« La souillure » Épisode 3 par Isselkou Ahmed Izidbih

Le président de la Commission reprit la parole pour me dire qu’il souhaitait m’interroger sur un dossier (moins important) concernant l’attribution de ce qu’il appela le marché de «la route Kiffa-Tintane» au consortium national ENER-ATTM, au détriment de la société privée (sans en citer le nom) qui avait remporté, selon lui, l’appel d’offre initial. Je répondis rapidement que je ne me rappelais pas d’une quelconque réfection totale ou partielle de la route Kiffa-Tintane, durant l’année que j’ai passée à la tête du département de l’équipement et des transports. Le voisin de gauche du président de la Commission prit la parole pour signaler qu’il s’agissait du tronçon Kiffa-Boumdeid. Je répondis que j’avais demandé au président de la Commission de m’indiquer le (ou les) dossier(s) objet(s) de l’audition et que je n’avais malheureusement obtenu aucune information en retour, que je revenais juste d’un séjour à l’étranger et que j’allais donc répondre de mémoire.


Je rappelai à mes interlocuteurs, que si cette mémoire était bonne, le dispositif légal et réglementaire qui régentait les marchés publics, comprenait l’Autorité de régulation des marchés publics, la Commission nationale de contrôle et la Commission sectorielle, et que le ministère n’était concerné que par cette dernière. Je citai à la suite un projet de construction, probablement celui dont il était question, au cours de l’octroi duquel les deux représentants (deux ingénieurs) du département étaient venus me voir pour me signaler que la Commission sectorielle était en train d’adjuger un contrat sur des bases erronées ; je continuai en disant que je leur avais ordonné de bloquer toute la procédure en attendant d’y voir plus clair, et qu’ils m’avaient répliqué qu’ils n’en avaient pas la latitude du point de vue des textes règlementaires, la seule possibilité, selon eux, étant d’inscrire « leurs réserves » sur le procès-verbal de la Commission sectorielle. J’ai expliqué à mes interlocuteurs avoir donné instruction à ces deux jeunes ingénieurs de signifier, par écrit, leur désapprobation, que j’étais quasiment certain qu’ils l’avaient fait et qu’ils pouvaient se porter témoins en cas de nécessité.

Par la suite, j’ai indiqué que la procédure prévoyait que le Premier ministre ramenât la liste de tels projets en Conseil des ministres pour un aval ultime et que je me rappelais parfaitement avoir longuement donné mon point de vue sur ce qui m’avait été signalé par les représentants du département, que suite à un débat autour de ce sujet, une décision collective fut prise et que j’étais –et je reste aujourd’hui- solidaire d’une telle décision. Je précisai que ce n’était pas tant l’octroi de ce marché à des sociétés nationales au détriment d’un opérateur privé qui me posait problème, car les pays du monde, y compris les plus économiquement libéraux, recouraient à de telles pratiques, mais plutôt le rôle, mineur à mes yeux, imparti au département de tutelle de par les lois et règlements en vigueur -à l’époque- en la matière. Je signalai à mes interlocuteurs que si ma mémoire était bonne, tout le dispositif légal et réglementaire concerné avait été révisé depuis et que les membres de la Commission pouvait utilement interroger l’un d’entr’eux (cité par son nom), présent dans la salle et que je respectais comme un bon connaisseur du secteur.

Je signalai enfin que la signature formelle du ministre, au nom du gouvernement, représentait, en réalité, le point d’orgue de la longue procédure ci-dessus détaillée et l’une de ses attributions les plus importantes, qu’en user ne constituait pas en soi un abus d’une quelconque nature et que d’ailleurs, il ne fait que « cosigner » avec ses collègues concernés par le projet public en question. Après ces explications, aucune question supplémentaire ne me fut posée par mes interlocuteurs à propos de ce sujet.
(A suivre)

Isselkou Ahmed Izidbih Ex-Ministre des affaires étrangères

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