L’arrestation de Tène Yousouf Guèye/ Par Birome Guèye

C’était au début de mois de septembre 1986, le 04 je crois, vers 13 heures 30 un officier de police à bord d’une Renault 5 gare devant la maison. Je suis en conversation avec un voisin sierra léonais, sous l’arbre situé devant la maison; nous parlons de tout et de rien quand le policier m’apostrophe : « jeune homme est-ce que ton papa est descendu ? ». Je lui réponds le plus naturellement que mon père n’est pas et qu’il doit sûrement être encore à son bureau. Le policier rétorque qu’il vient du bureau et que mon père n’y est pas. A peine qu’il finit sa phrase que la 504 bleue de mon père surgit de l’angle et fonce droit vers nous. Le policier descend et se dirige vers la 504. Je continue alors la discussion avec mon ami ne pouvant imaginer ce qui se tramait. Mon père nous salue et entre dans la maison avec le policier alors que le deuxième qui faisait office de chauffeur attend. Au bout de quelques minutes mon père sort de la maison en compagnie de l’officier de police. Ma maman sort aussitôt également l’air hagard alors que mon père est invité à entrer dans la voiture de police. Je l’entends encore dire de sa voix forte : « je préfère prendre ma voiture et je vous suis ». Le policier répond gentiment qu’il est désolé mais que mon père doit monter dans la Renault 5. Mon père demande tout de même à son chauffeur des les suivre. L’inquiétude qui se lit sur le visage de ma mère m’interpelle et je commence aussi à paniquer. Je demande alors à ma maman ce qui se passe. Elle répond alors : « ces gens là on demandé à ton père de les suivre à la sûreté, c’est inquiétant ». Ce même officier de policier, j’allais le revoir 20 jours plus tard alors que je devais embarquer pour étudier en Tunisie en compagnie de mon ami Me Cheikh Sall. Ce policier est non seulement le beau frère de Me Sall mais également son futur beau père. A sa vue, je me remémore de la scène de l’arrestation de mon père et je lui en veux. Plus tard, je me suis dit que c’était un simple exécutant, un policier à qui on avait intimé un ordre.


A mesure que le départ de mon père pour une destination qui nous était inconnu s’éloigne, des rumeurs d’arrestations de plusieurs cadres négro-africains s’amplifient. C’est alors qu’à la maison, où c’est la désolation, on finit pas admettre que notre papa de va pas rentrer de la journée et que désormais il est arrêté en compagnie d’autres dont le beau frère Sarr Ibrahima. Mais l’espoir de la voir libre est là. Les heures, puis les jours passent et rien. S’en suit alors un procès rocambolesque au bout duquel mon père est condamné à 5 ans de prison. Devant aller le lendemain du verdict pour Tunis, ma mère ne préférait pas que j’y assiste et m’avait également interdit de me mêler aux manifestants qui réclamaient la libération des détenus.


Je me rappelle encore Hamidou Ngaindé me réconfortant après que RFI passa la nouvelle du verdict à midi et demi temps universel, dans son salon à El Menzah 5 de Tunis ; le lendemain de notre arrivée dans la capitale tunisienne. « Du courage, sois brave comme ton père. Il faut accepter le destin ». Ainsi étudiant à Tunis, je n’ai pas eu la chance de revoir mon père encore qu’il était à Nouakchott et que des visites étaient permises. Lorsque j’ai appris son transfert en compagnie des autres condamnés vers Walata, j’ai dit à mes amis Aminata Bâ et Abdoul Bâ, que c’était fini pour mon père. Compte tenu de son âge et de son état de santé je leur ai affirmé qu’il était condamné à une mort certaine.


Et c’est encore en septembre 1988, le 04, que l’on convoque mon frère ainé pour lui signifier que notre père est décédé. En fait il est mort deux jours avant et l’administration semblait hésitante à donner la nouvelle.
Ainsi, c’est le jour où mon père se faisait arrêter par le beau frère de mon ami, que je le voyais pour une dernière fois.
A dieu papa.

Birome Guèye

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