L’arabe et nous : halte aux procès d’intention !

Il a suffi d’un posting sur la place que j’estimais devoir être celle du français dans notre pays et sur l’utilisation de l’arabe comme instrument hégémonique, pour que certains de nos compatriotes me suspectent d’avoir un problème avec la langue arabe. Car sinon, me dit-on, pourquoi est-ce moi, mauritanien et musulman, je ne défends pas cette langue au lieu de déplorer l’extinction de la « langue de l’étranger », entendez le français ?

Simplement le statut de la langue arabe en Mauritanie n’est pas supposé être discutable, ni discuté d’ailleurs. L’arabe est une langue nationale, et à ce titre officialisée. Et à juste raison ! Nul besoin d’ailleurs d’invoquer à chaque fois la sacralité du saint coran dont il est le support, pour justifier je ne sais quel droit intrinsèque à la centralité dans notre pays. A chaque fois qu’on a fait cela, là commence la machination idéologique. Le seul fait d’être une langue nationale suffit à la nécessité de son officialisation. Et c’est un fait heureux. Quid des autres langues nationales ? Mes contradicteurs me diront toujours, la main sur le cœur qu’ils y sont favorables, mais vous ne les verrez jamais militer concrètement pour, pas plus que vous les verrez à l’initiative d’un propos qui y soit favorable. C’est toujours en réaction qu’ils vous diront qu’ils y sont favorables…

Mais revenons à l’arabe et à ce que j’en pense. Ce que je regrette, c’est que cette belle langue ait été utilisée comme instrument de domination, alors que pendant des siècles elle a servi à cimenter le lien entre nos communautés ; en tous cas via les échanges entre les doctes musulmans des différents groupes ethniques. Pourquoi est-ce que tout d’un coup les négro-africains ont eu une réaction de rejet, ou tout au moins de méfiance par rapport à l’arabe ? Ceux qui ont savamment conçu l’arabisation forcée du pays, de son administration, et de son système éducatif sont les mieux placés pour répondre à cette question. Car le but qu’ils visaient dans cette démarche d’imposition de l’arabe n’était pas son acceptation par les négro-africains, mais son rejet. Oui, aussi paradoxal que cela puisse paraitre aux drogués des vérités toutes faites, les pires ennemis de la langue arabe en Mauritanie, ce sont ceux qui ont cherché à l’imposer par calcul hégémonique.

Ce que je reproche d’ailleurs à mes compatriotes arabes qui, dans leur très grande majorité sont de bonne foi, c’est d’avoir laissé des idéologues du grand soir, un grand soir qui a fait de minables recettes ailleurs, faire jouer à la langue arabe un rôle bien loin de la vocation historique censée être la sienne. Car la langue qui a su véhiculer à la perfection le beau message de l’islam ne peut avoir pour vocation de servir d’instrument de domination, donc d’injustice et d’inégalité. C’est d’une double trahison que les idéologues de l’arabisation forcée se sont rendus coupables vis-à-vis de l’Histoire. Trahison de la langue arabe elle-même, et trahison des valeurs islamiques qu’elle véhicule depuis des siècles. Tant que l’arabe n’était pas instrumentalisé politiquement, il était accueilli avec bonheur au Fouta, au Guidimakha et au Walo. Et il y faisait son petit bonhomme de chemin sans inquiéter, car il était porteur non pas d’une menace, mais d’une promesse… Qui a transformé la promesse en menace ? Je ne suis pas sûr que le voleur soit bien loin de celui qui crie au vol…
A bon entendeur, salut !

Bocar Oumar Ba

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