REVENONS A NOUS-MEME

Alors vous tournez en rond, vous perdez vos repères, des questionnements vous secouent. Ils vous torturent et deviennent de plus en plus intenses et imposants. Les premières interrogations sur les crises que nous vivons, les interdits que nous acceptons, les injustices que nous subissons font leur irruption. Questionner nos sens pour nous découvrir et saisir la substance de ce qui nous entoure est primordial. Remettre en question le bien fondé de nos croyances et certitudes devient alors inévitable. Quel que soit notre degré de certitude, le doute est toujours permis. Douter, chercher, trouver comprendre, transmettre, voilà même le sens de l’existence. D’ailleurs, le fait d’être religieux ne signifie nullement que vous vous êtes libérés de votre bestialité. Cela révèle une autre nécessité, un autre besoin ; un désir de fusionner avec le cœur de l’invisible pour s’élever, se comprendre et partager. Tout au cours de notre existence, que nous soyons croyants ou pas, le doute nous envahit et nous oblige à revenir aux choses essentielles : Qui sommes-nous ? D’où venons-nous ? Où allons-nous ?

Ces interrogations déjà présentes dans la pensée philosophique de Kant nous ramènent à nous-même et nous guident dans la compréhension du sens que nous donnons à la vie, à l’existence, au temps. L’individualité de chacun d’entre nous se structure avec des expériences et des croyances, des vérités et des préjugés. Dans l’Autre en Nous, pour une philosophie du pluralisme, l’islamologue suisse proclamait que ce sont les joies, les peines, les rencontres, les blessures, les séquelles de la vie cachées dans la mémoire de la communauté qui portent les racines de nos identités singulières et partagées. Il poursuivait en soulignant qu’il n’existe aucune humanité sans mémoire, en période de doute, de crise ou de conflit, cette dernière est un refuge, un remède et même un espoir.

Nous vivons des bouleversements et des mutations, des désastres et des calamités qui nous obligent à revenir sur nos traces ; à nous-même. On ne peut comprendre la vie qu’en regardant en arrière, professait S. Kierkegaard. Revenir à soi pour repartir, affronter les défis de notre temps et évoluer tout en restant en équilibre doit être au cœur de nos réflexions. Dans ces moments d’inquiétude et de crise, les mémoires de nos sociétés nous permettent de tracer les itinéraires de nos cheminements et de nos dépassements afin de retrouver la paix et la liberté. Quotidiennement, des questionnements nous traversent et nous tétanisent. Ils font tomber petit-à-petit ces obstacles épistémologiques dont parlait Bachelard et nous invitent partir à la recherche de la vérité et du savoir. Au début nous hésitons, nous résistons et, finalement, la curiosité et le désir de savoir nous submergent et nous invitent à voyager. Ainsi, au fil du temps, des croyances et des vérités établies s’écroulent, la peur nous envahit, le vide s’installe, de nouvelles fondations se créent et deviennent les piliers de notre nouvelle personnalité.

Ce cheminement n’est possible qu’en retournant dialoguer avec les ancêtres, visiter notre mémoire collective, celle qui porte nos récits historiques et les germes de notre devenir. Nous vivons des crises existentielles et environnementales qui nous enseignement sur nos fragilités et sur nos émotions. Une sombre et terrifiante époque nous défie et nous exhorte à revoir le sens que nous donnons à l’équité, à la justice, à la fraternité, à la vie, au temps. Les désastres qui nous terrifient constamment contiennent des enseignements qui montrent que les temps et les conditions changent si rapidement que nous devons garder notre objectif constamment concentré sur l’avenir disait le réalisateur américain Walt Disney. Cette pensée philosophique et cohérente montre que les conditions de notre salut se trouvent dans cette capacité à lire entre les lignes de nos passés « lointains » et « récents » et comprendre ceux—ci pour préparer l’avenir et anticiper les crises et les conflits.

Interroger nos pratiques et habitudes, dépasser nos préjugés et caricatures, changer de regard et expérimenter d’autres vérités. Au contraire de l’européen, le Négro africain ne se distingue pas de l’objet, il ne le tient pas à distance, il ne le regarde pas, il ne l’analyse pas. Il le touche, il le palpe, il le sent, confessait ainsi Léopold Sédar Senghor. C’est une poésie, belle et douce, instructive et essentielle qui fait appel aux sens de l’africain pour sentir le monde qui l’entoure, le comprendre, le vivre et l’incarner ; d’avancer en étant en fusion avec les êtres et les choses. Cet esprit libre et ingénieux de l’africain n’a pas disparu mais il est enfoui au plus profond de chacun d’entre nous et nous interpelle.

Entre les ravages de la mondialisation et les conséquences de l’esclavage, entre le passé colonial encore très présent et les violences de l’impérialisme occidental, l’africain s’enfonce de plus en plus dans les tréfonds de la misère et de la dépendance. Dépendance économique, politique et intellectuelle. Nos cultures se vident, nos traditions disparaissent et nous nous enfermons dans une vie faite d’illusion et de supplice. Dans ce chaos, la logique voudrait que l’on agisse avec prudence et connaissance sans se bercer dans un panafricanisme formaliste et victimaire.

Le devenir de notre monde s’assombrit de jour en jour. Le passé est certes irréversible mais nous pouvons rectifier les trajectoires, façonner de nouvelles normes et permettre le retour de l’ordre. Pour ne pas conclure, je vais citer Laurent Scalese : « Le côté positif du temps perdu, c’est qu’il rend précieux le temps qui reste. A nous de savoir en profiter ».


KIDE Baba Gallé

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