L’oppression, un droit en Mauritanie.

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Le droit ne peut vaincre que là où règne la justice. Sans l’application de la justice, le droit devient caricature. Sous le fallacieux prétexte de l’illégalité de la caravane contre « l’esclavage foncier et la spoliation des terres agricoles » organisée par un panel d’organisations de lutte pour les droits humains, l’Etat mauritanien arrête et emprisonne injustement Biram Dah Abeid, Djiby Sow et leurs camarades à Rosso. Par ces arrestations massives et ciblées, le régime de Mohamed Ould Abdel Aziz nous dévoile une fois de plus son vrai visage raciste. Et par conséquent, il confirme son incapacité à apporter des solutions convenables aux questions cruciales du pays.

Le message est bien reçu : est désormais criminelle toute personne qui ose s’insurger contre les dérives du régime. Dénoncer l’accaparement et la concentration de tous les pouvoirs par une seule race, les pratiques esclavagistes des notables ou la spoliation des terres agricoles des paysans de la vallée est considéré comme un délit passible de peines d’emprisonnement ferme. C’est pourquoi jusqu’ici IRA-Mauritanie compte à elle seule près de 15 militants derrière les barreaux des prisons mauritaniennes. L’acharnement de l’État contre les militants de ce mouvement est une violation des droits des citoyens. L’interdiction de se réunir et de manifester est une autre obstruction faite aux libertés individuelles. Qui peut nier le racisme d’Etat et la persistance de l’esclavage en Mauritanie? Quel citoyen digne et honnête ose se taire quand il constate l’expropriation des paysans de leurs propres terres? Mais en réalité, le mécontentement de l’imam de la grande mosquée saoudienne Ould Abeid Rahmane qui refuse la contradiction d’un imam hartani, ou encore les doléances des chefs de tribus les Hodhs interpellent plus les autorités que les revendications des militants. Ces agissements ne révèlent-ils pas une politique clairement discriminatoire ?

Tant que les citoyens mauritaniens ne sont pas considérés sur le même pied d’égalité, il y aura toujours des insurgés, et à juste titre. Ni l’intimidation, ni l’emprisonnement n’arrêtent la volonté des personnes déterminées dans la lutte pour l’égalité et la justice. D’où le bien-fondé des activités de cette caravane que l’Etat mauritanien vient d’interrompre. En effet, les politiques nationales de lutte pour l’abolition de l’esclavage relèvent de la démagogie pure et simple. Comment peut-on combattre honnêtement l’esclavage alors que l’on nie son existence même ? De même, pourquoi jamais un présumé coupable n’a-t-il été incriminé par la justice pour pratique de l’esclavage ? Pourtant, les organisations telles qu’SOS-esclaves et IRA ne cessent de présenter à la justice des cas… Ici encore, il faut le dire sans tergiverser, l’État cède toujours à la pression des familles des coupables des pratiques esclavagistes et, pire encore, il leur offre sa protection et son soutien.

Pareillement, les tortionnaires identifiés par les rescapés des événements de 89 bénéficient de promotions tous azimuts. Tout récemment, Mohamed Ould Abdel Aziz a nommé deux criminels au poste d’attaché militaire, à savoir le colonel Mocktar Ould Mohamed Mahmoud à Madrid et le colonel Ismaél Ould Chebeta. Sans parler des autres généraux qui se remplissent les poches et dirigent chaotiquement les destinées du pays. Mais, l’heure est venue pour la nouvelle génération de prendre sa responsabilité devant l’Histoire. Comment construire une unité nationale durable dans cette perpétuelle provocation symbolique? Pourtant, nombreux sont ceux qui tombent dans la manipulation étatique. Partout, ils reproduisent le discours accusateur des autorités à l’encontre des militants de droits de l’homme.

Certains mêmes vont jusqu’à incriminer ceux qui agissent à leur échelle. Ils distillent ça et là leur vile morale. Ainsi, chaque jour que Dieu fait, on observe l’instrumentalisation de la religion pour berner. Pire, jamais la justice prônée par Allah n’a été appliquée sur les assassins des militaires noirs dans les années 90. Combien d’érudits, combien d’imams observent sans lever le petit doigt les autorités malmener leurs concitoyens vivant dans la détresse et la misère sociale? Cependant, lorsque c’est l’Etat qui est attaqué, ils sont enclins à ressasser le vieux discours « Malheur à celui qui réveille la fitna ». N’est-il pas profondément indécent qu’un religieux, un intellectuel ou un homme politique fasse un discours sur le respect du droit, alors que l’on opprime ne serait-ce qu’un citoyen..? La véritable morale consiste à rappeler aux dirigeants que leur mission est de servir le peuple. Combien de citoyens sont-ils privés de leurs droits fondamentaux ? Pourquoi nos richesses ne sont-elles pas équitablement partagées ? Pourquoi prive-t-on des familles entières de leur citoyenneté ? Pourquoi des tortionnaires dirigent-ils l’armée ? Pourquoi les victimes des événements de 89 ne bénéficient-elles d’aucun mémorial quand Mohamed Ould Abdel Aziz se targue d’être un président d’unité ?

La vérité en est qu’étant lui même complice du désordre institutionnel, Mohamed Ould Abdel Aziz adopte un comportement totalitaire. Il ne sait ordonner que la répression. Seule l’occupe sa course effrénée à l’enrichissement. Et comme cette entreprise ne fleurit que dans la stabilité politique, il n’hésitera pas à user de tous les moyens coercitifs pour étouffer dans l’œuf toute volonté révolutionnaire. Cependant, l’élite dirigeante oublie que, pour construire ou consolider des institutions démocratiques, la paix sociale est nécessaire. Celle-ci n’est possible que du moment où les identités et les doléances des citoyens sont respectées, et ce sans distinction de race ni d’origine tribale.

Les clivages socio-culturels s’exacerbent et l’étau se resserre. Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à dire que la Mauritanie est au bord du gouffre et que bientôt des pogroms civils vont éclater, mais rares sont ceux qui osent dénoncer directement et ouvertement les instigateurs. Il est grand temps que toutes les forces vives convergent pour mettre fin au système qui opprime depuis près d’un demi siècle la population mauritanienne. Chacun doit assumer pleinement son rôle d’acteur social et utiliser tous les moyens pacifiques pour fléchir les tenants de ce système. Les acteurs doivent être convaincus que les cycles de changement se préparent intimement dans la volonté populaire.

Seuls se libèrent ceux qui s’éveillent de leur éternelle torpeur. Il faut planifier des actions libératrices pour avorter le projet autoritaire qui s’installe en Mauritanie. Cela doit passer par la conscientisation des masses opprimées comme l’ont initiée les militants de la caravane.

Bâ Sileye

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