l’Édito de RMI, Rien n’a changé dans la Mauritanie nouvelle d’Aziz

IMG_2466« La Mauritanie nouvelle » était entre autres le slogan de Mohamed Ould Abdel Aziz lors de la campagne électorale de 2009. Dès qu’il eût destitué Sidi Ould Cheikh Abdallahi, le général s’est arrogé le statut de président des pauvres. Donc de la majorité des Mauritaniens. Deux mandats constitutionnels se sont écoulés sous son règne. L’heure est au bilan. Quels sont les changements notables enregistrés durant sa période d’occupation du pouvoir ? Observe-t-on de véritables améliorations dans les conditions de vie des citoyens ? Qu’en est-il du respect de leur dignité, de leur accès aux soins de santé, aux services publics, de l’éducation de leurs enfants, de l’égalité des chances, des libertés ?

 

Vue de l’étranger,  la Mauritanie offre l’image d’un pays au bord de l’explosion. En effet, les questions d’actualité traitées sur les réseaux sociaux concernent généralement la vie politique agitée du pays. Or, en réalité, les préoccupations quotidiennes des citoyens se résument ainsi : sortir de la misère sociale. Cette réalité est telle qu’au premier contact avec la population, l’on est en droit de se demander si Mohamed Ould Abdel Aziz a seulement commencé à mettre en oeuvre son programme électoral, à savoir juguler la misère. Son règne a certainement profité à une minorité rapprochée, un clan bien ciblé, mais les indigents demeurent les grands oubliés de son régime.  C’est du moins ce qui ressort des discussions avec les citoyens, qu’ils soient à Nouakchott ou à l’intérieur du pays. La pauvreté gagne de jours en jours du terrain et affecte désormais la classe moyenne. La première victime est le panier de la ménagère. L’État n’impose aucun contrôle sur les prix des denrées de première nécessité. Les commerçants les fixent donc arbitrairement à leur guise. Nombreuses sont les familles qui ne parviennent plus à assurer les trois repas quotidiens. D’après les prévisions des ONG, cette détresse sociale risque de se solder par une catastrophe humanitaire.

 

A cela, il faut ajouter le problème d’accès à l’eau potable dans certaines contrées du Nord du pays. Nouakchott a toujours soif. Dans certains quartiers périphériques  comme Melah, les charretiers ravitaillent les ménages jusqu’aux heures tardives de la nuit. El-Mina, Sebkha, les Kebbas, Netek, Basra et autres rivalisent encore dans leur misère continuelle. Rien n’a changé. Ainsi, un chauffeur de taxi qui nous conduisait à Basra nous a demandé pourquoi le goudron de l’axe « d’arrêt de bus »  n’est jamais réparé. La réponse ne s’est pas fait attendre et elle était catégorique. Pour les passagers, il s’agit tout simplement d’un quartier à forte concentration de noirs ghettoïsés : l’Etat et les services publics n’y voient donc aucun intérêt. Et l’on s’étonne que la haine et le rejet de toute autorité  se développe parmi les jeunes qui y résident. Leur révolte vis-à-vis de l’Etat et ses symboles est justifiée. Au regard des quartiers Nord de la capitale, on ne peut qu’acquiescer à ce constat. En effet, une petite sortie nocturne nous a permis de constater un éclairage bien plus important que dans les quartiers mentionnés, des artères goudronnées, un assainissement largement meilleur, un contrôle sécuritaire plus rassurant que l’impression de couvre-feu que donne la présence policière dans les quartiers Sud.  C’est la même réflexion qu’un autre citoyen nous a faite une fois dans le quartier de Medinah R.  A la hauteur du garage de Kaédi, la route qui y mène demeure toujours en état piteux et difficilement praticable par les véhicules. Ceci dénote que les responsables de l’Etat chargés des infrastructures routières ne passent jamais par là… Ces citoyens ne sont pas seulement des pauvres, ils sont des laissés-pour-compte. A l’intérieur du pays, les habitants se plaignent des détournements des aides alimentaires.

 

Notre président se prévalait lors de ses campagnes d’être le chantre de la lutte contre la corruption. Ce fut l’objectif affiché de ses deux mandats. Or, le fléau n’a pas bougé d’un iota. La réalité est telle que les bailleurs des fonds étrangers ne confient plus directement les financements aux dirigeants mauritaniens, mais préfèrent s’associer avec les populations démunies. Cette nouvelle approche adoptée par les humanitaires montre bien la dégénérescence morale qui affecte notre pays. La corruption a même été renforcée par les pratiques discriminatoires du service de contrôle qui sévissent lorsqu’ils ont affaire à de simples fonctionnaires, mais accordent carte blanche à l’entourage du président.

 

Ces jours-ci, c’est la rentrée des classes. Sans s’attarder sur la polémique vestimentaire imposée par une circulaire ministérielle, la vie des fonctionnaires de ce domaine n’est pas des meilleurs. Le système éducatif est à bout du souffle avec des programmes obsolètes constituant somme toute une bombe à retardement pour les générations futures. A cela, il faut ajouter le manque d’infrastructures. L’Etat s’est engagé dans la vente d’anciennes écoles sans en construire des nouvelles. De plus, des villages entiers sont laissés en rade. Cette année, on a vu des directeurs officier sous des arbres pour inscrire les écoliers. Dans les rangs des instituteurs et professeurs, les démissions et les départs volontiers sont fréquents. D’ou la recrudescence du recrutement d’enseignants contractuels sans formation professionnelle au préalable. Les enseignants n’arrivent plus à joindre les deux bouts. En discutant avec certains parmi eux, l’on se rend compte qu’ils préfèrent enseigner dans le privé pour arrondir les fins de mois. Là encore, la corruption bat son plein… Les responsables du ministère de l’éducation nationale négocient des congés maladies en échange de chèques. C’était une pratique qui existait sous Taya, elle fait ses beaux jours dans la « Mauritanie Nouvelle » de Mohamed Ould Abdel Aziz. La misère sociale s’est s’accumulée en s’ajoutant à celle héritée de la mauvaise gestion sous les différents régimes.

 

sileye87@gmail.com

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