Disparition de Sy Satigui Oumar Hamady : le Manifeste perd une fois encore un de ses rédacteurs et acteurs


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Photo des rédacteurs du Manifeste des 19 en prison à Nbeyka en février 1966. De droite à gauche : Bal Mohamed El Habib dit Doudou, Ba Abdoul Aziz, Sy Satigui Oumar Hamady en lunettes, Sy Abdoul Idy dit Mamaye et Ba Aly Kalidou.
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C’est à croire que le hasard n’existe pas ou alors qu’il est doué pour envoyer des messages qu’il nous convie à décrypter. Est-ce vraiment un hasard si, à quelques heures de distance, la mort a rassemblé deux hommes qu’un combat commun avait déjà associés il y a près de cinquante six ans, en 1966. Ces lignes n’apprendront à personne que Sy Satigui Oumar fut, comme, et avec Demba Seck et d’autres, 17 autres, un des rédacteurs du Manifeste des 19.

Le hasard, encore lui, avait déjà voulu que deux autres figures du texte emblématique, Bal Mohamed El Habib dit Doudou et Abdoulaye Sow tirent leur révérence respectivement le 19 et 22 juillet 2020. A trois jours d’intervalle. Tout se passe comme si le destin avait décidé d’un inséparable et durable compagnonnage à la vie à la mort. Il est vrai aussi que le temps fait son œuvre. Les uns après les autres, ces pionniers, précurseurs et visionnaires s’effacent.

Pas leur œuvre malgré l’acharnement avec lequel la direction de leur pays s’emploie à les recouvrir d’un oubli qui est le lot commun de ceux qui dérangent mais auxquels l’histoire a donné raison. C’est peine perdue. Preuve en est que l’on est nombreux à se souvenir.

L’homme qui vient de disparaître est celui-là même qui, le 10 juin 1965, soit sept mois avant la publication du Manifeste des 19, prit sur lui d’adresser une lettre à M. Mohameden Ould Babah, professeur d’arabe, auteur de propos ouvertement racistes,
tenus à l’occasion d’une cérémonie de distribution des prix au lycée de Nouakchott. Tout un symbole ! Le défunt se contenta, une façon de dire les choses, car ce n’était pas rien, de rappeler tout simplement la nécessité de préserver la spécificité notamment culturelle des diverses communautés du pays dont il dit en guise de conclusion de sa missive qu’«…aucune d’entre elles ne pourra assujettir l’autre » (source : Le Monde, 17 février 1966, page 6). Une évidence? Pas tant que cela. Les faits du moment lui donnèrent raison. L’avenir davantage encore.

Il n’est pas dès lors étonnant que l’enseignant ait été arrêté en février 1966, le 11 exactement, au même titre que ses compagnons cosignataires du Manifeste des 19 et transféré en prison à Nbeyka (voir sa photo en détention). Depuis, l’homme n’a pas varié.

Réputé pour sa constance dans son combat contre la domination, l’arbitraire, le refus de l’injustice, son credo fut constant et a toujours tenu dans un principe, une résolution: la défense de l’intérêt du grand nombre au risque d’en payer le prix et à celui de voir ses proches en pâtir.

La Mauritanie perd, avec la disparition de Sy Satigui Oumar, un visionnaire, un juste qu’elle s’est employée à méconnaître de toutes ses forces. En réalité, par-delà l’homme, c’est un combat, ce sont des communautés, des cultures, des identités qu’une certaine Mauritanie a toujours cherché à invisibiliser. Elle continue avec plus d’ardeur et de morgue plus de 60 ans après son indépendance. Qu’Allah accueille ces grands hommes en son paradis.

Nous adressons nos sincères condoléances à la famille du défunt, à ses proches. Nos pensées pieuses vont à Aissata, Kadia, Néné, Yéro Bal Sy….et à tous ceux qui leur sont proches et chers.

Ciré Ba et Boubacar Diagana – Paris, le 14/11/2022

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