Une petite mise au point à l’intention du camarade Mouhamed Al Habib Kidé

Cher camarade,
C’est avec intérêt que j’ai lu ton texte au sujet de la manifestation du 10 juin organisé par le mouvement «Turban Rouge», j’avais pu écouter un audio en Pulaar dont tu es l’auteur qui faisait office de traduction de ce texte.


En effet le mouvement Turban Rouge s’est formé deux jours après le terrible meurtre d’Abass Diallo par un militaire de la patrouille chargée de sécuriser la frontière avec le Sénégal. Dans un contexte d’indignation, d’une part assez partagée chez les internautes, mais d’autre part très diffuse, ce mouvement a eu comme but premier de rassembler tous les appels à la justice autour d’un symbole commun : la couleur rouge. Cette unité d’expression a instauré une sorte de fil conducteur auquel se rattacher et a incontestablement eu un effet mobilisateur qui va au delà même des frontières du pays. Ainsi, je crois que toute critique sur les actions de ce mouvement devrait montrer, si elle se veut honnête et impartiale, cet acquis qui est d’une importance capitale. Ce fait positif semble malheureusement t’échapper; peut être que tu étais si concentré à déceler les manquements que tu en as oublié de faire une liste complète de l’ensemble des actions. Dresser une liste incomplète, biaisée pouvant induire le peuple en erreur est un procédé qu’il faut toujours éviter d’adopter quand on soumet des remarques plaintives au public.
Le mouvement Turban rouge, contrairement à ce que tu en dis dans ton audio, est non partisan et n’a jamais mis l’appartenance politique en avant. Ce qui peut expliquer d’ailleurs l’adhésion à ce symbole de tout un peuple venu d’horizons politiques différents. Donc ton analyse repose sur un faux postulat, tu en es arrivé à accuser la manifestation du 10 juin d’avoir délimité l’affaire Abass au sein d’une couleur politique que tu t’es permis de présupposer. Dans cet élan de raisonnement qui repose malheureusement sur une hypothèse erronée, tu as affirmé qu’Abass n’était pas dans un mouvement politique et donc qu’un parti seul ne devrait pas organiser un acte de dénonciation. Encore une fois, tu enfonces une porte ouverte. Ce mouvement a montré dans tous ses appels au peuple son caractère indépendant. En espérant que cette fois ci tu aies pris le temps de vérifier ton information, et que tu n’aies rien omis qui dérangerait la conclusion que tu voulais soumettre, et qu’Abass n’appartienne vraiment à aucun mouvement politique, je crois qu’il ne serait pas toujours tout aussi évident qu’exiger un accord entre les différentes organisations soit prérequis au lancement d’une manifestation. Je ne crois pas qu’une telle démarche soit à l’origine des mouvements ayant cours aux Etats Unis, en France ou au Mali en ce moment même. Non, je crois que la force de ces grands mouvements cités réside dans le fait que les gens se sont rejoints dans la rue sans exiger recevoir un préavis; les gens ne se sont pas attardés à scruter les noms des initiateurs, ni à s’inventer des raisons de s’y soustraire. Non ! Les gens ont vu des gens dehors, se battre pour une cause juste et s’y sont joints pour gonfler la foule et renforcer sa voix. Et pourtant ils avaient chacun un facebook pour écrire une critique du mouvement, et un whatsapp pour lancer des audios à messages discordants, ils ne se sont pas attelés à casser l’harmonie, ni à contrecarrer la dynamique ; ils ont utilisé ces plateformes pour amplifier l’action qu’ils ont désormais intégrée, et l’ont propagée vers les quatre coins du globe. On peut ainsi, naturellement et sans grande originalité, être tenté de se demander si l’échec que tu déplores dans la manifestation du 10 juin ne tient pas surtout du fait que certains, au lieu de

participer à la diffusion du message, ont choisi de réserver leurs forces pour les séances de critique de l’après manifestation. Cher camarade Kidé, ta voix aurait plus porté si tu avais participé à cet appel citoyen, à le diffuser au moins, comme bon citoyen; mais au lieu de cela tu as décidé de t’illustrer particulièrement dans la post-action. Cela rappelle les adeptes de l’après- coup politique. L’adepte de l’après-coup politique observe une lutte entre deux parties, ce qui l’importe c’est de bénéficier de l’issue, peu importe le vainqueur. Il attend toujours la fin pour évaluer la meilleure façon d’en tirer profit. Celui que personne n’a vu s’impliquer dans le pré- combat, se retrouve soudainement témoin voire l’arbitre, ou même vainqueur d’une lutte qu’il n’a pas menée. Je ne dis aucunement que tu en es un dans ce cas précis, mais le problème est que si tu voulais en être, tu ne t’y serais pas pris différemment.


Sur une question de cette importance, nous devrions apprendre à oublier nos personnes, ne serait ce que provisoirement, au profit de la justice; participer à la dynamique en cours, la corriger s’il le faut de l’intérieur, ou au moins éviter de la discréditer avec des accusations infondées. Il y a quelques jours, alors que tu criais à l’injustice, tu avais bien apprécié que le peuple te soutienne sans se concerter, et pourtant ta situation n’avait rien de comparable à celle d’Abass. Alors accepte que les gens puissent aussi manifester sans se concerter dans une situation beaucoup plus grave et plus urgente. Mieux, tu avais là une occasion inespérée de rendre la réaction spontanée que le peuple a témoigné à ton égard en juste rejoignant les manifestants dans la rue.
Avec toutes mes amitiés,

Dr Mouhamadou Sy

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