Le président Abdou Diouf a juste manqué de courage

Suite à la publication par le site ODH-Mauritanie d’un extrait des Mémoires du président Abdou Diouf, je me permets d’apporter des éclaircissements avec la distanciation nécessaire et en toute objectivité.

Je le fais avec ma qualité de partie prenante impliquée : chef du département communication des Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM) au moment des faits. Parmi d’autres acteurs mauritaniens qui avaient trouvé refuge au Sénégal et qui pourraient apporter leurs contributions.

Extrait publié

Le président Abdou Diouf écrit « L’événement majeur de l’année 1989 fut cependant la grave crise entre le Sénégal et la Mauritanie, qui aurait pu déboucher sur l’irréparable. A l’origine, il y eut un incident entre des agriculteurs sénégalais du village frontalier de Djawara, et des bergers mauritaniens. Des sénégalais furent alors arrêtés sur le territoire national, et emprisonnés à Sélibabi en Mauritanie. (…)

Je me rappelle les propos de certaines personnes qui me disaient : « Monsieur le Président, ce que la Mauritanie a fait est inacceptable, et il faut leur déclarer la guerre ».
Je dois avouer avoir eu beaucoup de difficultés avec les Sénégalais de la vallée du fleuve. Certains ressortissants de la vallée, qui étaient d’ailleurs mes amis, m’ont traîné dans la boue au cours de meetings, en disant que si je voulais la paix, c’est tout simplement parce que j’étais lâche (…)

Etant un homme épris de paix, je n’ai jamais cédé à de telles exhortations. Surtout, je sais que quand on commence une guerre, on ne peut jamais dire avec certitude, le moment où on va l’arrêter.

C’est donc fort de cette conviction que, dans cette histoire avec la Mauritanie, j’ai toujours écarté la solution de la guerre, pour miser sur une issue pacifique.

Cette option me semblait la plus bénéfique pour le Sénégal. En effet, après le conflit, lorsque tous les esprits retrouvèrent le calme, nous apprîmes que les Forces armées mauritaniennes étaient beaucoup plus armées que les militaires sénégalais. Saddam Hussein les avait équipées en missiles, et selon leur plan, ils devaient détruire Saint-Louis, et ensuite Dakar, si le Sénégal bougeait. » Soit.

Les incohérences, la vérité

Le président Diouf « homme épris de paix  » a honteusement écrit aussi en page 280 de ses mémoires « … Il faut d’ailleurs dire que la qualité de nos relations, faites de complicité, aida beaucoup à calmer le jeu lors de cet épisode de l’histoire de nos deux pays. S’il n’y avait pas eu à la tête des deux Etats Maaouiya Ould Taya et moi-même, la situation aurait été plus grave ». Le comble ! Quelle honte ! Cette médaille décernée à Maawiya Ould Sid’Ahmed Taya, architecte du génocide en Mauritanie et de mises à mort de sénégalais paisibles installés dans ce pays, est mal venue.

Ceci en dit long sur la posture du président Diouf à l’époque des faits.

Il n’hésite pas par la suite à tirer à boulets rouges sur certains de ses compatriotes qu’il qualifie de va-t-en guerre : Dr Hamath Ba et Aly Bocar Kane «Tous les deux, gagnés par la passion qui avait pris le dessus sur la raison, m’ont vraiment accablé. Ils n’étaient pas les seuls va-t-en guerre dans ce contexte de crise. On en comptait un grand nombre » écrit-il en page 283.

Calculateur, il s’abstient tout de même de citer les autres membres du comité de suivi et les autorités religieuses qui soutenaient ce comité.

Page 284, il écrit sans gêne « En effet, après le conflit, lorsque tous les esprits recouvrèrent leur calme, nous apprîmes que les forces armées mauritaniennes étaient en réalité bien mieux armées que les militaires sénégalais. J’ai eu la confirmation du soutien de l’Irak grâce à mon ambassadeur à Paris, Massamba Sarré, qui lui-même a eu l’information de l’ambassadeur d’Irak à Paris.
Ce dernier, lors d’une rencontre dans la capitale française, après s’être désolé de la situation entre les deux pays frères, lui avait affirmé qu’au cas où il y aurait une guerre entre le Sénégal et la Mauritanie, l’Irak serait du côté de la Mauritanie.
La raison en était que ce pays faisait partie de la nation arabe. Il s’agit d’un soutien fondé non pas sur la religion, mais plutôt sur l’idéologie du Parti Baas, à savoir le nationalisme arabe ». Simplement incroyable.

Un aveu étonnamment tardif dans la mesure où ce soutien militaire et multiforme de l’Irak à la Mauritanie se savait de tous et bien avant 1989, année du « conflit » entre les deux pays et de déportations de dizaines de milliers de noirs mauritaniens au Sénégal.

La réalité est qu’il voulait rester au pouvoir, un pouvoir qui lui échappait. Très impopulaire, « pris à la gorge » par les conséquences des ajustements structurels du Fond Monétaire International, contesté par une opposition très populaire, ébranlé par le soutien qui serait apporté par la Mauritanie aux séparatistes en Casamance, il tente de maquiller ce que certains de ses compatriotes qualifient de « capitulation » en mettant en avant des accusations portées contre certains de ses compatriotes décédés, originaires de la Vallée du fleuve.

Il n’avait pas besoin de vagues. Il ne voulait ouvrir sous aucun prétexte d’autres fronts surtout pas contre le régime militaire de Nouakchott dont les forces armées « s’apprêtaient à détruire Saint-Louis et ensuite Dakar » selon lui dans ses Mémoires, page 284. Pour rester au pouvoir, tout doit être lisse. Ainsi furent sacrifiés les exilés de force et les déportés mauritaniens.

Ciré Ba – Paris, le 09/09/2021

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