Ghazouani : la queue de comète d’un système politique ou le « nouvel homme fort ».

Le chef de l’État Mohamed Ould Ghazouani, ancien général de l’armée mauritanienne, reconverti en homme d’État, a pris les rênes du pouvoir le 1er août 2019. Nous sommes, aujourd’hui, le 14 juillet, une date qui marque chez l’ancien colonisateur, la France, une journée symbolique appelée notamment La fête nationale française. Quant à notre pays, rattaché par les faits historiques et l’éducation de qualité des enfants de l’élite dans les écoles françaises, nous avons aussi notre fête nationale célébrée le 28 novembre. Cette date marque l’indépendance de la République Islamique de Mauritanie. De cette émancipation jusqu’en 1978, un président, à la base, avocat-stagiaire du nom de Mokhtar Daddah a dirigé d’une main de fer le pays. Il a installé les bases, assez discrètement, de toutes les inégalités qui sévissent dans ce pays multiculturel. Un lieu qui, dit-on, aurait pu être la « Suisse de l’Afrique de l’Ouest ». Par conséquent, l’avènement des militaires au pouvoir fera une entorse aux réflexes démocratiques à travers la confiscation du pouvoir ; encore pérenne.

Dans cette logique de domination et de confrontation d’idéologies, la Mauritanie, sous l’ère de la gestion du pouvoir « central » par l’armée, la force publique sensée être républicaine, nous assistâmes à des pogroms jamais connu dans l’histoire politique : les tragiques « événements » de 1989 à 1991. Quelques règlements de compte au sein de l’armée avaient fait rage ; auparavant. Là, il s’agit d’une période où de paisibles citoyens ont connu la « damnation » sous le régime de Taya. L’État d’exception. Le 28 novembre 1990, 28 soldats noirs, majoritairement peuls ont été exécutés après qu’une partie soit excommuniée.

Depuis cette date, une grande majorité de la population ne se reconnait plus dans ladite fête d’indépendance devenue un jour de deuil. Il ne s’agit, par-là, nullement de tenir pour responsable l’actuel gouvernement. Mais, il serait judicieux pour le chef d’État de se démarquer de cela, ne serait-ce qu’une fois au cours de ce mandat. Par un acte symbolique. C’est peut-être trop demander de créer une commission, à l’exemple de celle de l’enquête parlementaire sur la décennie de son ancien « ami et camarade » Abdel Aziz sous mandat judiciaire ; mais cette fois de vérité, justice et réconciliation (mot que réfute le président – car il ne s’agit pas de guerre civile) en prélude des devoirs de réparation et de mémoires.

N’oublions pas que la mémoire consolide le devenir de toute Nation par une histoire partagée, par « la sève élaborée ». Sans poser cet acte fort, c’est encore le dédain envers les Mauritaniens, les justes. Celles et ceux qui se sentent touché(e)s et/ou ont subi voire compatissent ces épreuves. Chaque « arriviste » au pouvoir, hormis Feu Sidi Ould Cheikh Abdallah, esquive cette problématique cruciale. Cette même Mauritanie regorge encore les vestiges de l’esclavage, de la féodalité (stratification sociale), de l’exclusion, de la stigmatisation et du patriarcat : tueur silencieux. En bref, un système politique inique qui réprime sévèrement. Un État qui n’a pas encore réparé des séquelles et fait face à ses propres contradictions ; qui oublie que l’on ne peut museler la pensée humaniste. Ne parlons pas d’assistance à la petite enfance et aux personnes à mobilités réduites ; vulgairement appelées « handicapées ».

En deux années de mandats, il n’est interdit à aucune personne soucieuse de son pays, activiste, politique ou membre de la société civile, de poser un diagnostic sincère. En conséquence, cela mènera surement à quelques légers changements et tournures. Arrivera la covid-19 qui n’a peut-être pas facilité le mandat présidentiel. On se demande si à l’absence de ce virus dans un contexte de délabrement sanitaire, on aurait vu un changement dans la fabrique sociale. Rien ne montre cela. Aucun catalyseur pour le progrès. Hélas ! La covid-19 n’a pas épargné la Mauritanie. Il faut des années pour former des médecins, infirmiers et professionnels de santé capables de faire face. Le pays a quelques bons médecins mais le système sanitaire et de soins ne font le poids face à l’extrêmement petit qu’est le coronavirus. L’État va-t-il reconnaitre avoir manqué de ressources humaines et de professionnalisme ? Absolument pas ! Qu’à cela ne tienne, le pouvoir dira que « tout est sous contrôle ». Le populisme en pompe ! Cependant, la gestion de la covid-19 a recelé beaucoup de failles. Des villes entières ont été des foyers pandémiques. Des remaniements courants au sein du ministère de la Santé. Les populations ont- elles été rassurées ? Non. Vraisemblablement pas. Le ou la citoyen.ne « lambda » ne s’est-il/elle pas remis(e) à Dieu désespérément en se voyant dépourvu(e) d’une quelconque assistance étatique ? La ploutocratie est un mal à jamais ; principalement en Mauritanie avec des personnes qui ont « gouté » à tous les râteliers étatiques. La sécurité tant chantée à l’international n’est pas totalement acquise dans le pays.  En parallèle, la covid-19 a montré la fragilité de notre pays à toutes et à tous. De cette fragilité, qui sévit, on voit à coté celle de nos rues ; le phénomène des villes grandissantes montre le danger imminent. Le danger d’une conceptualisation politique qui montre qu’à côté du favoritisme pour les groupes « hassanophones », les jeunes dans les ghettos s’adonnent à des pratiques barbares pour eux-mêmes et pour cette « quiétude » tant recherchée dans nos villes. Quelles solutions idoines ? Est-ce les patrouilles nocturnes ? A quand ? Lorsque nous aurons un autre « variant » de la criminalité. Plutôt un autre variant de la covid-19. L’État s’affaisse face au « religieux ». Cette dernière partie intégrante de notre substance. Le pays est sans doute fragile face au virus. Pendant que l’État interdisait les voyages, un « chef religieux », cousin ou potentiel électeur voyageait avec une escorte de la capitale vers les autres villes « à l’intérieur du pays ». Chaque mauritanien.ne en son for intérieur se demande d’où vient l’argent de ses centaines de voitures dernier cris.  Le grugeur de la République, notre Bernard Madoff, est toujours libre après l’arnaque du siècle ; du moins au cœur la République islamique de Mauritanie. Mais la menace est dressée contre les internautes mauritaniens dans le globe qui veulent un lendemain meilleur.

Concernant l’éducation, le prédécesseur ou ancien « locataire du palais », Abdel Aziz a transformé des écoles en boutiques sans alternatives. Ces mêmes écoles qui ne peuvent accueillir des milliers d’enfants par soucis de pièces d’État civil – des enfants dont les parents ont été victimes de véhéments circonstances de 89 à 91. L’actuel pouvoir public prétend éliminer les maux ou y travailler. Des maux que les tenants des pouvoirs publics ne peuvent sentir car leurs progénitures ne sont pas « concernées ». Il faut une école républicaine qui prend en compte les couleurs de la Nation à construire, et la devise : honneur, fraternité et justice (sociale). Ne faut-il pas de l’équité et de la qualité dans l’enseignement et la formation ? Une formation qui ne doit nullement se plomber dans « l’arabité » outrancière. Une formation qui prend en compte les exigences du siècle. Une formation professionnelle et/ ou académique avec des bourses sur critères sociaux et d’excellence.

En ce qui concerne l’Économie du pays, elle est toujours entre les mains de quelques-uns qui prennent le pays, à l’image de certains politiques, comme une « structure boutique ». Des marchés de gré à gré, contrairement à un marché organisé, de la fabrication de nouveaux riches avec contrepartie financière à cette nouvelle politique d’investissement, on oublie que l’État devrait être le premier acteur pour développement, pour la création des biens et services. Le ou la citoyen.ne mauritanien.ne de condition d’existante modeste est encore oubliée. Les prix des denrées alimentaires flambent. Personne ne demande aux dirigeants de faire des miracles ou de rendre la Mauritanie comme la Suisse, mais de créer des conditions optimales en palliant le mal développement, la mal gouvernance : pour le bien-vivre des populations en consolidant le vivre ensemble.

 Les nominations, à des postes clés de l’administration publique, montrent de nouvelles têtes, compétentes parfois, sans idéologie ou projet pour le pays. Certains essaient de faire leur tâche ministérielle dans un « océan » de déboires. La condition sine qua none pour le changement et le progrès est de se débarrasser de ce qu’un militant des droits humains et politique appelle « la Vielle Quincaillerie ». Celle-là, atrophie toute idée de développement participatif et national. Il y a un ensemble d’éléments à répertorier pour faire tabula rasa en changeant l’ossature politico-juridique défaillante. L’armée censée protéger les populations est plus protégée financièrement, mieux lotie et équipée que les structures civiles. Elle tend à être monocolore au sommet, pire que le gouvernement. Alors même que ce n’est pour perpétuer l’État-gendarme quelle finalité ? Les populations connaissent des années en disette, et nous voyons des généraux milliardaires issus d’un seul groupe ethnique à la tête d’un système politique. On oublie ou ignore que c’est aux civils que revient la gestion du pouvoir publique et non aux forces de l’ordre. Il faudra que les militaires rejoignent les camps, qui « mielleusement » prolifèrent en plein centre-ville, Nouakchott ; pour l’avènement d’un État-providence. Un État, digne de ce nom, devra intervenir constamment dans les domaines social et économique en vue d’assurer des prestations aux populations. C’est de cela que l’on a besoin pour notre pays ; notre partie du tiers-monde. Quand les besoins primaires et secondaires des populations, à savoir se nourrir, se loger et s’éduquer, seront assurés, nous pourrons penser à un accroissement monétaire où le pouvoir publique n’interviendra pas activement. Avec une forte croissance dans des secteurs clés, on pourra alors chercher d’autres moyens d’amortissements financiers.

La Justice est arabisée. L’individu qui ne parle pas arabe (ou Hassanya) se voit retirer une réponse claire quand il entame une démarche juridique.

De même, on note toujours la macrocéphalie « nouakchottoise » qui consiste à tout gérer dans la capitale. La décentralisation est toujours un mot vain. Son emploi ne reflète aucunement la réalité. Et si on laissait aux villes la responsabilité politique de trouver un nouveau modèle économique propice à leur croissance et une gestion administrative adéquate à la région ou au département avec de véritables structures d’apprentissage. 

Après, le départ de Mohamed Abdel Aziz, le disruptif, la Mauritanie accueille Ghazouani : peu bavard et en quête d’un idéal jusque-là inconnu des Mauritaniens. Le « fabuleux » discours de Rosso, orienté sur le triptyque agriculture, sécurité et cybersécurité, voulait étaler le profil d’un « nouvel homme fort ». Cela sert-il à quelque chose nonobstant le ton tonitruant ? Nous savons, d’ailleurs, que Rosso est un espace géographique, à l’exemple d’autres zones agro-pastorales, qui peut aider la Mauritanie à s’auto-suffire. L’urgence serait de rendre ses terres arables en véritable pôle agricole. Il faudra encore l’expression magique pour cela : la volonté politique. Peut-on parler de volonté politique quand toute une partie de l’administration déserte pour accueillir un président ?

C’est de la folie, disait l’illustre savant Albert Einstein, de faire toujours la même chose [que les autres présidents], et s’attendre à un changement. On verra encore à des chroniques : « Le président est choqué des retards dans l’avancée du programme… »   

Au lendemain de l’ascension du président, des mannes financières ont été déployées pour changer les décors de l’administration. Une autre priorité ; apparemment. On voit une nouvelle photo géante dans tous les bureaux de l’administration. Un président pétri de charisme. Ce culte du président en dit long sur la conscience collective de nos États africains ; particulièrement de la Mauritanie. Et si le président était simplement le représentant du pouvoir exécutif et non pas l’incarnation comme le juge doit-être une personne qui doit trancher des litiges, tutti quanti, dans une cour de justice plutôt que son incarnation. L’imaginaire collectif mauritanien souffrirait moins. Il est donc indispensable de dire que « l’humain » est le résultat de son milieu social, politique et culturel. Pour changer, il lui faudra se démarquer de toute cette culture, ces représentations. Le président afin de ne pas être une suite logique, doit se détacher de la culture politique hypocrite qui pousse à « vénérer » le locataire du palais. Cela pourrait notamment éviter la mégalomanie. Il aurait pu demander à l’ensemble de l’administration de dépasser sa personne en mettant des photos de leur enfant, famille (mari ou femme), de penser à celles et ceux pour qui, en tant qu’agente ou agent de l’État, il ou elle se réveille parallèlement à l’amour pour la patrie : relatif. Cet apport (novateur) pourra épargner les choses peu agréables pour le budget national, ab antiquo.

Le discours du chef de l’État sur les travaux de l’agriculture a été maquillé d’une dose de propos de dirigeants (militaire ou ancien) qui ne martyrise pas son peuple mais maitrise la situation. En ce sens, la « menace » sécuritaire a plu sur les champs de Rosso. Le mauritanien « lambda » est ébahi par de tels propos. Nulle part en Mauritanie, on se sent en sécurité. Mais ne dérange pas. Le regard attentif des internautes qui, -selon les mots du chef d’État, jouent avec le feu et vont le regretter-, inquiètent plus les pouvoirs publics.

Mohamed Ould Cheikh Ghazouani a raison de dire : « La sécurité n’est pas négociable ». Audere est facere : « Dire, c’est oser ». En d’autres termes, le président essayerait-il dire que la liberté d’expression sur les réseaux sociaux, plus virulente en Occident qu’en Mauritanie, de façon incongrue appellerait à la cybercriminalité. Deux expressions qui sont de champs différents. Internet est devenu, il faut le dire, partie intégrante de notre quotidien. Il est un couteau à double tranchants. D’un côté, un vaste réseau d’échanges sur les outils didactiques et de l’information qui semblent déranger nos dirigeants – car l’actualité ne leur est pas favorable, et d’un autre le « deep web » qui demande une connaissance informatique approfondie et ouvre de façon malsaine les voies vers la cybercriminalité. Cette dernière désigne toutes les activités illégales menées sur Internet, par le biais d’un ordinateur ou d’un appareil similaire. « Elle est fréquemment associée au piratage, mais inclus également les cas de fraude financière ou de harcèlement ». La cybercriminalité terrasse la technologie de grandes puissances ; elle ne peut pas être contrôlée par la Mauritanie. Malheureusement, elle n’est pas prête à disparaitre. Ainsi, il faudra des lois et des compétences pour contrecarrer les abus des réseaux : « dérives » passibles de condamnations. In fine, le mauritanien n’aime pas les critiques constructives ; le gouvernent voudrait que l’on ferme les yeux sur tout. Il se pourrait que ce soit pour continuer à exploser l’applaudimètre ! Il faudra partir des décisions d’un ensemble pluripotent, et pas seulement de la figure du président dans la gestion des destinées. « Le pouvoir est fait pour servir. Il est passager » dixit le juge Feu Kéba Mbaye du Sénégal. L’Opinion publique aura toujours son mot à dire sur la toile, les marchés et dans les salons.

Souleymane Sidibé

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