L’édito de RMI : A quoi sert leur politique ?

La politique est un exercice à la fois noble et ingrat. Et cela pour au moins deux raisons. Sa noblesse réside première et authentique mission, à savoir la gestion des affaires de la cité. « L’objet de mon enseignement », explique Protagoras dans le Dialogue de Platon, « c’est la prudence pour chacun dans l’administration de sa maison et, quant aux choses de la cité, le talent de les conduire au mieux par les actes et la parole ». Socrate poursuit : « Si je comprends bien, c’est de la politique que tu veux parler et tu t’engages à former de bons citoyens ? ». Protagoras confirme alors : « C’est cela, Socrate, et tel est bien l’engagement que je prends ». L’ingratitude de ceux qui se prêtent à cet exercice apparaît lorsque, au lieu de s’occuper des affaires des citoyens, ils considèrent la politique comme une profession. C’est dans ce contexte que le peuple et l’intérêt général deviennent des instruments entre les mains de politiciens en l’absence de véritables politiques.

En Mauritanie, force est de constater que loin de sa mission, l’élite politique traditionnelle est devenue progressivement imbue d’elle-même et se croît supérieure. Et ce, du fait d’une trajectoire socialement plus valorisante que le reste de la collectivité globalement conditionnée dans l’ignorance et l’analphabétisme. Sans oublier que ces dirigeants ont toujours des intérêts individuels, politiques et financiers à défendre. Ministre, directeur général ou parlementaire, chacun milite d’abord pour sa propre cause et celle d’un « chef » tapi dans l’ombre. Raison pour laquelle à chaque fois qu’émerge un mouvement qui prône la rupture et de suppression systématique de l’état actuel des choses, la classe politique traditionnelle crie au danger de la guerre civile. Aussitôt, les muftis régurgitent leurs sermons fades, et les politiciens leurs discours creux. Par ces agissements, on ne fait que rationaliser l’hégémonie de l’oligarchie militaro- politique qui monopolise le pouvoir. D’où l’idée selon laquelle, un simple et ordinaire citoyen civil ne peut jamais assurer la gestion démocratique du pouvoir en Mauritanie. Le rôle assigné aux civils jusqu’ici est l’occupation de l’espace, en subissant passivement les régimes militaires et semi-civils. Tantôt en tant que soutiens, tantôt en tant que mécontents.

Cet état de fait a largement contribué à l’instauration de la mentalité de la haine de soi. La personnalité citoyenne est partout bafouée. Les citoyens peuvent croupir dans la pauvreté, mais lorsque viendront les élections, on sait comment les mobiliser. Ces derniers reproduisent les mêmes comportements que ceux qui se prévalent d’agir à leur nom. Quant aux intellectuels et aux personnalités respectables qui devraient éveiller les consciences, ils s’adonnent à la course du gain. Devant les autorités, au lieu de dénoncer les injustices et la misère sociale, ils courbent honteusement l’échine. Chez eux, l’honneur s’est éclipsé derrière l’opportunisme. D’où la dévaluation totale des charges publiques. Le premier pantin qui se pointe à la porte de Rais peut devenir un ministre, conseiller à la présidence ou responsable public. Dans la conscience collective, il est plus valorisant d’évoluer dans le giron du système et du gouvernement. A chaque  crise politique ou institutionnelle, les militaires et la classe politique traditionnelle arborent des feuillets pour faire gober aux populations qu’ils contiennent le salut du peuple. Depuis l’avènement du multipartisme, ils se jouent du peuple. Et par une démagogie bien huilée, ils nous font croire que le  dialogue politique est  au centre de leurs préoccupations. En réalité, les premiers utilisent l’armée pour se maintenir au pouvoir et les seconds profitent des opportunités pour intégrer le système.

De nos jours encore, nombreux sont ceux qui prêchent la démocratie alors qu’il y a peu, ils étaient encore intiment liés avec le dictateur Taya. D’autres encore qui se revendiquent de fervents démocrates ne se gênent nullement pour légitimer un coup d’Etat ou refuser la candidature unique de l’opposition parce que celui qui est proposé est un Hartani, donc considéré d’origine servile. L’opportunisme politique qui a fait capoter le Front Démocratique Uni pour le Changement ( F.D.U.C né le 5 juin 1991), le FNDD, la C.O.D guette de près le FNDU. Les négociations avec le système doivent obéir au rapport de force dont seul le peuple sera l’acteur principal.

Les employés de la Snim viennent de démontrer à la nation que le changement vient par le bas. Notre élite doit rompre avec l’idée selon laquelle le peuple est irrationnel et incapable de promouvoir le bien commun. Nous devons savoir que le discours dogmatique sur la préservation de la paix sociale n’est suivi d’aucune volonté manifeste. Jusqu’ici les luttes politiques ne font que contribuer à la prospérité du système politico-militariste. Sinon pourquoi Biram Dah Abeid et ses camardes sont-ils emprisonnés ?  Pourquoi exclut-on des Mauritaniens par le biais d’un recensement ? Pourquoi ignore-t-on les revendications légitimes des rapatriés ?

Bâ Sileye

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