La communauté Peule en Question !

Un de nos éminents professeurs, Sow Abdoulaye dit Sow Samba, dans son cours de philosophie générale déclamait avec toute l’éloquence qu’on lui connait, cette citation : « les intellectuels ressemblent à  des lampes torches qui nous éclairent des ténèbres de la nuit, à eux seuls ils ne peuvent rien faire mais ils peuvent annoncer les dangers ».  En d’autres termes, pour prémunir des dangers, les intellectuels doivent jouer leur rôle d’éclaireurs et d’alerteurs des dangers. En cela, les intellectuels africains ont cette lourde tache de se pencher sur les réalités politico-économico-religieux, de cohabitations inter-ethniques, en vue d’éclairer ces différentes réalités pour  que des solutions soient trouvées,  pour assurer  la paix et la sécurité dans les zones poudrières  du continent.  C’est dans ce cadre que, m’inscrivant dans cette démarche d’apprenti intellectuel, j’ai jugé nécessaire de par cette modeste et petite contribution, faire part de mes réflexions sur la question Peule. Quid de leur devenir sur le continent africain.

Nomade et pasteur depuis les  antiquités africaines, le peul suit  la vache qui l’amènera à séjourner  dans plusieurs endroits dans le continent  africain ; du Nord à l’Est jusqu’au centre de l’Afrique à travers ses différents pays : Nigeria, Guinée, Sénégal, Cameroun, Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad, Centrafrique, Côte d’Ivoire, Mauritanie, Gambie et Guinée-Bissau. Ce qui explique son établissement et son identification dans plusieurs coins du continent précédemment cité. Gardant avec lui ses mythes, ses traditions, ses mœurs et sa culture, il vit toujours à la lumière du mode de vie de ses ancêtres : la pratique de l’élevage et de la transhumance. Parlant une langue commune diversifiée en différentes dialectes, l’ethnie  peule constitue  un des peuples dont la langue est la plus parlée en Afrique.

Les peuls connurent de grands mouvements historiques à travers différentes conquêtes dans les lieux où ils vécurent, par des vagues d’immigrations successives. Plusieurs chercheurs évoquent leur présence en Egypte antique, à l’instar de Cheikh Anta Diop, Aboubacry Moussa Lam, ect. De sources sures, on sait qu’ils bâtirent le royaume Tekruri, avant de conquérir des territoires à travers différents empires. Ainsi, après l’empire du Ghana des soninkés, nous connaitrons l’empire peul du Macina, celui du Fuuta tooro faite de différentes conquêtes : celle dynyankoobe puis celle de l’almamyat. Ils furent parmi ceux qui implantèrent l’islam dès ses premières heures d’expansion.

De leur singularité à travers leur trait physique, on les prête plusieurs origines qui sont aujourd’hui, une des problématiques majeure de leur cohabitation avec leurs autres frères de la population noire. La singularité de leur trait physique,  est vue par une frange de la communauté noire, comme des gens venu d’ailleurs.) En effet les problèmes  auxquels sont confrontés les peuls dans leur être et existence au milieu des autres communautés africaines sont liés  aux délirantes études anthropo-historiques, dont  les plus fallacieuses sont celles qui les relient à une soit disante race  hamitique (Leipsis) qui descend du nord du continent. Ces thèses confortent l’idée que les peuls sont une race d’individus distincts de la race noire, en ce sens qu’ils sont de descendance juive et arabe. Certains peuls pour affirmer leur singularité vont s’enorgueillir en manifestant leur  descendance du peuple arabo-juif. En Mauritanie par exemple, on connaitra un mouvement identitaire qui pour manifester sa visibilité sur le champ politique dominé par les arabo berbères, s’emploiera à mettre en avant une proximité avec  ces derniers. Cette prétendue proximité ne fera pas tache d’huile, puis qu’elle sera battu en brèche par l’intelligentsia negro africaine, attaché à sa négro-africanité.

Et malheureusement ces thèses fallacieuses et complétement délirantes sont en train d’éveiller une haine viscéralement dangereuse des communautés négro-africaine contre des peuls ; chose complètement paradoxal avec leur situation en Mauritanie où, nonobstant de la discrimination faite au nom d’un nationalisme arabe,  ils se voient  réduit à leur identité négro-africaine.

Depuis des lustres, les hommes ce sont toujours battus pour des causes idéologiques et raciales. Ça commence toujours ainsi : « Nous, la race la plus intelligente, nous devons régner sur le monde » en justifiant cela par une soi-disante  supériorité divine (l’européocentrisme, et La phobie Hitlérienne de la pureté de la race  aryenne sur les autres races, en est une parfaite illustration.

Si l’Europe à un moment de son histoire a pu trouver un équilibre dans les mouvements idéologiques  en faisant fi des théories suprématistes et racistes, véhiculées par la philosophie des lumières et de la révolution françaises de 1789,   le monde n’est pas  à l’abri de ces thèses dangereuses qui peuvent être à l’origine de l’extinction de l’homme sur terre. Car si on a frôlé les  fléaux les plus dangereux qui auraient pu menacer sérieusement l’existence de l’homme sur la terre, néanmoins à heure du nucléaire et de la proliférations des armes, on ne frôlera pas cette fois ci le chaos, on mettra tout simplement la survie de l’espèce en danger, si ce n’est déjà pas le cas.

Contrairement en Europe, l’Afrique est en proie à des guerres  non pas idéologiques, car  n’étant pas éminemment politique,  mais plutôt relavant de considérations  étnicistes. Nous sommes en face des haines engendrées par une cohabitation difficile, amalgamée et instrumentalisée par certains chauvins et nationalistes bornés. Les premiers à instrumentaliser les ethnies africaines entre eux furent les colons, les léguant un territoire balkanisé et un système politique qui n’est pas la leur, et auquel ils n’étaient pas forcement près à intérioriser au sein de leur société traditionnelle basée sur la royauté et  le système des lignages et des catégories socioprofessionnelles. Par la suite les fils africains qui reprendront le flambeau  furent tout simplement des marionnettes des pouvoirs occidentaux, surtout les colonies françaises d’Afrique.

La question peule est  intimement liée à leur origine,  eu égard aux frustrations et discriminations socio-politique sur une grande partie du continent.  Certains individus de communautés différentes nourrissent une  haine viscérale à leur égard,   tout en surfant sur  des thèses hamitiques,  tendant à les assimiler à  des arabes   ou encore à des juifs.  Ces conflits en général sont nourris par des raisons de transhumance et de  pratiques agraires. Car ils subissent également l’extension continue des terres agricoles, qui limite progressivement leurs espaces de pâture et de transhumance. En outre, la priorité donnée à l’élevage intensif marginalise les nomades. Laissés pour compte par des politiques de développement, évoluant parfois dans des pays dont ils ne possèdent pas la nationalité, les bergers peuls éprouvent le sentiment de vivre en milieu hostile.

De tout temps, partout en Afrique, des conflits ont opposé les cultivateurs aux éleveurs pratiquant le nomadisme ou la transhumance. Les bergers peuls ont souvent été les protagonistes « de disputes dues aux dégâts dans les champs, à l’accès aux points d’eau et au passage des troupeaux », comme le rappelle l’anthropologue Sten Hagberg : «  Ils sont le plus souvent la cible des attaques des cultivateurs issus des communautés sédentaires. Les conflits de ce genre sont fréquents. » Aujourd’hui avec la sècheresse, la raréfaction des pluies diluviennes, l’augmentation de la pauvreté et de la misère intensifient les conflits. Dans cette atmosphère les préjugés et stéréotypes entre communautés deviennent monnaie courante et chaque communauté cherchera à diaboliser l’autre pour essayer de la déstabiliser. Leur histoire avec l’islam favorise des thèses complotistes. Ainsi dans la boucle du Niger, ils sont pointés du doigt comme des étrangers qui déstabilisent la zone, occupant injustement des terres. La présence de leur bétail constitue une menace pour les sédentaires agriculteurs qui les accusent souvent de faire paitre leurs troupeaux dans leurs champs.

C’est ce type de conflits que nous avons aujourd’hui au Mali, où depuis quelques jours, la communauté peule est victime d’attaque ethniciste. La dangerosité de la nature des crimes fait peur, car il n’y a pas plus dangereux que de justifier des crimes par des faits qui relèvent de l’amalgame. Diaboliser en pointant du doigt toute une communauté comme étant sources de problèmes peut provoquer des affrontements inter-ethniques extrêmement dangereux, et sans précédent. Aujourd’hui les peuls sont accusés de faire l’apologie du terrorisme, sans aucune distinction. Cette instrumentalisation fait beaucoup de victimes d’innocents, composés essentiellement de femmes et d’enfants, ou encore, sur de pauvres bergers dont on extermine le bétail, sans aucune forme de procès.  Un amalgame dangereux à battre en brèche, car l’embrigadement de quelques pasteurs peuls dans les mouvements terroristes, trouve sa source dans le malaise social ressenti chez ces derniers. Se considérant victimes des politiques de discriminations, et  d’expropriation de leur terre en faveur d’autres communautés tel que les dogons, certains Peuls éprouvent beaucoup de ressentiments, qui à se venger. Néanmoins, cette situation ne devait justifier en aucun cas le ralliement au mouvement terroriste. Vouloir  comprendre le malaise qui conduit ces bergers à s’embrigader dans les mouvements terroristes, ne signifie pas encourager le terrorisme.

Evitons les amalgames entre revendications Peul et mouvements djihadistes. Les peuls sont victimes de leur errance derriere la vache qui les essaimera  dans toute la boucle du Niger ou ils sont confrontés au racketage des bandits de grand chemin, au vol de bétails qui les appauvrit et affaiblit davantage. Il est temps que les politiques de la sous-région, les éminences grises, les institutions internationales pour la paix et la sécurité, la structure internationale du pulaaku, se penchent sérieusement sur la question peule afin  de trouver une issue favorable à leur calvaire séculaire. Dans un monde en pleine mutation, dans une mondialisation accélérée, les ethnies mal préparées à ces phénomènes à l’image des pasteurs Peuls souffrent de plusieurs maux. Une solution pérenne doit être trouvée, pour le grand confort de toutes les communautés concernées. N’est-ce pas, c’est en voulant étouffer les problèmes dans la boite que pandore risque de trouver une issue pour insuffler le mal dans l’univers….

DIA ABDOULAYE

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