histoire africaine et d’imposition violente des pensées occidentales qui sont sans aucun doute contre le développement du continent africain, de ses fils et contre les belles facettes des traditions et cultures africaines.

Ces gardes-chiourmes étaient perdus dans des ambitions démesurées et farfelues qui, inconsciemment, retardent de jour en jour l’Union de l’Afrique et de cet urgent divorce avec les anciennes puissances colonisatrices. Ces « intellectuels » noirs étaient sans aucun doute les nègres les plus puissants de leur époque et des hommes d’une intelligence admirable mais d’un enfermement spirituel, d’un amour de soi et de son peuple, dramatiquement inexistant. Dans le mépris de leur identité africaine et de ce complexe d’infériorité devant le très puissant sorcier blanc, certains d’entre eux, dépassés par les ambitions du moments, se sont laissés emporter par les vagues de mépris de l’ancien esclavagiste et affirment sans aucun respect du peuple africain que l’émotion est noire tandis que, la raison ne pourrait être hellène.

Après les vers de Leopold Sedar Senghor sur les émotions irrationnelles du peuple noir, des philosophes africains de divers univers s’indignent et attaquent violemment l’ancien académicien et président sénégalais. Ce  qui est encore regrettable c’est cette horde d’hommes de pensée noirs qui continuent de véhiculer les idées nauséabondes de l’Europe extrémiste. Au delà de cette ligne idéologique qui consiste à chosifier les africains, d’autres facteurs encore plus agressifs et humiliants se frayent des chemins pour continuer à séduire des jeunes leaders africains enfermés dans les labyrinthes de l’ignorance et biberonnés dans la profondeur des pratiques qui, dans leur essence, n’ont pour objectif que de piller des ressources africaines et d’imposer une vision de l’Afrique totalement biaisée.  Dans l’inconscient de certains érudits noirs, l’empreinte de la domination blanche et les séquelles encore présentes de l’envahissement européen dans nos territoires continuent avec force de diriger les actions et les intentions de ceux-ci.

Dans le sillage de la riposte et de l’affirmation de nos identités communes, il est impératif que nos  chercheurs ( anthropologues, philosophes, mathématiciens) se plongent dans le passé de l’Afrique pour restaurer efficacement la dignité du peuple noir. Dans le livre de l’histoire de l’humanité, l’Africain n’existe que dans les pages les plus sombres de celui-ci. L’esclavage, les génocides, la colonisation, les guerres civiles, le sous-développement, le cannibalisme…

Notre combat en tant que pan africaniste c’est de déconstruire cette ligne de conduite des philosophes, des hommes de lettres, des anthropologues, des historiens occidentaux qui, de jour en jour, accentue encore plus son emprise sur les habitudes, les conditions, les pratiques de nos leaders et de nos hommes de pensée. Pour ce faire, le rétablissement du passé africain est primordial.  Dans l’histoire des civilisations humaines, l’implication de l’Afrique est aujourd’hui incontestée. Elle a été présente dès le début de la création des premiers grands ensembles civilisationnels. Les civilisations de l’Égypte antique, la civilisation nubienne, la civilisation de la Grèce Antique,  la civilisation babylonienne.  Avant même l’évidence actuelle de l’implication de l’Afrique dans le passé glorieux des différentes aires géographiques de notre planète, des hommes comme Platon, Hérodote, Pythagore dans leurs écrits ont admis et mentionné l’apport de l’Égypte dès la naissance de la civilisation grecque. D’ailleurs, ils avouent avec clarté et sans aucun filtre avoir été apprentis étudiants dans les grandes universités de l’Égypte pharaonique. Ils ont appris la géométrie, la philosophie, astronomie, la médecine. Cependant, nous pouvons affirmer avec force que ces différentes disciplines ont été inventées et découvertes par les africains.

Le leucoderme, comme disait Obenga, « n’a inventé ». Il a tout reçu des africains. «…lorsque ayant été visiter le Sphinx, son aspect me donna le mot de l’énigme. En voyant cette tête caractérisée nègre dans tous ses traits, je me rappelai ce passage remarquable d’Hérodote, où il dit : Pour moi j’estime que les Colches sont une colonie des Égyptiens parce que, comme eux, ils ont la peau noire et des cheveux crépus, c’est à dire que les anciens Égyptiens étaient de vrais Nègres de l’espèce de tous les naturels d’Afrique (…) Quel sujet de médication (…) de penser que cette race d’hommes noirs, aujourd’hui notre esclave et l’objet de nos mépris est celle-là même à qui nous devons nos arts, nos sciences, jusqu’à l’usage de la parole». Le compte de Volney, après avoir visité l’Égypte a écrit ces mots pour témoigner la grandeur de nos ancêtres et pour rappeler à tous ces négrophobes la vraie histoire  du peuple noir et sa capacité à se surpasser.

 

                  En effet, l’Afrique est à l’origine de tout, le berceau de la civilisation et le lit de l’humanité. Arrivant à un stade très avancé d’intelligence, l’africain, s’inspire de son environnement pour créer, innover et comprendre le mystère de ce qui l’entoure. C’est dans cette quête de la vérité et de cette ambition de transmettre son histoire, que le génie africain s’est affirmé pour donner naissance à l’écriture, aux sciences, aux spiritualités…Des recherches menées avec neutralité et loin de toute sensibilité raciale ont montré et démontré que les kamits (noir en égyptien antique) sont les premiers scientifiques, les premiers navigateurs, les premiers chimistes, les premiers mathématiciens, les premiers religieux de l’histoire. Aujourd’hui, des écrits d’historiens de bonne foi mettent l’accent sur l’apport des noirs dans les plus grands ensembles civilisationnels d’Europe, d’Orient, d’Amérique. Les étrusques, les premiers habitants de l’Italie, les cananéens ( phéniciens), les natoufiens ( les premiers occupants de la Palestine) sont tous noirs. C’est dans ce désir de découvrir d’autres univers que les premiers noirs se sont implantés sur toute la surface de la terre et transportés avec qu’eux les différentes techniques et connaissances forgées au bord de Nil.

 

Ce texte est extrait d’un ouvrage qui s’inscrit dans la dynamique des travaux antérieurs qui s’articule autour d’un mouvement d’idées révisionnistes et révolutionnaires dans lequel la révision du passé africain construit la colonne vertébrale. L’Occident produit chaque année des ouvrages qui retracent faussement l’histoire du peuple noir. Ces productions à vocation historique nient toute participation de l’Afrique dans l’histoire universelle et nous imposent une histoire falsifiée. Cependant, c’est à nous d’aller chercher la vérité, de faire des recherches sérieuses et d’informer notre peuple sur son passé, sur ses réalisations et sur son apport dans l’histoire universelle.                        

KIDE Baba Galle

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