Colloque International dans le Cadre du 34e sommet des chefs d’Etats et de gouvernance de l’Union Africaine

Intervention par vidéoconférence du Dr SAO Ousmane Président du Cadre de Concertation et de Dialogue des Mauritaniens de la Diaspora (CCDMD) dans le cadre du 34e sommet des chefs d’états et de gouvernance de l’Union africaine lors du Panel virtuel des experts et cadres africains. Ce sommet de l’UA est placé sous le thème : « Arts, Culture et Patrimoine, des leviers pour construire l’Afrique que nous voulons ».Paris le 15 février 2021.

Avant de commencer mon intervention, je tiens à remercier tout particulièrement les organisateurs de ce panel d’expert africains et de cadres de hauts niveaux qui m’ont invité à participer et de présenter une contribution à ce colloque sur le 34ème sommet des Chefs d’Etats et de Gouvernement de l’Union Africaine. Je salue également les conférenciers qui ont répondu présents à cette invitation malgré un emploi du temps très chargé. En ma qualité de Président CCDMD, je suis honoré et fier de représenter mes compatriotes mauritaniens dans ce panel et j’espère humblement qu’à la fin de cette intervention virtuelle, vous serez aussi satisfaits pour poser les questions et appréciations nécessaires afin d’enrichir le débat.

Plan de l’intervention 

I Texte et Contexte 

II Patrimoine Mauritanien 

III Conclusion I- Texte et contexte 

Lors du 34ème sommet des Chefs d’État et de gouvernement de l’Union Africaine (UA), les dirigeants africains ont fixé comme objectif de discuter lors de ce sommet, des arts, de la culture et du patrimoine sous le thème « leviers pour construire l’Afrique de nos ambitions ». 

Selon l’UNESCO (2008), « Le patrimoine est l’héritage du passé dont nous profitons aujourd’hui et que nous transmettons aux générations à venir. Nos patrimoines culturels et naturels sont deux sources irremplaçables de vie et d’inspiration ». Il inclut notamment les « œuvres qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de l’histoire, de l’art ou de la science » (monuments ou ensembles) ou du « point de vue esthétique, ethnologique ou anthropologique » 

Cette définition distingue deux types de valeur :- Une valeur d’héritage du passé dont nous profitons… (valeur d’usage), « sources irremplaçables de vie et d’inspiration »,- Des valeurs à transmettre « aux générations futures », notion qui évoque une valeur du registre de la maintenabilité. Il y a donc de multiples types de patrimoines. 

La notion du patrimoine culturel mérite dans un premier temps d’être mieux définie. Le patrimoine culturel est un bien collectif d’un groupe d’hommes, d’un pays, d’une nation, de l’Humanité, permettant aux générations de connaitre leur passer pour mieux comprendre leur présent afin de bien entreprendre leur futur. C’est-à-dire il est considéré comme un héritage transmis par nos ancêtres. En ce sens il est un facteur de stabilité et de cohésion sociale, donc un déterminant important pour un développement local. En anglais, il se traduit par le mot héritage : tout objet patrimonial trouve donc son origine dans le passé, il représente la mémoire de l’évolution.

Selon l’UA, le patrimoine culturel qui est considéré comme une expression des modes de vie développés par une communauté et transmis de génération en génération, y compris les us et coutumes, les lieux, les objets, les expressions artistiques et les valeurs, « sera pour les 12 prochains mois au centre des discussions dans la plupart des événements organisés par l’UA ». Faisant remarquer que les expressions culturelles sont « abondantes au sein de l’Afrique, avec une grande diversité culturelle non seulement entre différents pays mais également au sein d’un même pays », l’UA a souligné que le patrimoine africain « est attaché aux valeurs morales tandis que la culture africaine est exprimée dans les arts et artisanats, le folklore et la religion, les vêtements, la cuisine, la musique, les langues, etc. ».

Lorsque l’ancien directeur de l’Unesco René Maheu, disait à juste titre que « le développement, c’est la science devenue culture ». Non seulement il a raison mais force est de reconnaitre que l’Histoire et la Préhistoire nous enseignent que l’Afrique est à la base de l’Histoire moderne grâce à l’invention de la Science et de la Technique en Egypte au temps du Pharaon. L’éminent professeur Cheikh Anta Diop n’en dira pas moins dans son ouvrage, Civilisation et barbarie « c’est en toute liberté que les africains doivent puiser dans l’héritage intellectuel commun de l’humanité en ne se laissant guider que par les notions d’utilité, d’efficience ». Dans son discours d’ouverture du forum AFRICA TIME FOR A NEW DEAL tenu en septembre 2016, Khaled Igue, fondateur et président du think tank Club 2030 Afrique, disait « Je dis souvent, qu’il faut trouver des solutions africaines aux défis du continent, ce n’est aucunement par prétention, mais parce que je reste convaincu que nous ne réussirons toutes les transitions auxquelles nous faisons faces que si l’Afrique est et reste le centre de nos réflexions : transition démographique, transition énergétique, transformations économique et structurelle. J’aime aussi à me considérer comme étant un jeune ambassadeur du continent africain. Et il y a un mot qui me vient souvent à l’esprit dans cet élan de bonne volonté, c’est le mot perception. Le continent africain doit jouer son rôle sur la scène internationale et pour cela nous devrons trouver nous-mêmes les solutions. Et si nous réussissons, le continent sera perçu comme un continent à part entière. »

La Charte de la renaissance culturelle africaine (adoptée par l’Union africaine en 2006) prône que la culture est le moyen le plus efficace de donner aux États membres les moyens de renforcer leurs politiques nationales, afin de contribuer à la réalisation de l’intégration socio-économique du continent, de lutter contre la pauvreté, de relever les grands défis auxquels le continent est confronté et de construire une paix durable. De tous les autres continents, l’Afrique est la seule à avoir adopté une Charte dédiée à la renaissance culturelle. Cette Charte vient se substituer à la Charte culturelle de l’Afrique de 1976. Peu connue et pourtant très importante, la Charte de la renaissance culturelle africaine de 2006 a pour principal objectif de préserver et promouvoir le patrimoine culturel africain à travers la conservation, la restitution et la réhabilitation. Elle vise aussi à diffuser les valeurs africaines, notamment à travers l’éducation. Portée par l’Union africaine, cette Charte n’a été ratifiée que par 14 pays (dernière consultation du site de l’UA le 23 janvier 2021). La Charte de la renaissance culturelle africaine vise essentiellement à affirmer la dignité de l’Homme africain et de la Femme africaine ainsi que le fondement populaire de leur culture ; promouvoir la liberté d’expression et la démocratie culturelle, libérer les peuples africains des conditions socioculturelles qui entravent leur développement ; réhabiliter, restaurer, sauvegarder, promouvoir le patrimoine culturel africain ; combattre et éliminer toutes les formes d’aliénation et d’oppression culturelles ; favoriser la coopération culturelle entre les États africains en vue du renforcement de l’unité africaine et d’une meilleure compréhension entre les peuples ; développer dans le patrimoine culturel africain toutes les valeurs dynamiques et rejeter tout élément qui soit un frein au progrès ; doter les peuples africains de ressources leur permettant de faire face à la mondialisation ; créer des « maisons d’Afrique », collaborer avec elles et faciliter la coopération entre elles ; etc. Parmi les principes énoncés par la charte, l’accès de tous les citoyens à l’éducation et à la culture ; la libération du génie créateur du peuple et respect de la liberté de création ; respect des spécificités et des authenticités nationales et régionales dans le domaine culturel ; renforcement de la place de la science et de la technologie moderne dans la vie culturelle des peuples africains ; échange et diffusion des expériences culturelles entre pays africains. Dans cette Charte, il y a tout pour redonner de l’espoir aux peuples africains. Par ailleurs, nous pensons que cette Charte devra évoluer, aujourd’hui, pour englober aussi l’idée de la restitution des objets d’art destitués.II- Le patrimoine Mauritanien

Ainsi, nous avons choisi de réfléchir sur le patrimoine mauritanien, un patrimoine culturel très riche datant de plusieurs siècles, Pour une prise de conscience sur son importance dans le répertoire patrimonial de la Mauritanie, mais surtout insister sur la fragilité de sa transmission car ne reposant que sur le vecteur humain. Bien que fragile dans mon pays la Mauritanie, le patrimoine culturel est un facteur important du maintien de la diversité culturelle face à la mondialisation croissante. Avoir une idée du patrimoine culturel de différentes communautés est utile au dialogue interculturel et encourage le respect d’autres modes de vie. Je peux dire que l’importance du patrimoine culturel ne réside pas tant dans la manifestation culturelle elle-même que dans la richesse des connaissances et du savoir-faire qu’il transmet d’une génération à une autre. Cette transmission du savoir a une valeur sociale et économique pertinente pour les groupes « minoritaires » comme pour les groupes sociaux « majoritaires » à l’intérieur d’un État. Ce patrimoine culturel ne comprend pas seulement les traditions héritées du passé, mais aussi les pratiques rurales et urbaines contemporaines, propres à divers groupes culturels. Le patrimoine culturel mauritanien ne soulève pas la question de la spécificité ou de la non-spécificité de certaines pratiques par rapport à une culture. Il contribue à la cohésion sociale, stimulant un sentiment d’identité et de responsabilité qui aide les individus à se sentir partie d’une ou plusieurs communautés et de la société au sens large. Pour moi l’enjeu d’une politique de patrimoine au-delà de bénéficier à la population doit permettre de relier le passé et le présent tout en essayant de garder les valeurs identitaires. Les autorités centrales et locales doivent travailler de concert avec les populations à intégrer, dans les plans directeurs de développement local,

L’apport des chercheurs, des universitaires, des organisations paysannes est vivement souhaité dans la recherche de solutions nouvelles. Les changements ne produisent des effets que lorsqu’ils sont acceptés par les acteurs concernés et organisés autour des intérêts évidents et réels. Les institutions locales ont besoin d’être réhabilitées et renforcées dans leurs pouvoirs nouvellement aménagés. Notre rôle est aussi de protéger la Mauritanie d’un tourisme trop « brutal », de protéger des sites fragiles comme le banc d’Arguin (1). Pour cela il est important de créer des bases juridiques pour la protection du patrimoine.

Ceux-ci montrent à suffisance que le patrimoine culturel mauritanien peut être géré par la collectivité ou par les acteurs culturels, l’important est que les dépositaires de la tradition soient au cœur de l’action pour que les objectifs soient atteints. Au-delà des acteurs culturels, les secteurs touristiques, commerciaux, et artisanaux ont tous à profiter de cette activité culturelle. Un patrimoine culturel mauritanien peut être un facteur de développement durable. Il reste juste un engagement politique fort prêt à l’accompagner et participer à sa sauvegarde unique en son genre, grâce à son vécu, il offre de la matière pour la recherche et a des atouts pour se vendre et s’exporter.III- Conclusion 

En conclusion, on peut dire que depuis le manifeste culturel africain adopté en 1969 à Dakar, jusqu’à la Charte pour la renaissance culturelle de l’Afrique adoptée les 23 et 24 janvier 2006 à Khartoum, en passant par toutes les résolutions, décisions et plans d’action relatifs à la culture africaine, adoptés par l’UA et par l’Union africaine en cinquante ans, et en dépit de tous les éléments positifs qui peuvent encourager les Africains à développer leurs politiques culturelles, il reste beaucoup à faire, pour que ces discours ne soient pas vidés de leurs sens.

De surcroit, nous constatons, avec amertume, le grand décalage entre les objectifs, les ambitions et les déclarations et entre leur mise en œuvre réelle au niveau continental, sous continental et national.  Aujourd’hui, les cultures africaines sont sérieusement menacées par les processus incontrôlés de la mondialisation, ainsi que l’invasion des modèles culturels étrangers et produits culturels de masse. Les modes de vie, les valeurs ancestrales, les connaissances et savoir-faire traditionnels sont marginalisés ou en voie d’extinction. Aussi des menaces diverses pèsent sur la riche diversité des cultures locales, traditions, langues et patrimoine culturel et immatériel africain. S’y ajoutent la faiblesse des institutions, les contraintes financières persistantes et le manque de personnel et d’infrastructures spécifiques.

Par conséquent et pour que les cultures africaines puissent faire face à tous ces enjeux et jouer un rôle dynamique dans le développement économique et social des peuples de l’Afrique, la vie culturelle africaine ne doit pas seulement être célébrée une fois par an, elle devra être persévérée et développée à travers des politiques continentales cohérentes, efficaces et harmonisées.

Les peuples africains devraient regarder ensemble dans la même direction afin de réussir à former une communauté solidaire au destin partagé et pour cela, la culture est la porte d’entrée.

Banc d’Arguin

Le parc national du Banc d’Arguin (PNBA) est une réserve naturelle de Mauritanie. Couvrant un tiers du littoral mauritanien, il a une surface de 12 000 km2 partagés entre partie maritime (l’océan Atlantique) et partie continentale (le désert du Sahara). Le Parc national du banc d’Arguin est donc un des plus grands parcs d’Afrique de l’Ouest. Créé en 1976, devenu site Ramsar en 1982 et site du Patrimoine mondial de l’Unesco en 1989, le parc national du banc d’Arguin est régi par la loi 2000/24 qui a été offerte symboliquement par le Gouvernement mauritanien comme don à la terre le 14 mars 2001, à l’occasion de la « Campagne pour une planète vivante » du WWF.

Panel des experts et cadres africains. Paris 15 février 2021

Intervention du Dr. SAO Ousmane

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