Le sort possible du Président de la République et du Gouvernement: entre Haute Cour de Justice et juridictions ordinaires.

Dés que la commission d’enquête rend son rapport, l’ Assemblée nationale en pléniere va décider de la suite à donner aux conclusions qui y figurent. Si le rapport était en faveur de l’engagement de poursuites contre les autorités concernées par les enquêtes ( en particulier le Président de la République et les membres du Gouvernement), l’ Assemblée nationale décidera alors de la voie à tenir concernant la mise en accusation. Le President de l’ Assemblée nationale saisira le Procureur Géneral en lui transmettant la résolution de mise en accusation. Cette procédure de saisine du Procureur Général prévue par la loi relative à la Haute Cour de Justice est valable également même pour la saisine des juridictions autres que la Haute Cour de Justice ( juridictions dites de droit commun).
Plusieurs questions sont ici posées et méritent d’ étre clarifiées.

  1. La saisine de la Haute Cour : pour qui et pour quels faits ?
    La compétence de la HCJ est celle qui pose le plus de débats et de malheureuses confusions. L’article 93 de la constitution détermine les conditions de fond dans lesquelles elle peut être saisie aussi bien pour le Président de la République que pour les membres du Gouvernment
    A. Pour le Président de la République
    Il est étonnant de lire que la Haute Cour n’ est compétente que pour un Président de la République actuellement en exercice et non pour un ancien Président. Cette erreur qui fait tâche d’huile ne repose sur rien si ce n’ est sur une mauvaise lecture du texte de cet article 93. Ce dernier, faut-il le rappeler, renvoit à la Haute Cour de Justice, tout Président qui aura accompli des actes susceptibles d’ être qualifiés de Haute trahison au moment oû il exerçait ses fonctions présidentielles. Il s’ agit ici d’un cas classique d’ application du droit dans le temps. L’ exemple type est celui du fonctionnaire dont on aura découvert aprés son départ à la retraite qu’il avait accompli certaines infractions liées aux fonctions qu’il exerçait. Il est certain que malgré qu’il soit hors de la fonction publique au moment de son incrimination, le droit qui lui sera appliqué et la juridiction qui serait compétente, sont ceux en vigueur avant son départ à la retraite. Pour le cas du Président de la République, couvert de surcroît, par l’immunité durant l’ exercice de son mandat pour les actes susceptibles d’ être qualifiés de Haute trahison, il ne pourrait être jugé que par la Haute Cour de Justice au titre de cet article 93 de la constitution. L’ exercice du mandat paralyse l’ action de Haute trahison pour diverses raisons juridiques et politiques. La fin du mandat libère cette action et ouvre toute grande la porte de la justice naturelle du Président: celle de la Haute Cour. Mais il s’ agit des actes que le Président a accomplis dans le cadre de ses attributions présidentielles et à l’occasion desquelles il trahit sa fonction présidentielle. A bien voir le libellé et la logique même de l’ article 93 on voit bien que ce ne sont pas TOUS LES ACTES émanant du Président de la République qui constituent des actes de Haute trahison et qui donc sont du domaine de la Haute Cour de Justice. Pour qu’un acte soit qualifié de Haute trahison, il faut qu’il soit rattachable à la fonction présidentielle. Il faut que cet acte puisse être identifié comme fondé sur l’ exercice de la mission du Président de la République et non de l’individu agissant comme n’importe quel autre, dans la sphère privée de ses intérêts particuliers, guidé par ses désirs, ses passions ou ses délires personnels. Bref, un acte de haute trahison est par définition rattachable à la fonction présidentielle justement parce qu’il trahit la mission de protection et de promotion de l’intérêt général qui est son fondement. On peut considérer que les violations sytematiques de la constitution et des lois, l’organisation d’ un dispositif de corruption généralisé qui écarte les régles de procédure, même à supposer que le Président n’en tire pas directement un bénéfice personnel immédiat constituent autant d’ exemples de haute trahison. Sans parler de cas plus classiques comme l’intelligence avec l’ ennemi, l’atteinte à l’ intégrité territoriale ou à l’unité nationale etc. Donc pour les actes de cette nature et à cette échelle (  » Haute » trahison,  » Haute » Cour de Justice), accomplis par un citoyen pendant qu’il était aux affaires, ce ne sont pas les tribunaux ordinaires mais une juridiction d’ exception: la Haute Cour de Justice. On déduit de ce qui précéde que tous autres actes constitutifs d’infractions « ordinaires » commises par le Président durant son mandat, ce seront les juridictions ordinaires qui seront compétentes pour juger. A l’inverse de la premiere categorie d’ actes, ceux qui relevent de la justice ordinaire sont tous ceux qui sont détachables par leur nature même, de la fonction présidentielle. Tous les actes qui entrent dans la définition des crimes et délits ou des contraventions  » de droit commun » sont de cette catégorie dés lors que les circonstances de leur accomplissement ne renvoient pas à la définition des actes de Haute trahison sus visés. Un Président de la République qui ne paye pas ses factures d’ eau et d’ electricité dans son domaine privé est justiciable de la justice ordinaire. De même que s’il commet un crime ou délit sur la personne ou les biens d’ autrui, ou s’il s’ adonne à des trafics divers ( d’influence, de drogue…), à la corruption active ou passive ainsi qu’ à tous actes susceptibles d’ etre commis par un citoyen ordinaire, mû par ses instincts, ses passions, ses calculs ou par toutes autres pulsions de la vulgarité quotidienne.
    Il va de soi qu »une telle distinction juridique entre 2 catégories d’ actes qui peuvent en soi être identique de par leur nature est difficile à établir. Un même fait est susceptible d’ être considéré soit comme un acte de trahison soit comme un crime ordinaire et donc renvoyer à des juridictions distinctes, suivant les circonstances et suivant les critères à la base du choix de l’organe compétent pour incriminer. En l’occurrence, c’ est au Parlement de décider dans sa résolution d’accusation, de qualifier les faits ( de maniére sommaire d’ ailleurs) et d’ en trasferer le libellé au Procureur de la République. La Commission d’instruction ( composée de juges désignés par la Cour Suprême) s’assure de la réalité des faits et donc de leur qualification ( la Commission étant habilitée à rendre une décision de renvoi appréciant si les faits énoncés incriminés ont été suffisamment prouvés dans la résolution de mise en accusation du Parlement.).
    En définitive, c ‘ est au Parlement de choisir sur quel terrain il entend se situer concernant la mise en accusation du Président de la Republique: Haute Cour de Justice ou juridictions ordinaires ou les deux à la fois suivant la nature et la qualification des faits retenus. Quitte à ce que, pour la réalité de ces faits, il revienne à la commission d’Instruction de la Cour Suprême de veiller au grain…
    Voilà pour le Président de la Républque. Qu’ en est- il du Premier Ministre et des Ministres? ( A suivre)

Lô Gourmo Abdoul

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