Actualité politique : Les partis d’obédience négro-mauritanienne et les enjeux électoraux

Cet article est à retrouver avec d’autres articles dans le Journal du RMI N°1 du 30/06/2018, disponible en téléchargement (PDF) ici .

Maintenant que les choses se précisent davantage à propos du calendrier électoral de l’année en cours, l’opinion se demande comment les partis dits d’obédience noire en Mauritanie envisagent de faire face aux défis que posent les futures élections.

En effet, le Parti pour l’égalité et la justice (PLEJ), l’Alliance pour la justice et la démocratie (AJD/MR), l’Alliance pour la démocratie en Mauritanie (ADEMA), le Mouvement pour le renouveau (MPR), des segments de l’UFP, Arc-en-Ciel et l’Union des forces du changement (UPC, non reconnu) ainsi que la kyrielle de mouvements qui gravitent dans leurs sillages sont attendus au tournant. Face à un système politique de plus en plus verrouillé et résolument engagé dans une logique d’exclusion à peine voilée (pour ne pas dire hautement affichée), la population Négro-mauritanienne exprime un ardent désir de voir ces partis, mouvements et autres associations, fédérer leurs forces. Pour certains, c’est même un impératif qui prime sur tout le reste.

Selon un acteur politique engagé, la seule option qui vaille aujourd’hui, et qui est la seule à même de freiner la fatidique marche du système vers l’exclusion totale des Négro-Mauritaniens du jeu politique national, est la mise en place d’une coalition électorale inclusive, forte et solide. En d’autres termes, toutes les structures travaillant dans l’optique d’assurer une plus grande prise en compte de la diversité et engagées dans la lutte contre le racisme et la marginalisation des communautés noires devraient être concernées. Les leaders de ces structures devraient faire preuve de disponibilité et de souplesse. Ils devraient transcender les petits clivages et dépasser les guéguerres individuelles futiles entre eux. Ils doivent surtout mettre fin à ces petites chicanes et rivalités qui ont fait d’eux des « leaders » qui ont excellé dans l’inertie et l’égoïsme. Ce comportement malsain a donné au pouvoir et au système qui le porte des coudées de plus en plus franches pour marginaliser davantage la communauté noire et parachever son exclusion progressive de la scène politique nationale.

Dix ans après l’arrivée d’Aziz au pouvoir, le constat est effectivement désastreux pour tous. Malgré le soutien inconditionnel dont il avait bénéficié de la plupart des principaux leaders politiques noirs, Aziz s’est avéré être le pire des présidents du pays depuis l’indépendance en termes de prise en compte de la diversité ethnique dans le pays. Depuis 2008, le quota des noirs dans l’administration, l’armée, la justice, les secteurs économiques et des finances et d’autres, s’est réduit à peau de chagrin. L’accès des jeunes noirs aux emplois et postes publics devient insignifiant. L’avancement de ceux qui sont en activité est toujours hypothétique et aléatoire. On ne leur laisse d’autre possibilité que de choisir entre la clochardisation et l’immigration.

Pire, sous Aziz, les aspirations et attentes de cette frange de la population sont royalement ignorées. Ses revendications légitimes et ses préoccupations majeures ne sont jamais écoutées. Les zones à forte concentration des populations de souche noire, en l’occurrence le sud du pays et certains quartiers des zones urbaines des grandes villes sont les grands oubliés dans les « réalisations » du régime. Les faux-fuyants et les effets d’annonce médiatiques ont noyé le début d’exécution du programme amorcé par SIDIOCA pour la résolution équitable et définitive des questions des réfugiés et du passif humanitaire. L’agence Tadamoun qui a remplacé l’ANAIR a royalement ignoré les rapatriés du Sénégal de ses programmes, préférant servir les clients du régime dans d’autres zones pour fidéliser certaines chefferies locales. Les rapatriés, parqués dans des hameaux démunis, sont laissés à eux-mêmes, privés de tout. Même de l’état civil de leurs enfants. En même temps, les expropriations des terres des populations autochtones sous le fallacieux prétexte de l’application d’une loi foncière arbitraire et désuète se poursuivent dans la Vallée, alors qu’au nord et à l’est, l’Etat protège la propriété foncière tribale. Les vexations, les mesures restrictives des libertés et les bavures policières se multiplient surtout contre les jeunes noirs et haratines dans les quartiers populaires de Nouakchott et ailleurs. Tout cela dans un silence assourdissant de toute la classe politique nationale, les « leaders noirs » en tête ! La seule réponse qu’on oppose aux rares courageuses voix qui s’élèvent encore contre cette discrimination – désormais établie sans aucun complexe – est la répression, la réclusion en prison, l’exclusion, la stigmatisation et la diabolisation.

Partout, on discrimine les Noirs de ce pays. Ces derniers semblent même s’en accommoder en se positionnant, majoritairement, en « victime consentante ». On dirait qu’elles marchent au rythme imposé par les « nègres du système » qui hypnotisent les populations par de fausses promesses et l’achat collectif des consciences. Chacun d’entre eux caresse, secrètement, l’espoir d’être le cheval sur lequel mise le pouvoir pour domestiquer les masses noires. Pourtant, la réalité amère est que tout se passe sans eux qui, au mieux, ne sont que des faire-valoir qu’on ne consulte jamais ; ou dont l’avis n’est jamais pris en compte.

Cette situation est largement encouragée par le comportement des élites et des leaders politiques noirs se revendiquant de l’opposition. Au lieu de faire face à la tragédie, ils excellent dans la félonie, l’opportunisme et l’orgueil déplacé. L’égo atrophié des « leaders » noirs altère leur vue. Il cache une incurie maladive qui empêche chacun d’entre eux de travailler, en égal et en partenaire, avec les autres. Chacun voudrait être « leader » et « grand patron » des autres et se hisser au sommet de la représentativité d’une communauté qui accumule les années de souffrance et de martyr. Des années faites de répression aveugle, d’arbitraire, de dédain et de mépris de la part d’un pouvoir qui perpétue et recycle, d’une manière feutrée et cynique, les pires pratiques du régime de OuldTaya!

En soutenant Aziz en 2008, certains leaders noirs s’étaient dressés, de manière incompréhensible, contre les intérêts de leur communauté. En désavouant Sidi Ould Cheikh Abdallahi, pourtant renversé pour avoir voulu résoudre les lancinantes questions de l’unité nationale – en engageant un courageux programme de réconciliation nationale – , ils ont raté le tournant de l’histoire. Par la même occasion, ils ont signé leur propre arrêt de mort et donné un blanc-seing au système pour se perpétuer. Et depuis, c’est la descente aux enfers qui continue de plus belle pour la communauté noire !

Pour revenir sur la scène, les leaders politiques noirs n’ont pas d’autres choix que de fédérer leurs forces pour peser lourdement sur la balance et imposer leur présence dans les prochaines échéances électorales. A défaut, ce sera l’hécatombe avec une nouvelle assemblée et des conseils régionaux sans une représentation significative pour cette composante nationale.

Qu’on se le dise, les partis d’obédience noire ne peuvent plus se permettre le luxe d’évoluer en parallèle avec des leaders qui se regardent en chiens de faillence. L’heure est grave et les défis de plus en plus nombreux et complexes. Ils n’y pourront faire face que par l’unité, le minimum de cohésion, ne serait-ce que le temps d’une échéance électorale. Surtout que des arrangements sont bien possibles entre les leaders de ces partis afin que chacun puisse y trouver son compte. Et partant, ils se rachèteront aux yeux de l’opinion, en se hissant à la hauteur des aspirations de nos communautés respectives qui rêvent d’une Mauritanie plurielle, diverse et inclusive dans laquelle chacune de ses composantes est valablement et convenablement représentée, à tous les niveaux, dans un cadre démocratique pluraliste apaisé !

Par ailleurs, les tentatives du système de souder le bloc Maure autour du régime à travers l’encouragement, l’arrangement et la supervision de l’alliance entre les extrémistes nationalistes arabes du parti Sawab et les maximalistes de l’IRA, interpelle tous les observateurs de la scène. Le « resoudage » du bloc Maure par la « récupération » de l’aile la plus radicale dans la lutte contre l’esclavage et le racisme dans la communauté haratine en dit long sur l’acharnement du système à éviter toute éventuelle synergie des forces des victimes l’oppression raciste et esclavagiste du système. La grande frustration exprimée par des centaines de jeunes Négro-Mauritaniens déçus par la capitulation du leader de l’IRA ouvre un grand boulevard devant les leaders noirs pour récupérer certains groupes de jeunes qui avaient misé sur la constance de Biram Ould Dah…

 

Yero G.

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