« la deconstruction de l’appareil idéologique et repressive du regime militaire mauritanien »

Il est du rôle des intellectuels de prendre la plume, quand l’Etat, qui devait être le moteur de contrôle, la tête qui fait fonctionner un pays, pour garantir la paix, la sécurité, l’ordre, et la cohésion sociale, où chaque individu au-delà de son appartenance ethnique, communautaire, jouit  de ses droits les plus fondamentaux, en tant que citoyen à part entière,  se transforme en un monstrueux système de répression et de torture, dirigé par des chauvins et quelques nationalistes bornés, capables du pire, pour rester au pouvoir, prenant en otage les institutions étatiques pour leur propre intérêt, au détriment du peuple.

La Mauritanie, par cette crise post-électorale, est en train de connaitre la phase ultime des injustices et des inégalités criantes, où le malaise social  grossit de jour en jour, atteignant ainsi le paroxysme !.

Le processus du changement enclenché par le peuple à travers ces élections est inéluctable. La souffrance, la douleur, l’amertume du peuple, sont si palpables, que le grognement dans la rue sonne l’alerte d’un soulèvement populaire qui risquerait de plonger le pays dans le chaos.

Face à cette situation, dans un climat politique extrêmement tendu, l’Etat fait usage de l’ensemble des moyens qui relèvent des stratégies d’accaparement et du maintien au pouvoir le plus longtemps possible, en faisant du bourreau la victime et la victime un bourreau, noyant ainsi le poisson dans l’eau. Cette stratégie tourne autour de deux mécanismes répressifs : l’appareil idéologique d’Etat et l’appareil répressif d’Etat.

A partir de ces deux instruments, dont usent tous les Etats autoritaires qui maintiennent leurs peuples dans la peur et la phobie du chaos, nous allons analyser les manœuvres diaboliques du régime en place, en déconstruisant d’abord ses discours qui consistent à manipuler les masses, et l’opinion internationale. Une vieille recette connue du régime militaire mauritanien.

Par l’appareil idéologique d’Etat, la gente militaire, pour masquer ses manœuvres diaboliques, instrumentalise les révoltes légitimes du peuple, en sortant la méthode classique des fausses accusations.

L’Etat, au lieu d’écouter, d’entendre, de tendre l’oreille aux cris du peuple, au lieu de regarder, d’être sensible aux larmes du peuple qui souffre en martyr, en raison d’un mode de gestion catastrophique des biens du pays à travers la corruption, le vol des deniers publics, des détournements des fonds publics, la gabegie, le clientélisme, le favoritisme, et  la politique discriminatoire et répressive à l’endroit de la population noire, fait plutôt usage de méthodes cyniques en politique pour détourner l’attention de ses responsabilités, rejetant ainsi la faute sur les mouvements contestataires, et ceux qui luttent pour les droits humains, les taxant de mouvements terroristes, extrémistes, qui ont pour mission de déstabiliser le pays.

Le pouvoir en place dissimule la souffrance et le malaise du peuple, en masquant la réalité, faisant croire à l’unité, à l’union et à la cohésion sociale, exerçant la rhétorique du culte de la nation et du patriotisme. S’érigeant comme le gardien du temple pour veiller à l’intégrité du pays, à la protection des populations contre d’éventuels menaces terroristes, brandissant ainsi le bouclier de la sécurité, comme s’il était le héros indispensable à la sécurité du pays. Se mouvant dans cette simulation patriotique, le système occulte la réalité du pays, prenant en otage les hauts fonctionnaires et les opportunistes véreux, pour défendre l’idéal patriotique à travers des discours élogieux à l’endroit des « patrons » de la maison, allant dans le sens de les légitimer comme des hommes indispensables au bon fonctionnement des institutions étatiques.

Derrière ce simulacre, cette grande farce, se voile un gros mensonge d’état, qui paralyse les institutions étatiques et les différents secteurs économiques du pays.

Il est inutile de remonter aux différentes affaires litigieuses de corruption, de détournement des deniers publics, qui émaillent le système, appauvrissant le pays, car le régime actuel  regorge de tragédies financières vertigineuses. Tout au long de ce régime nous avons sans cesse entendu des révélations fracassantes de la part de journalistes professionnels et d’experts financiers sur le détournement de fonds à coup de milliards d’ouguiyas de la part des barons du système qui s’enrichissent vertigineusement, pillant les ressources et les biens du pays, tandis que les 2/3 de la population croupissent dans la misère.

Toutes les personnes de bonne foi, qui pointent du doigt ces crimes financiers, sont vues comme des perturbateurs, qui cherchent à déstabiliser le pays et à menacer son intégrité. Pour étouffer les dénonciations le régime n’hésite pas à utiliser des méthodes illégales pour intimider les vrais patriotes, ou les mettre en prison.

Au-delà des crimes économiques, la Mauritanie pèche dangereusement au niveau du respect des droits humains et des libertés fondamentales dont doivent jouir les communautés vivant dans le pays. Les populations noires du pays subissent une politique de discrimination et inégalitaire depuis les années 60. En dehors de quelques nominations des fonctionnaires de l’Etat issus de la communauté noire dont la plupart ne sont là que pour colorer le système, beydanisés à 90% et utilisés comme des nègres de service qu’on délègue pour les sales besognes, notamment le démenti des accusations de discrimination et du racisme au sein du pouvoir de leurs frères et sœurs qui militent pour la justice et l’égalité entre tous les Mauritaniens. Cependant il est important de mentionner qu’il y a des citoyens honnêtes qui travaillent pour l’intérêt de la Nation en apportant leur savoir-faire et leurs compétences, même si pour bénéficier des promotions et des avantages du système, ils sont obligés quelque part de collaborer avec le régime en place.

Ces militants dont beaucoup vivent en Europe sont très actifs sur les réseaux sociaux et travaillent intensément dans le sens d’accuser le système d’avoir orchestré des crimes dans le passé, de perpétuer les injustices et de creuser les inégalités entre les différentes couches sociales du pays.

Pour noyer le poisson, le gouvernement cherche coute que coute, vaille que vaille à prouver aux yeux du monde entier, que ces militants hyper actifs sur la toile, sont des extrémistes noirs et des terroristes qui cherchent à nuire au pays. Faisant fi des injustices et des inégalités dans le pays, occultant la réalité du pays, masquant la corruption et les milliards détournés des caisses de l’Etat et placés à l’étranger, le pouvoir veut nous faire avaler la pilule, en faisant croire que tout va bien dans le pays, que toutes les couches sociales sont bien intégrées.

La sanction du système par le peuple lors de ces élections présidentielles montre un ras le bol général de toutes les couches sociales rejetées et appauvries, et aussi de la plupart des citoyens du pays qui souffrent des conditions extrêmement difficiles dans lesquelles ils vivent. Tandis qu’une petite portion de la population s’enrichit dans l’extravagance la plus vulgaire, en bénéficiant des largesses du système faites de pot de vins et de corruptions, la majorité de la population vit étouffée.

Malgré cette mainmise du pouvoir, du pays, du peuple tenu à la gorge, le travail des militants et de quelques partis d’opposition est en train de faire trembler les murs du système qui commence à s’effriter.

Aujourd’hui, que le système perdure ou pas, que le pouvoir change ou pas, les choses ne seront plus comme avant. Le système et le pouvoir en place ont un grand intérêt à écouter le mécontentement du peuple, à opérer un changement significatif, à mettre en place de vraies politiques d’aide et d’assistance sociale aux plus démunis, pour éviter le chaos, qui risque de provoquer les soulèvements populaires et massifs du peuple.

Au lieu d’attiser le feu en soufflant sur les braises, en instrumentalisant le mécontentement du peuple comme étant l’œuvre des extrémistes noirs qui chercheraient à se débarrasser des Maures du pays, le gouvernement devrait plutôt ouvrir des voies de dialogues avec tous les partis d’opposition, afin de trouver une porte de sortie à cette crise post-électorale plutôt que de générer un hold-up électoral.

Ce à quoi joue le pouvoir est extrêmement dangereux et diabolique. De par les rumeurs qu’il fait courir visant la communauté maure, en dénonçant les mouvements de lutte comme des groupes ethnicistes, on a l’impression qu’il cherche à engendrer la haine entre les deux communautés, ce qui peut provoquer des affrontements interethniques dangereux.

Le pouvoir sait bien que les militants, de surcroît noirs, loin d’être des extrémistes, ne réclament rien d’autre que la justice pour tous, l’égalité entre les différentes couches sociales du pays, une gouvernance juste, l’arrêt des discriminations politiques et de l’exclusion d’une grande partie de la population du sud dans la gestion des affaires de la cité.

Il est encore temps de reconnaître les injustices et les inégalités qui sévissent dans le pays, pour y faire face, et les réparer. Il ne sert à rien de vouloir monter les groupes les uns contre les autres, comme si par ce comportement l’élite au pouvoir cherchait d’avantage à enfoncer le couteau dans la plaie, en maintenant le statu quo, continuant ainsi l’œuvre des chauvins et nationalistes panarabes qui ignorent l’autre frange de la population.

Les hommes forts du gouvernement et les partis d’opposition ont intérêt à trouver  une solution consensuelle à la crise qui secoue le pays, en commençant d’abord par reconnaître les disparités et les injustices qui sévissent dans le pays dont les noirs sont les plus grandes victimes.

Dia Abdoulaye

Doctorant en anthropologie des connaissances appliqué á l’epistemologie de la Recherche

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