L’ interrogatoire de l’adieu

C’était le jour du dernier Conseil des ministres. Les ministres étaient surpris par les mouchoirs posés devant leurs emplacements. Ceux qui ont compris se sont mis à pleurer. Quelques uns n’arrivaient pas à faire couler leurs larmes, ils déliraient. D’autres simulaient des évanouissements. Ce fut un conseil horriblement hypocrite comme durant tout le règne du chef… Après les pleurs, les murmures, les gloussements, vinrent les prises de parole. Quasiment tous dirent pareillement : «  Merci chef de m’avoir accordé, moi le vaurien, cet instant de personnalité.

En guise de réponse, le chef « C’est la faute au Peuple »…

Le dernier à prendre la parole soupira. Sa voix se confondit avec un gloussement. À cet instant, un silence de cimetière s’abattit sur eux.

« Votre Excellence, je vais être bref, puisque je me suis toujours épanché, et jamais je n’ai achevé mon propos. Sauf votre respect, aujourd’hui, je vais vider mon sac. »

Et Son Excellence tira sa cravate, comme pour imiter les hommes d’Etat qu’il voyait dans les reportages. Non par étouffement, mais plutôt par mimétisme.

Un fou rire s’empara de la salle. Interminable bien évidemment. Il a fallu que le Chef glousse pour que les visages se referment.

Et d’un sourire plein de malice, Son Excellence lança : « Chacun a son heure de gloire mais toi, je te donne ton instant de revanche »…

Encore, un tumulte s’installa avec le bruit des chaises.

On vous écoute… grogna-t-il.

Et là, comme pour marquer la solennité de sa bravoure désespérée, le ministre se mit débout.

Son homologue, l’échine courbée, la voix étouffée, lui glissa : « tu es devenu fou »?

Mais le Ministre fit mine de ne rien entendre.

«  Votre Excellence, je veux que vous répondiez à toutes mes questions.»

Son Excellence : Vous savez ce qu’on dit aux officiers de transmissions dans l’armée ?

Le Ministre : Non.

«  Vous avez une arme et une cartouche, en présence de l’ennemi, ne vous faites pas prendre ».

Je semble comprendre, dit le Ministre d’une voix tremblotante.

Votre Excellence : « Pourquoi, pendant tout ce temps, n’êtes-vous entourés que de médiocres comme moi ».

« Votre Excellence, pourquoi jamais l’avis de l’un de nous n’a-t-il compté pour vous?

Votre Excellence, comment êtes-vous venu à gouverner, vous personnellement, et pas un autre meilleur que vous »?

À cet instant, Son Excellence fit sortir tous les ministres et retînt le brave du jour pour les besoins d’interrogatoire, celui de l’adieu.

Dahane Bouceif

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